LE DILEMME D'UN PRESIDENT CANDIDAT A SA SUCCESSION

Par Gratien Rukindikiza

Burundi news, le 21/07/2009

Jamais dans l'histoire des Burundais des élections n'avaient soulevé tant de polémiques et bientôt tant de morts car il ne faut pas se le cacher. Jamais un pouvoir n'avait eu peur des élections à ce niveau. Le Président Buyoya a organisé les élections très tranquillement, étant confiant de son élection et il a été malgré lui un des bons organisateurs d'élections. Aucun système de tricherie n'avait été mis en place, la transparence était le mot d'ordre.

Aujourd'hui, le Président Nkurunziza aborde les futures élections la peur au ventre, conscient de son échec et aussi conscient du mal qu'il a causé aux Burundais avec son système de répression, de corruption et même d'assassinats. Il tient à rester au pouvoir coûte que coûte.

Du bas vers le haut, la peur du peuple

La volonté de commencer les élections par les Présidentielles est dictée par cette peur des élections à la base car le CNDD-FDD et le Président craignent le châtiment du peuple. En commençant par les Présidentielles, ils donnent l'impression qu'ils auront en face d'eux un autre peuple. Et pourtant, c'est le même peuple qui va voter. Ce peuple sera malmené pour bien localiser ceux qui ne voteront pas le CNDD-FDD. Un recensement par colline a commencé et certains subissent des menaces et sont contraints d'adhérer au CNDD-FDD. Les Burundais ne sont pas  si bêtes qu'on les croit. En 1993, ils ont endormi Buyoya en lui faisant croire qu'ils vont voter pour lui. Les masses vues dans les meetings n'ont pas voté le candidat Buyoya. Combien de faux membres du CNDD-FDD cotisent au parti UPD, au Frodebu, au MSD? Il faut protéger son poste et le cœur s'occupera des urnes.

Le dilemme d'un Président hésitant

Les thèses et les antithèses s'affrontent autour du Président Nkurunziza. Les conseillers rivalisent des stratégies de victoire aux élections. L'hypothèse de commencer les élections par la base est évoquée mais soulève une question cruciale chez le Président. Faut-il être candidat du CNDD-FDD en perte de vitesse, haï par le peuple ou faut-il se présenter en tant que candidat libre?

Si les élections commencent par la base, le Président sera tenté de se porter candidat en tant qu'indépendant. En ce cas, les cadres du CNDD-FDD constateront qu'il vient de porter un coup fatal au parti et ils pourront boycotter la campagne d'autant plus qu'ils auront perdu les élections communales, législatives et sénatoriales. Le Président serait très fragilisé. De même, s'il se présente en tant que candidat du CNDD-FDD qui vient d'essuyer un échec cuisant, il aura peu de chances de gagner. Mais, il aura gardé la cohésion de son parti qui serait parti en campagne soudée.

Si les élections commencent par les présidentielles, la campagne devra tourner autour de ce parti du Président qui a déçu et le Président candidat du CNDD-FDD ne pourra pas s'en défaire malgré les deux mesures "phares" qui ont échoué à savoir la gratuité des soins de santé pour les enfants et les femmes enceintes et la gratuité de l'école primaire. Le CNDD-FDD joue quitte ou double. Ce parti espère que le Président sera élu par les Burundais de la campagne. Or, c'est là où il y a une erreur d'appréciation. Si le Président est battu aux élections présidentielles, le CNDD-FDD aura une sévère défaite aux autres élections et il risque de se retrouver dans la position de l'Uprona en juin 1993.

Cette stratégie de commencer par les Présidentielles a peu de chances de favoriser l'élection de Nkurunziza mais elle a de fortes probabilités de porter un coup fatal au CNDD-FDD. C'est une stratégie d'un homme qui jouerait au loto avec  la fortune de la famille. En cas de défaite, toute la famille se retrouve sans un sous.

Un Président réélu, un Président à vie

Ceux du CNDD-FDD qui  espèrent se porter candidats en 2015 en cas d'élection de Nkurunziza se trompent. Ils ont des chances d'accéder au pouvoir qu'en cas de défaite de Nkurunziza car ceux qui seront au pouvoir pourront perdre en 2015, au nom de l'alternance démocratique. Si le Président Nkurunziza est réélu, il fera comme ses voisins de la Sous région et se maintiendra au pouvoir à vie. Le Burundi aura un autre Mobutu ou Mugabe. Au nom de la démocratie, l'alternance s'impose au Burundi compte tenu de l'état actuel du Burundi. Les démocrates, les patriotes et toute personne épris de liberté devront s'unir pour barre la route à ce dictateur.