DUEL ENTRE NKURUNZIZA ET RADJABU, UNE EQUATION A PLUSIEURS INCONNUES  

 Burundi news, le 18 février 2007

Par Gratien Rukindikiza

 Les meilleurs amis deviennent facilement de pires ennemis. En politique, l’amitié tient à un compromis entre le gagnant- gagnant. Une amitié basée sur le gagnant –perdant est vouée à l’échec. Il faut souvent se méfier de la rivière tranquille, c’est elle qui emporte du monde. Souvent, l’amitié entre les politiciens qui sont au pouvoir est un jeu de cache- cache. Chacun doit cacher le jeu à l’autre tout en lui faisant comprendre que c’est la transparence totale. L’amitié de trente ans  entre Chirac et Balladur en France n’a pas résisté à l’appétit du pouvoir des deux hommes. Balladur n’a pas hésité à trahir son chef Chirac pour prétendre au  « trône » symbolisé par la Présidence. Kagame et Bizimungu sont devenus de pires ennemis dès lors que le général Kagame en avait marre d’être le numéro deux du régime. Ndayizeye et Minani ont engagé un combat destructeur du Frodebu dans le but de rester au pouvoir ou d’y accéder pour le deuxième.

Les amis de dix ans avaient un pacte réel ou fictif, l’un exerce le pouvoir sans apparaître et l’autre apparaît sans exercer le pouvoir. Celui qui exerce le pouvoir est à l’abri des échecs et celui qui apparaît reçoit tous les coups sans être responsable. Une situation intenable à moyen terme.

Radjabu avait placé Nkurunziza à la Présidence en misant sur sa « docilité ». Il était convaincu que sa stratégie allait durer. Le Président Nkurunziza a accepté de laisser Radjabu organiser le pouvoir pendant un an tout en observant, je ne dirai pas impuissant. Dans tous les cas, Radjabu avait bien placé ses hommes y compris dans le cabinet présidentiel.

Toute révolte tire sa force d’une situation intenable

La situation est devenue intenable pour le Président Nkurunziza. Radjabu a commis beaucoup d’erreurs et le responsable était le Président de la République. Un avion a été vendu le plus illégalement du monde et Radjabu a empoché plus de deux milliards de francs bu. A-t-il pris l’argent seul ? Un montage d’un faux putsch a conduit un ancien Président,  un ancien vice-Président, un colonel et d’autres en prison, le tout conçu par Radjabu. Le Président a juré devant les évêques en implorant le Dieu qu’il a des preuves. Radjabu était sensé détenir les preuves. Personne ne les a jamais vues. La suite est connue, les prévenus ont été libérés faute de preuves.

Au Rwanda, au nom du pouvoir burundais, Radjabu a pris position dans le conflit franco-rwandais en faveur du Rwanda et a accusé la France d’avoir trempé dans le génocide rwandais. Le Président ne l’avait pas mandaté et il venait d’être reçu par le Président Chirac. D’autres humiliations ont suivi pour démontrer que c’est lui, Radjabu, le maître absolu du Burundi.

Ce cocktail est devenu explosif. Le Président a pris conscience des enjeux et il a compris qu’il risquait de perdre même le peu de pouvoir qui lui restait.

De la frustration est née une révolte. Le Président Nkurunziza, poussé par les généraux, anciens FDD, a décidé de remettre Radjabu à sa place. La destitution à la tête du parti CNDD-FDD venait de commencer. La libération des journalistes et celle des faux putschistes ont marqué le point de départ de cette volonté d’assumer réellement son pouvoir. C’est ainsi que Radjabu a appris  à la radio comme tous les Burundais que les journalistes allaient être libérés comme les faux putschistes. Un véritable camouflet !

Au congrès de Ngozi, la destitution de Radjabu a été confirmée par les militants du parti au pouvoir même si le Président de la République a voulu préserver l’honneur de Radjabu pour ne pas l’humilier en le mettant dans le conseil des sages. Radjabu et ses partisans étaient absents à ce congrès. Cette absence marquait le début du duel entre les deux anciens amis de dix ans. Personne ne peut savoir  quelle forme prendra ce duel. Nous pouvons avancer des scénarios.

Duel entre Radjabu et Nkurunziza, quels scénarios ?

 

 

 

 

 

Certains scénarios ont une très faible probabilité de voir le jour. D’autres sont déjà en préparation par l’un des deux camps. Radjabu ne peut pas être minimisé. Il peut se révéler plus coriace et stratège qu’on l’attendait. Qui gagnera ? Personne ne le sait d’avance. Le plus important, c’est que le peuple Burundais y trouve la sécurité.