Le Burundi va
célébrer avec faste, dans moins de 2 mois, le cinquantenaire de son
indépendance: contrairement à l'être humain, qui est mûr à 50 ans, pour une
vieille Nation comme la Nation burundaise, c'est jeune 50 ans, à peine 2
générations! Tout est donc possible, et certainement pour un pays plein de
potentialités comme le Burundi.
Mais ce n'est
évidemment pas par hasard que je viens de citer la Serbie et le Kosovo,
c'est parce que mes collègues et moi-même, l'Union européenne donc, sommes
préoccupés, en raison de l'amitié qui nous lie de longue date au Burundi,
des relents d'ethnisme que nous sentons poindre de manière diffuse, dans
certains propos, dans certains dossiers sensibles, ces derniers temps, dans
le pays.
Nous savons tous
que le virus ethnique est mortel, ici comme au Kosovo, et il semblait
heureusement éradiqué au Burundi. Nous souhaitons aujourd'hui vous mettre en
garde solennellement contre tout nouvel accès d'ethnisme qui n'apporte que
malheur et désolation, alors que les Burundais et les Burundaises ont droit
eux et elles aussi à accéder aux valeurs et principes inscrits dans la
Constitution burundaise et que l'Union défend avec force partout dans le
monde, comme je viens de le rappeler: la liberté, le respect de l'autre et
des valeurs démocratiques, et le bien-être matériel et spirituel.
Aussi-bien, nous relevons que la Constitution du Burundi de 2005, votre loi
fondamentale, affirme également avec force l'attachement à ces principes, je
cite:
"réaffirmant
notre engagement à construire un ordre politique et un système de
gouvernement fondés sur les valeurs de justice, de démocratie, de bonne
gouvernance, de pluralisme, de respect des libertés des droits fondamentaux
de l'individu, de l'unité, de solidarité, de compréhension mutuelle, de
tolérance et de coopération entre les différents groupes ethniques de notre
société". Le souhait le plus cher de l'Union européenne est de vous
accompagner dans la mise en œuvre de ces principes démocratiques
fondamentaux.
Excellences,
Mesdames et
messieurs
Vous vous rappelez
certainement les mots du Pape Jean-Paul II aux Polonais à la veille de la
chute du Mur de Berlin: "N'ayez pas peur!". Au Burundi, la peur est encore
trop présente dans les esprits, la population a même peur de dire au
gouvernement qu'elle s'inquiète de la hausse des prix. La liberté voulue par
l'Union européenne est d'abord la libération de la peur:
- le gouvernement
doit pouvoir gouverner sans peur du débat, avec justice et équité,
- la société civile
doit pouvoir s'exprimer sans crainte, dans le respect de la loi et de la
déontologie,
- les leaders en
exil doivent pouvoir rentrer pour participer activement à la vie politique
du pays, et le plus important,
- la femme et les
enfants doivent pouvoir rentrer à la maison le soir sans la peur d'être
battus par un homme ivre ou, pire encore, sauvagement assassinée, comme
cette jeune fille albinos de 15 ans affreusement mutilée et sauvagement
assassinée en commune Kabezi voici 2 jours. (Moment de silence)
Que le 50e
anniversaire de l'indépendance du Burundi soit l'occasion pour que tous les
Burundais et les Burundaises de se libérer de toutes leurs peurs, de
s'engager plus résolument encore que par le passé sur la voie de la liberté,
du respect de l'autre, et du développement économique, social et moral de la
nation tout entière, dans toute ses composantes, une vaste entreprise dans
laquelle le Burundi pourra toujours compter sur
l'amitié de l’Union
européenne.
Les défis
auxquels est confronté le Burundi
Excellences,
Mesdames et
messieurs,
Lorsque j'ai
brièvement exposé les graves difficultés auxquelles est confrontée l'Union
européenne, je suis sûr que nombre d'entre vous se sont dit, peut-être avec
surprise:
"tiens, c'est les
mêmes problèmes qu'ici!", et en effet,
- le travail
insuffisant est un grand défi pour le Burundi, très justement adressé
directement par S.E.M. le Président de la République lui-même il y a
quelques jours, le 1er Mai exactement. Il faut travailler plus pour espérer
nourrir une population qui augmente de manière incontrôlée, et permettre à
chacun, par son travail, de vivre dignement et de nourrir sa famille. Si je
puis ajouter mon commentaire: les femmes
travaillent,
beaucoup, et les enfants travaillent aussi beaucoup, malheureusement; et les
hommes…?
- plus encore que
le travail, des hommes en particulier, la productivité du Burundi est
largement insuffisante: pour réussir son intégration économique dans
l'espace régional, et particulièrement dans l'East African Community, cette
productivité doit augmenter fortement et rapidement pour que le pays
bénéficie au mieux de cette intégration que le Burundi, en tant que petit
pays enclavé, doit voir comme une véritable opportunité.
Tout le monde doit
s'ouvrir aux autres, les individus comme les Etats, je l'ai dit pour
l'Europe, c'est vrai aussi pour le Burundi, et cela commence par une bonne
maîtrise des langues étrangères.
- la rigueur et la
discipline budgétaire: une saine gestion des finances publiques orientée
vers le bien-être de la population, une lutte efficace contre la corruption,
le respect de l'indépendance de l'OBR fait partie aussi de la démocratie, un
concept qui ne se résume pas à des élections, si importantes soient-elles;
- puisque je parle
de démocratie et d'élections, mes collègues et moi-même, l'Union européenne
donc, nous continuons d'encourager toute initiative visant à recréer une
réelle vie politique avec pouvoir en place et opposition, dans le cadre
d'une vie parlementaire active. A ce sujet, qu'il nous soit permis de
répéter avec force que nous refusons tout recours à la violence, d'où
qu'elle vienne, et que nous encourageons les leaders politiques en exil à
rentrer au pays afin d'y exercer une activité politique pacifique dans la
perspective des élections de 2015. C'est dans cette perspective que l'Union
européenne, avec les Nations-Unies et la CENI envisagent d'organiser un
séminaire de réflexion visant à tirer les leçons des scrutins de 2010, afin
de préparer au mieux les échéances électorales de 2015.
- et ces mots sur
le dialogue politique m'amènent naturellement aux questions liées à l'Etat
de droit et au respect des Droits de l'Homme, auxquels nous sommes tous très
attachés. Après une période très alarmante durant l'année 2011 qui a vu un
nombre effrayant d'exécutions extra-judiciaires, dénoncées fortement tant
par l'Union européenne et beaucoup d'autres, mais restées jusqu'ici
impunies, nous constatons avec satisfaction que ces crimes odieux sont
beaucoup moins nombreux aujourd'hui, et qu'un dialogue fructueux a été
restauré entre l'Union européenne et le Burundi pour discuter de ces
questions délicates, parmi lesquelles figure le rôle de la Société Civile ,
et en particulier des défenseurs des droits de l'homme, dans une société
démocratique. Je me dois toutefois de rappeler que l'impunité pour les
crimes les plus graves, dont ceux-là, reste un mal fondamental dont continue
à souffrir le pays et que les crimes sérieux commis autour de la période
électorale et en 2011 doivent être dûment investigués et les coupables
traduits devant la justice. Et pour prendre un seul cas emblématique pour
l'Union européenne, nous attachons la plus haute importance à ce qu'un
jugement équitable intervienne rapidement dans le cadre du procès de
l'assassinat d'Ernest Manirumva se termine, et que les véritables coupables
et commanditaires soient dûment identifiés et condamnés.
Dans ce même esprit
de justice et de respect des Droits de l'Homme, mes collègues et moi,
l'Union européenne donc, insiste pour que le processus de la justice
transitionnelle progresse conformément aux standards internationaux en la
matière et ne résulte pas en l'impunité des personnes ayant commis des
crimes imprescriptibles dans un passé plus lointain. Nous souhaitons
vivement que la Commission vérité et réconciliation soit mise en place et
fonctionnelle avant la fin de cette année, comme promis par Son Excellence
le Président de la République. Pour qu'un processus de réconciliation puisse
démarrer, la sécurité et une certaine confiance entre les Burundais doivent
être établies, raison pour lesquelles nous nous réjouissons de
l'amélioration globale du climat sécuritaire et de frémissements
perceptibles en matière de dialogue entre toutes les forces politiques du
pays dont nous saluons, sans les nommer, certains initiateurs ici présents
ce soir.
L'Union
européenne et le Burundi
Excellences,
Mesdames et
Messieurs,
Le moment agréable
est venu pour mes collègues et pour moi de reconfirmer, sur la base des
principes de bonne gouvernance que je viens de rappeler, l'engagement de
l'UE dans son ensemble, donc avec les Etats-membres, en matière de
coopération avec le Burundi, et de remercier à cette occasion tous et toutes
nos partenaires burundais et burundaises, dont un certain nombre sont parmi
nous ce soir. J'ai le plaisir de vous annoncer que l'Union européenne dans
son ensemble, c'est-à-dire avec nos Etats-membres, est en voie de mieux se
coordonner, ici et dans tous les autres pays ACP, avec nos Etats-membres
dans la perspective de la programmation du 11e Fonds européen de
développement, pour le plus grand bien de notre efficacité collective.
Quant à notre
coopération avec le gouvernement burundais, elle se fait sur la base du
Cadre stratégique de Croissance et de Lutte contre la Pauvreté 2e
génération, qui fixe, à juste titre nous semble-t-il, 4 axes prioritaires
pour les années à venir, que l'Union européenne est prête à accompagner:
-le renforcement de
l'Etat de Droit et la consolidation de la Bonne Gouvernance (A cet égard, je
souhaite souligner l'action de l'UE au Burundi est basée sur la Stratégie
nationale de Bonne gouvernance et de la Lutte contre la corruption, que nous
souhaitons voir mise en œuvre le plus rapidement possible et dans sa
totalité):
-la transformation
de l'Economie Burundaise pour une Croissance Soutenue et Créatrice d'Emplois
avec pour priorités l'agriculture et la sécurité alimentaire, l'énergie et
le développement du secteur privé,
-l'amélioration des
Services de Base, en particulier l'éducation et la santé,
-la gestion
rationnelle de l'Espace, de l'Environnement et des ressources naturelles
pour un Développement véritablement durable. Quelques chiffres, les seuls de
mon discours, rassurez-vous: malgré la crise financière qui l’affecte,
l'Union maintient ses prévisions d'aides au Burundi pour toute la période
2008-2013 pour laquelle l'enveloppe globale s'élève à plus de 260 M EUR soit
plus de 450 milliards de Fbu. Si l’on ajoute les versements effectués par
nos Etats membres, on peut estimer à plus du double de ce montant le soutien
apporté par l’Union européenne dans sa globalité, car il ne faut pas oublier
non plus que nos Etats membres sont d’importants contributeurs à la Banque
Mondiale et aux agences des Nations-Unies qui sont aussi des acteurs de
premier plan ici au Burundi.
En conséquence de
ce qui précède, je puis dire en notre nom à tous que nous maintiendrons ou,
pour certains de nos Etats-membres ici présents, intensifierons même nos
actions dans de nombreux secteurs tels que la sécurité, la défense, la
justice, la bonne gouvernance, l'adduction d'eau potable et assainissement,
l'éducation, la santé, les infrastructures, le développement rural , la
sécurité alimentaire et, bien entendu, l'intégration régionale, dont j'ai
déjà souligné l'importance pour le Burundi.
Même si tous ces
domaines sont évidemment très importants, je voudrais insister
particulièrement sur 2 d'entre eux, à savoir la question de la sécurité
alimentaire, comme je le fais régulièrement dans mes interventions
publiques, et celle de la production de la distribution d'électricité.
D'abord, et avant
tout, la sécurité alimentaire: le Burundi bénéficiera en 2012 d'une
enveloppe supplémentaire de 18 mio. d'Euros pour contribuer à réduire de
moitié le nombre des personnes vivant dans l’extrême pauvreté et des
personnes qui souffrent de la faim à l’horizon 2015. Le FIDA a été désigné
comme étant le partenaire privilégié pour mettre en œuvre ce projet et je
remercie nos partenaires pour notre excellente coopération. Le Burundi
bénéficiera par ailleurs d'une enveloppe de 8 M€ à travers le Programme
Sécurité Alimentaire et Nutrition au Burundi (PRO-SA-NUT), dont les actions
viseront à lutter contre la malnutrition, un problème alarmant dans
certaines provinces du pays et qui s'aggrave de jour en jour. Et comme je
l'ai dit, nos Etats membres, et en particulier la Belgique et les Pays-Bas,
intensifient aussi leur présence dans ce secteur, en raison des besoins
alimentaires en croissance très rapide de la population.
Je ne peux
mentionner ces problèmes de sécurité alimentaire sans lancer une nouvelle
fois un appel vibrant au gouvernement burundais pour qu'il mette en place
rapidement un programme efficace de planning familial. Le taux de fécondité
actuel au Burundi est le 5e du monde, et la densité de population est trop
élevée dans certaines provinces. Quoi que fasse le gouvernement et les
producteurs agricoles burundais, avec le soutien croissant des bailleurs de
fonds, il sera impossible de nourrir la population burundaise avec la
production du pays à l'horizon 2025. C'est la raison pour laquelle le
Président Nkurunziza lui-même a qualifié la croissance démographique de
problème sécuritaire pour le pays, et je ne peux que lui donner pleinement
raison!
Ensuite, l'énergie
électrique: nous savons tous à quel point le problème de l'approvisionnement
électrique handicape la croissance de l'économie et à quel point
l'augmentation du coût de l'électricité est une source légitime d'inquiétude
d'une population très pauvre, même si cette augmentation est économiquement
inévitable.
La coopération
entre le Burundi et l'Union européenne, en ce compris la banque européenne
d'investissement et certains Etats-membres ici représentés, va donc à
l'avenir aussi se concentrer sur le difficile problème de
l'approvisionnement en énergie électrique, après s'être fortement concentrée
sur les infrastructures routières ces dernières années. Le Gouvernement du
Burundi et la BEI , avec l'apport de la BM , ont déjà noué des contacts
fructueux pour la construction des centrales hydroélectriques de Jiji et
Mulembwe qui pourrait, si ce projet voit le jour, doubler la capacité
électrique du pays. Lors des discussions sur la préparation du 11ème FED,
d'autres projets énergétiques seront aussi proposés qui feront certainement
de l'énergie un de nos domaines de concentration. Ceci étant dit, j'ai le
plaisir de vous annoncer que l'Union européenne vient d'attribuer le marché
du bitumage de la RN 19 reliant Cankuzo à Muyinga, et que les travaux
pourront débuter prochainement.
Excellences,
Mesdames et
Messieurs,
Afin de pouvoir
financer les actions identifiées dans le CSLP2, les partenaires du Burundi
auront une occasion à présenter leurs engagements lors d'une conférence de
partenaires que le gouvernement souhaite organiser en automne de cette
année. Nous souhaitons que la participation à cette conférence soit la plus
large possible, incluant bien entendu les partenaires actuels du Burundi,
mais aussi de nouveaux pays et organisations partenaires au développement du
Burundi, le secteur privé intéressé par des investissements dans le pays, et
aussi la société civile burundaise.
Toutefois, à
l’heure où nos Etats membres doivent se résoudre à d’importantes coupes
budgétaires, nos responsables politiques veillent plus que jamais à ce que
les ressources financières mises à disposition soient rigoureusement et
judicieusement utilisées. Nos opinions européennes sont certes prêtes à
faire montre de solidarité, comme je l'ai dit en commençant mon propos, mais
ne pourraient accepter des détournements de fonds ou des pratiques de
corruption qui restent courantes au Burundi, encore moins lorsque nos
propres citoyens sont appelés à se serrer la ceinture. Cette préoccupation,
bien légitime, est du reste partagée par les citoyens burundais concernés au
premier chef. A cet égard, je voudrais répéter que nous saluons la politique
de tolérance zéro contre la corruption proclamée par le Président de la
République. Nous attendons que la lutte contre ce fléau s’applique
impitoyablement à tous les niveaux. A travers nos actions, nous continuons à
appuyer le gouvernement et la société civile dans leur effort de combattre
la corruption, et nous lui demandons d'intensifier ses efforts dans ce
domaine crucial pour le développement économique du pays. Dans ce domaine-là
aussi, nous vous disons que la bonne gestion des finances publiques, la
bonne gouvernance à tous les niveaux, et la lutte contre la corruption, vous
apporteront ce que tous et toutes vous attendez d'un Etat de droit: la fin
des peurs stériles et la libération des énergies, la confiance qui permet le
développement économique, et le bien-être matériel et spirituel auquel ont
droit tous les citoyens burundais.
Vive le Burundi,
Vive l'Union
européenne et la Coopération internationale,
Je vous remercie.