LA CONTRIBUTION DE LA DIASPORA DANS LA RELANCE SOCIO-ECONOMIQUE DU BURUNDI
Par Gratien Rukindikiza
Burundi news, le 23 avril 2006
Les Burundais de l’étranger ont été considérés comme des éléments gênants des pouvoirs en place au Burundi. Ils étaient surtout des hutu, réfugiés à l’étranger après les différents événements de 1965, 1969, 1972, 1988 et 1993. Ils étaient souvent cités comme des ennemis de la nation. Aucun pouvoir n’a osé les approcher pour une collaboration au développement du pays. Tous les pouvoirs ont tout fait pour les faire rentrer, une façon de calmer ces Burundais très critiques.
Dans d’autres pays, la diaspora a été un grand élément de développement. Il suffit de parler de la région de Kaye au Mali pour que les européens se rappellent de cette solidarité malienne en terre européenne. Cette diaspora a financé des barrages d’irrigation, des constructions d’écoles, de dispensaires. Elle a noué des liens avec des régions de la France qui ont accepté de parrainer plusieurs projets. Le Cap Vert reçoit des devises de la diaspora plus que de la Banque mondiale ou d’une autre aide. Pourquoi pas le Burundi ?
La diaspora Burundaise se compte en dizaines de milliers en Europe et en Amérique. Certains ont une situation stable avec revenu moyen. D’autres n’ont pas eu la chance d’avoir un revenu régulier. Dans tous les cas, cette diaspora dispose de plusieurs atouts qui devraient intéresser le pouvoir en place. Outre les moyens financiers, l’esprit d’entraide se développe beaucoup à l’étranger qu’au Burundi. Ces Burundais disposent aussi des relations avec certains politiciens, hommes d’affaires et membres des associations des pays qui les hébergent. Ces atouts ne sont pas négligeables.
Domaine social
Au niveau de la santé, il y a des médecins qui ont une grande expérience et qui sont très reconnus en occident. D’une façon ou d’une autre, ils peuvent mettre l’expérience au profit de la nation. Le gouvernement peut par exemple payer des billets d’avions et l’hébergement des médecins Burundais de l’étranger au Burundi avec un calendrier bien arrêté des interventions.
Le pouvoir pourrait faciliter et même inciter les Burundais de la diaspora à s’investir dans le domaine de la santé comme l’envoi des médicaments, le financement des centres de santé etc... La pratique actuelle est de décourager ces Burundais par des tracasseries administratives et des demandes voilées d’argent pour permettre de faire entrer des médicaments ou créer des centres de santé.
Au niveau de la lutte contre la pauvreté, tous les Burundais de l’Europe savent que des vêtements sont ramassés et vendus à bas prix. Pourquoi ne pas organiser la collecte des vêtements des Burundais au niveau des ambassades ? Les Burundais pourraient collecter les vêtements auprès des amis et les rassembler à l’ambassade ou à une autre adresse afin de les envoyer au Burundi au profit des orphelins, des pauvres, etc…
Au niveau de la scolarité, les élèves intelligents mais pauvres pourraient être parrainés par des Burundais de la diaspora jusqu’à la fin des études. Il suffirait que le gouvernement accorde à la diaspora sa place en l’associant à la solidarité nationale.
Domaine économique
J’ai cité l’exemple des Cap verdiens qui aident leur pays plus que la communauté internationale. Les Burundais de l’étranger étaient autrefois des réfugiés politiques. Aujourd’hui, ils sont à plus de 50 % des réfugiés économiques. Ils cherchent des lendemains meilleurs. Ils vont en Europe et en Amérique avec l’espoir de bien gagner leurs vies alors que les anciens réfugiés voulaient avant tout sauver leurs têtes. Cette nouvelle donne est un élément important pour les économistes. Le Burundi devrait alors tirer profit du fait qu’il dispose des fils et filles qui peuvent contribuer au développement économiques du pays alors qu’avant, ils étaient considérés comme opposants, disposés à détruire qu’ à construire.
Le Burundi manque de capitaux, surtout des devises. Je ne peux pas être fier d’épargner mon argent dans une banque française alors que l’économie Burundaise en manque. Par ailleurs, les banques Burundaises n’offrent pas assez de garanties aux yeux du Burundais de l’étranger. Le gouvernement pourrait prévoir un mécanisme de garantie en cas de faillite d’une banque au profit de la diaspora. Les circuits bancaires devraient être améliorés pour permettre de faire des virements et de récupérer l’argent du Burundi.
L’argent envoyé au Burundi par la diaspora au profit des membres de leurs familles pourrait profiter d’avantage à l’économie si elle était incitée à ouvrir des comptes en devises comme préconisé par la BCB. Cet argent servirait à des crédits à long terme qui manquent au Burundi.
Certains projets rentables manquent de capitaux. Plusieurs Burundais seraient prêts à investir mais manquent d’informations et d’incitations. L’opacité des affaires au Burundi fait partie aussi des raisons de réticences d’investissement au Burundi. La corruption vient s’ajouter à ces éléments. Elle repousse non seulement les investisseurs mais aussi les donateurs.
Les africains le savent, les européens aussi. Les africains ne restent pas en Europe pendant leur retraite. Les conditions de vie des personnes âgées ne sont pas appréciables en Europe. L’Afrique offre un cadre familial et convivial. Ainsi, les Burundais de l’étranger pourraient être intéressés par un système de retraite organisé au Burundi pour la diaspora. Une caisse pourrait- être créée et serait gérée par des représentants des banques, de l’Etat et des représentants de la diaspora. Les fonds serviraient à des investissements à long terme ; donc des prêts à long terme comme ils n’en existent pas au Burundi. Ces fonds pourraient même dépasser ceux de l’INSS et permettraient de jeter les bases du financement de l’industrialisation du Burundi. Le Burundi éviterait ainsi de voir son économie achetée par des voisins ambitieux.
Le Burundi a besoin des aides et des investissements. Un pays africain qui dispose d’un lobby important dans une puissance occidentale arrive à obtenir des aides importantes. Certains Burundais sont des membres des partis qui sont au pouvoir en Europe et en Amérique. Ils peuvent faire du lobbying et créer un climat propice à une bonne négociation d’aide internationale. En reprenant l’exemple du Mali, la diaspora de ce pays est à l’origine de l’aide importante que reçoit ce pays. Décrocher un jumelage d’une province Burundaise avec une région française ou allemande serait déjà un pas important pour le développement de la province. Il est impensable de négocier un jumelage au profit de celui qui ne l’ a pas demandé ou qui veut le détourner au profit de sa poche. La balle se trouve dans le camp du gouvernement Burundais ou des collectivités Burundaises. Pourquoi ne pas profiter de ces connaissances pour développer le Burundi ?
Le Burundi devrait rompre avec le passé pour regarder vers l’avenir en associant tous les Burundais, y compris la diaspora. La direction chargée de la diaspora serait une bonne chose. La diaspora a besoin d’un médiateur de la République chargé de collecter les doléances de cette même diaspora dans le cadre d’un respect mutuel.
Le pouvoir ne pourra pas associer la diaspora sans faire son autocritique. Il devrait savoir comment éviter des cas déplorables comme ceux-ci : Des médicaments destinés aux soins gratuits de la population bloqués pendant 18 mois à l’aéroport et qui finissent par dépasser les délais et des délais qui dépassent 7 mois pour avoir l’autorisation de soigner gratuitement les Burundais.
La diaspora ne demande pas de l’aide de l’Etat Burundais. Elle demande à être associée au développement du Burundi. Associer la diaspora suppose une transparence et une bonne gouvernance. Le pouvoir doit choisir entre le bien de son peuple ou le plein des poches des dirigeants. La diaspora est un atout majeur. L’ignorer est aussi ignorer une des voies du développement.