LES DIRIGEANTS  DE LA REGION DES GRANDS LACS  VEULENT TOURNER LA PAGE

Par Gratien Rukindikiza

 Burundi news, le 15 janvier 2006

La région des grands lacs est connue pour ses guerres civiles et entre pays. Toutes ces guerres ont été expliquées sous l’angle ethniste. Il y a eu des massacres des tutsi, des hutu au Burundi, au Rwanda et au Congo. Ce sont ces massacres et des assassinats qui les avaient précédés qui ont déstabilisé la région des grands lacs.

Des solutions ont été proposées, des rencontres ont été organisées, la communauté internationale s’est mobilisée pour sauver la région alors que les peuples concernés n’ont jamais eu à se prononcer sur les problèmes d’insécurité. Les dirigeants ont cru parler en leurs noms mais n’ont pas compris les messages de leurs peuples. Les 3 peuples avaient et ont encore  besoin de la paix. Les bruits de bottes rwandaises n’ont pas été entendus au Congo alors que la rumeur annonçait l’imminence d’une guerre. Le Burundi n’était pas prêt à y retourner pour servir d’artilleurs.

La région des grands lacs prépare une normalisation des relations. Un retournement est possible les jours à venir. En politique, tout peut arriver. L’ennemi d’hier peut devenir l’allié d’aujourd’hui. La paix dans les grands lacs passe nécessairement par une entente à 3  entre le Burundi, le Congo et le Rwanda. Le Rwanda fait peur à ses voisins depuis qu’il a constitué une armée qui a renversé Mobutu et qu’il n’hésite pas à en faire usage dès qu’il estime que sa sécurité peut-être menacée. 

Le Burundi a d’excellentes relations avec le Rwanda. Le FPR a soutenu le CNDD-FDD et les deux sont au pouvoir. L’incident d’Akanyaru n’en est pas un. Après des enquêtes, la vérité est que le Rwanda n’a pas occupé un terrain burundais. Après une dispute entre paysans burundais et rwandais dans la vallée d’Akanyaru, côté Mwumba, où les uns et les autres détournaient les eaux de la rivière à leur profit, les militaires rwandais ont été dépêchés  sur place. Le détournement de la rivière change aussi la frontière d’autant plus que la frontière est l’Akanyaru. Les militaires rwandais n’ont pas tiré et ne sont pas restés sur place.

 L’erreur a été surtout commise par les militaires burundais qui ne se sont pas rendus sur place pour constater les faits et discuter avec leurs homologues rwandais. La présence de l’armée burundaise aurait servi aussi à sécuriser les paysans burundais en démontrant que la souveraineté nationale doit se faire respecter. L’absence des militaires burundais a sonné comme une crainte d’affronter l’armée rwandaise. Il ne s’agissait pas de guerre mais dès qu’un militaire étranger franchit ou se met à la frontière, les militaires burundais devraient aussi réagir dans les meilleurs délais. L’incident est purement local. Il ne s’agit en aucun cas d’une leçon du Président rwandais Kagame au Président Nkurunziza.

Le Congo entretient aussi de bonnes relations avec le Burundi. Pourquoi alors les FNL attaquaient-ils à partir du Congo ? Le Président Kabila s’est rendu compte qu’il y avait des sympathisants du FNL dans son cabinet. Ils avaient fait nommer des officiers responsables de la région de l’Est proches du FNL. Ainsi, le FNL avait des facilités de repli et de réorganisation dans le Kivu. Depuis quelques mois, le Président Kabila a fait le ménage. Le nouveau général qui commande la région de Kivu est décidé à chasser les rebelles burundais et rwandais. La présence du Président Kabila à l’Est ces derniers jours a été un symbole fort de la nouvelle donne pour rassurer ses voisins.

Dans quelques semaines, le Président Kabila rencontrera le Président burundais soit à Bujumbura, soit à Kisangani pour discuter de la sécurité sur les frontières et de la bonne coopération.

Le Rwanda a déjà reconnu que le Congo fait des efforts pour désarmer les FDLR. Il n’a plus les ambitions d’intervenir militairement au Congo. L’économie rwandaise a besoin de la région des grands lacs pour écouler sa production ou pour avoir les matières premières. La diplomatie est un meilleur outil, de loin le plus économique que la guerre. Les deux pays normaliseront leurs relations sans aucun doute après les élections congolaises. Par ailleurs, l’immensité du Congo et l’absence d’infrastructure ne permettront pas un grand rattachement du marché du Kivu à celui du reste du Congo. La région sera tournée vers le Burundi et le Rwanda. Dans le cadre du marché commun des grands lacs, il n’est pas exclu que le Kivu se développe avec les voisins de l’Est plutôt qu’avec Kinshasa.

Les pays des grands lacs sont condamnés à s’entendre. La déstabilisation de l’un entraîne celle des autres. Celui qui a la suprématie de la force aujourd’hui ne le sera pas demain. Le Congo de Mobutu était le plus fort. Pourtant, il a été conquis en quelques mois par ses voisins.