ET SI ON S'OCCUPAIT DU DEVELOPPEMENT?

Par Gratien Rukindikiza

 Burundi news, le 06/07/2008

Parlons de développement de notre pays et d'amélioration du niveau de vie de notre peuple. Ce n'est pas facile car on tombe facilement dans la politique. Mon pari est de parler de ce développement sans évoquer la politique ou les sujets qui fâchent. Le développement ne peut se concevoir sans penser à l'amélioration du niveau de vie de nos citoyens. C'est une affaire de nous, qu'on soit riche, commerçant, agriculteur, intellectuel,  fonctionnaire ou de la diaspora. Si notre peuple a un bon niveau de vie, c'est tout un peuple heureux.

Amélioration des conditions de vie des paysans

Les paysans burundais sont en quelque sorte des propriétaires, si non des chefs d'entreprises car ils doivent gérer leurs biens, investir, produire, vendre ou consommer. Ce sont des entrepreneurs pauvres, qui ne peuvent pas se mettre en faillite car elle signifierait la négation de soi-même ou un suicide. Pour améliorer leurs outils de production, ils ont besoin des fonds qui dépassent de loin leur capacité de financement et aucun banquier n'est prêt à les suivre pour acquérir par exemple un tracteur communautaire.

Dans le système économique mondial, chacun doit se spécialiser pour trouver le domaine dans lequel il a un avantage comparatif. Le paysans d'Imbo  est obligé de produire le riz au coût inférieur au prix de vente du riz indien ou chinois. Celui de Kirimiro ou de Kirundo doit pouvoir concurrencer le haricot congolais. Au lieu d'attendre tout de l'Eat avec ses maigres moyens, les paysans pourraient s'associer pour étudier les nouveaux moyens de production et mettre en commun certains terrains pour les exploiter en commun au lieu de les morceler. Un ami burundais me montrait son projet de culture de poissons dans la plaine de l'Imbo. Il m'expliquait, preuves vidéos à l'appui, que son poisson est le plus recherché de l'Europe et que l'économie vietnamienne commence à en tirer les dividendes. Malgré son business plan le plus complet, il lui est difficile de trouver un financeur pour l'accompagner. Et pourtant, seul Dieu sait combien ce projet pourrait faire profiter à l'économie burundaise. Il est grand temps que nos paysans quittent de plus en plus leurs secteurs pour exploiter d'autres. Ce projet aurait été une bonne occasion.

Au Burundi, les agronomes sont payés par l'Etat et travaillent selon des instructions du ministère. Je suis convaincu que si les paysans s'appropriaient les agronomes en les faisant leurs salariés avec des objectifs clairs, l'agriculture pourrait en bénéficier. Pourquoi ne pas leur confier la recherche et essais de nouveaux engrais bio organiques qui pourraient remplacer les engrais chimiques trop chers pour les budgets des paysans. Un agronome payé environs cent mille francs, le double de son salaire dans la fonction publique, serait motiver de travailler pour une centaine de ménages. Il serait tenu aux résultats et pourrait introduire d'autres espèces de culture à exporter. L'exploitation des marais, les cultures tout au long de l'année, la lutte contre l'érosion permettraient de garantir l'avenir à moyen terme de leurs descendants au lieu de léguer à ses enfants les procès liées aux terres.

L'avenir des fonctionnaires burundais

La fonction publique  sera demain un métier qui n'embauchera pas ou remplacera une partie des places laissées vides en raison des problèmes de budget. Quand les citoyens sont pauvres, l'Etat s'appauvrit aussi. Si l'activité privée se développe, la fonction publique sera moins attrayante et ceux qui y resteront seront obligés de recourir à d'autres sources de revenus honnêtes. Au moment où les prix des denrées alimentaires augmentent, les paysans voient leurs revenus augmenter alors que le niveau de vie d'un fonctionnaire baisse. Combien de fonctionnaires qui ne songent même pas qu'ils ont un capital inexploité? Ils ont presque tous la terre. Il suffirait de consacrer un week end sur deux pour s'occuper de leurs terres en les exploitant d'une façon intelligente pour au moins en tirer plus de la moitié de  la ration familiale.

Il est très impressionnant quand on constate qu'un fonctionnaire moyen de l'Etat gagnant entre cinquante mille à cent mille puisse se permettre de consommer dans un bistrot au cours d'un week end l'équivalent de son salaire. Le niveau de vie baisse et le niveau de consommation reste constant. Qui paye? Sans aucun doute la famille qui voit son budget réduit, à moins de trouver  d'autres ressources. L'avenir appartient à celui qui pourra s'adapter à la situation économique actuelle.

Le rôle de la diaspora

Depuis 1994, les Burundais sont partis en masse à l'étranger en tant que réfugiés plus économiques que politiques. Il y a un débat entre le bien-fondé de l'émigration massive et ses inconvénients. Il est vrai que le pays perd ses fils et filles en qui il a investi. Il suffit de se rendre compte que les médecins burundais en France représentent l'équivalent des médecins d'un grand hôpital de Bujumbura. Probablement qu'il y a autant de médecins burundais au Burundi qu'à l'étranger. La faute à qui? Ils ont été formés et ont servi d'autres pays. Ils ont acquis l'expérience, c'est au Burundi de les attirer pour les faire venir travailler un mois par an par exemple comme le font de temps en temps certains médecins burundais en France.

La diaspora apporte beaucoup au pays. Les devises envoyées sont nécessaires à l'économie burundaise et entretiennent des familles pauvres ou font tourner des entreprises. Par ailleurs, la capacité de mobilisation des fonds pour le secteur social, productif n'est pas très élevée. Les Maliens sont des champions. Ils arrivent à rapporter à leur pays sous forme de projets et d'envoi d'argent plus que l'équivalent de l'aide multilatérale reçue au Mali.

La diaspora burundaise a un rôle à jouer. Nous avons une population pauvre, qui souffre de maladie, qui manque de moyens pour travailler, se former. Dans son entourage, à son travail, à son église, pendant les vacances, il y a des gens prêts à écouter, à suivre un projet de développement social ou économique. Dans les mairies, dans les régions, il y a des fonds destinés au développement. Et le Burundi. Quand je me suis rendu compte que dans ma mairie, où il n' y a presque pas de Maliens, le gros des aides destinées au développement profite au Mali, je me suis posé des questions même s'il n' y a qu'une seule famille burundaise. Il est grand temps que nous les Burundais, soyons des VRP du pays. Nous n'avons pas à vendre le régime en place ou la politique mais la situation à changer de nos citoyens. Si les commerciaux arrivent à vendre un fromage qui ne sent pas bon aux Japonais, qu'est-ce  qui peut nous empêcher nous Burundais de vendre les projets de développement aux Européens, Américains, Japonais et autres.

La diaspora peut aussi à côté de ces aides cotiser pour des projets ponctuels. Je me suis demandé pourquoi un Burundais de la diaspora ne pourrait pas parrainer un enfant de la rue ou un orphelin, lui payer un loyer, les études, les habits et le faire dans un cadre associatif où une association burundaise à Bujumbura pourra assurer le suivi. Ce parrainage coûterait moins de 2 euros par jour, soit l'équivalent d'un verre de bière pour ceux qui en consomment ou une tasse de café. Cette dépense est vite amortie par la fierté du geste. Le geste de donner, d'aimer son peuple est le ciment de la fierté et de la cohésion nationale.

Le rôle des nouveaux riches burundais  

Les nouveaux riches, quelques soient les moyens de s'enrichir, pourraient contribuer à l'aide aux démunis. Quand on devient riche aux Burundi, c'est qu'on a pris aux autres. Celui qui a dirigé a pris aux autres. Mon Dieu garde-moi de parler de politique. Un commerçant a gagné en faisant payer aux citoyens avec des marges hors du commun. Dans tous les cas, rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme. C'est le principe de Lavoisier.

Ces nouveaux riches pourraient concevoir des projets pour aider la population. Ils peuvent créer des associations et leur confier des missions. Je n'ai jamais vu une école, un centre de santé ou un centre de loisir construit par des riches au Burundi, mis à la disposition gratuitement aux citoyens pauvres.

Unissons-nous pour l'avenir de notre peuple

Loin de la politique politicienne, l'avenir du Burundi nous incombe tous. Nous devons le préparer même en dehors de la politique. Nous devons nous unir, mettre en commun les forces,  faciliter la tâche de ceux qui ont ou auront des initiatives. Chacun a un domaine dans lequel il peut contribuer. Nous sommes les enfants de la même nation, nous devons réfléchir ensemble pour arriver à notre objectif, un avenir prometteur de notre peuple.