DROIT DE REPONSE DE PIERRE BUYOYA, ANCIEN PRESIDENT BURUNDAIS SUITE A JEAN MARIE NGENDAHAYO

Burundi news, le 14/02/2009

Nous publions la réponse de Monsieur Pierre Buyoya, ancien Président burundais. Voici son texte.

 

Monsieur RUKINDIKIZA

Je voudrais faire l’usage de mon droit de réponse et réagir aux commentaires de Monsieur NGENDAHAYO à propos de l’interview que je vous ai accordé le 05février2009.

Je suis d’accord avec Monsieur NGENDAHAYO sur une chose. Les anciens ont le devoir de témoigner sur les événements heureux et malheureux que notre pays a connus pendant qu’ils étaient aux affaires.

Personnellement je ne me suis jamais dérobé et je ne me déroberai pas à ce devoir dans l’avenir. Des commentaires faits part Monsieur NGENDAHAYO, je souhaite réagir sur deux aspects :

La prétendue proposition de cogestion du parti FRODEBU et mon action lors de la tentative du putsch de la nuit du 02 au 03 juillet 1993.

Premièrement la prétendue proposition de cogestion avec le parti FRODEBU

Monsieur NGENDAHAYO affirme haut et fort qu’il est venu me voir peu avant les élections de1993 pour me proposer une cogestion avec le FRODEBU pour une durée de 10 ans si j’acceptais de me présenter en candidat indépendant. Il ajoute que feu BIMAZUBUTE et feu Président NDADAYE seraient venus me faire la même proposition que j’aurais rejetée.

 Il s’agit pour moi d’une affirmation non seulement choquante mais complètement fausse que je suis obligé de réfuter totalement pour rétablir la vérité. Il s’agit d’une fabrication dont l’auteur et bien Jean Marie NGENDAHAYO, une fabrication destinée à minimiser les responsabilités du parti FRODEBU dans la tragédie qui a débuté le 21 octobre 1993. Aucune des personnalités citées ne m’a jamais fait une proposition de ce genre et pour étayer ce que j’avance, j’ai trois arguments sous forme de questions : 

1. Monsieur NGENDAHAYO dit que tout ce qui a été fait pour faire avancer le processus de démocratisation l’a été sur pressions extérieures. Je voudrais alors lui poser une question.

Pourquoi lui et ses collègues n’ont pas essayé de faire passer cette idée de cogestion par les partenaires extérieurs notamment les ambassadeurs occidentaux qui étaient en contact permanent et avec le pouvoir et avec l’opposition ? Ici je peux témoigner qu’aucune personnalité de la communauté diplomatique de Bujumbura ne m’a fait parvenir ce type de message. Pourtant, certaines d’entre elles étaient des véritables avocats du FRODEBU auprès du pouvoir.

2. Nous avions crée un cadre de concertation avec les partis politiques en vue de régler tous les détails concernant l’organisation des élections.

Ce cadre était présidé par l’Ambassadeur NTAHUGA. Je pose une deuxième question. Pourquoi cette idée de cogestion n’a jamais filtré dans ce cadre. En ce qui me concerne, je peux encore une fois témoigner qu’aucun Burundais, ni du FRODEBU, ni de l’UPRONA, ni d’un autre parti ou d’une organisation quelconque ne m’a parlé de cette idée.

3. Au moment des élections en 1993, le Burundi connaissait déjà une ouverture médiatique même si au niveau de la qualité de la presse, on n’était pas très avancé.

Je pose une troisième et dernière question à Monsieur NGENDAHAYO. Quel organe d’expression parmi ceux qui étaient présents sur le terrain et qui véhiculaient les différentes opinions aurait fait l’écho de cette idée ?

En ce qui me concerne, j’ai commencé à entendre véhiculer cette idée de cogestion quelque mois après les événements du 21 octobre 1993, comme pour rejeter sur d’autres les responsabilités de l’échec de processus de démocratisation.

Monsieur NGENDAHAYO, les Burundais ne sont pas dupes et laissons l’histoire trancher sur les responsabilités des uns et des autres.

Deuxièmement : Ma réaction lors de la tentative de putsch de la nuit du 2 au 3 juillet 1993

Pendant la nuit du 2 au 3 juillet 1993, j’avoue que j’ai été constamment désinformé par mon chef de cabinet civil feu le colonel NINGABA sur la réalité des événements. C’est le matin quand je me suis rendu à mon cabinet militaire à l’Etat major général que j’ai pris connaissance de la réalité des choses.

Après avoir interrogé mon chef de cabinet militaire feu Colonel KABWARI et le chef d’Etat- Major Général adjoint de l’époque le colonel BIKOMAGU, je n’avais plus l’ombre d’un doute qu’il y avait bel et bien une tentative de déstabilisation dans laquelle mon chef de cabinet civil était impliqué. Cependant la tentative avait échoué les unités n’avaient pas bougé. Dans la même matinée, j’ai pu avoir les noms d’un certain nombre d’officiers qui s’étaient fourvoyés dans l’affaire.

Vers la mi-journée, le Président élu NDADAYE m’a transmis une note qui m’éclairait davantage sur un certain nombre de faits, notamment les tentatives de couper les émissions de la RTNB.

Dès que j’ai réuni l’information suffisante, j’ai dans la même journée ordonnée l’arrestation des officiers impliqués dans le mouvement. Je suis convaincu que j’ai fait mon devoir, tout mon devoir. Des allégations de Monsieur NGENDAHAYO à ce sujet, je voudrais dire ceci :

1. Il s’agit bel et bien d’une tentative qui a échouée. Si on considère le nombre d’officiers et hommes de troupe qui ont suivi le mouvement. Si on considère jusqu’à quel niveau les insurgés sont allés dans l’exécution de leur machination. Enfin, si on considère les dégâts occasionnés par la tentative et au niveau matériel, et au niveau politique

2. Le fait qu’un certain nombre de gens impliqués dans cette tentative ou cités dans les événements du 21 octobre 1993 ont occupé des hautes fonctions quand j’étais Président n’engage en rien ma responsabilité personnelle. Encore une fois je pose à Monsieur NGENDAHAYO 3 questions :

a)-Combien de Présidents dans le monde et surtout en Afrique ont été renversés ou tués par les gens qui avaient évolué dans leur entourage le plus proche. Personnellement j’ai survécu à 5 tentatives de coup d’Etat et allez chercher ceux qui étaient derrière.

b)-Combien de chefs d’Etat ou de mouvements armés ont été trahis par leurs compagnons de lutte .On pourrait citer des exemples jusqu’à l’infini.

c)-Monsieur NGENDAHAYO a fait parti de plusieurs gouvernements. Est-il responsable personnellement de toutes les erreurs et manquements de tous ceux qui étaient avec lui au gouvernement ?

3. Si Monsieur NGENDAHAYO ou quelqu’un d’autre veut en savoir plus sur mon opinion concernant les événements du 21 octobre 1993, je le renvoie à deux documents : le compte rendu de la dernière causerie morale que j’ai tenue aux officiers de la garnison de Bujumbura avant de remettre mes fonctions en juillet 1993 et mon témoignage devant l’équipe des représentants des ONG étrangères, qui la première a fait un rapport sur les événements du 21 octobre 1993.

4 Je voudrais pour terminer rappeler à Monsieur NGENDAHAYO que l’ouverture de la société Burundaise est telle que l’époque « y’Irementanya » (histoires fabriquées) est révolue. Il devrait pour cela réfléchir deux fois avant d’accuser qui que ce soit.

La meilleure façon serait comme il le suggère lui-même, de laisser la commission Vérité et Réconciliation faire son travail pour éclairer l’opinion sur ces événements douloureux de notre histoire.