EAC : LE BURUNDI SE FAIT AVOIR.

Par Eddy NDAYE,

Montréal, CANADA

Je me sens interpellé par l’article QUE VA FAIRE LE BURUNDI DANS LA COMMUNAUTE DE L’AFRIQUE DE L’EST?

Depuis l’indépendance, le Burundi a connu de graves crises liées aux problèmes à caractères régionaliste, ethnique et même clanique. Ces problèmes ont dégénéré en troubles sociaux et  guerres civiles ayant entraîné des centaines de milliers de morts. Les dettes de sang se sont accumulées de part et d’autres chez les protagonistes. Les incompréhensions se sont mêlées aux craintes mutuelles. Les débats sur le partage du pouvoir sont devenus passionnants et ont éclipsé d’autres problèmes pourtant d’importance nationale et qui touchent tout Burundais sans distinction d’ethnie ni de région. Je citerais les problèmes de chômage et de misères, les privatisations, les fermetures frauduleuses d’entreprises étatiques, la fraude, les détournements des deniers publics, les contrats d’exploitations minières accordés sans appel d’offre, le rôle et l’action des différentes ONG au Burundi, l’entrée du Burundi dans le COMESA et la EAC, etc.

Cela fait plusieurs années que les Burundais sont dirigés comme un troupeau de moutons. Encore que les moutons ne mangent que ce qu’ils aiment. Aujourd’hui encore, devant un enjeu d’une si grande importance, aucune campagne d’explication, aucun débat public. On nous dit qu’il faut abandonner notre souveraineté à la faveur de la EAC, qu’il faut changer nos lois, notre système éducatif, nos langues officielles afin de se conformer au reste des États de la EAC. Il paraîtrait que c’est notre seule chance de survie et qu’on doit s’y conformer sans mot dire. A nous de trouver les financements nécessaires et de s’y conformer d’ici 3 ans.

Nul n’ignore que le Burundi est un pays à genou, complètement détruit par ses propres fils. Tous les secteurs de la société ont besoin d’investissements massifs et immédiats (éducation, santé, sécurité, agriculture, environnement, élevage, infrastructures,…). Les travailleurs ont besoin d’un réajustement de leurs salaires et le secteur privé a besoin de subventions afin de se relancer après des années de guerre et d’embargo. Il est donc insensé d’investir en priorité dans les changements souhaités par la EAC. Au niveau des lois du pays, que l’on commence par appliquer à la lettre les lois existantes et à assurer l’indépendance effective de la magistrature. Au niveau du système éducatif, si on prend l’exemple de l’Union Européenne, tous les pays ont gardé leurs propres systèmes sans l’harmoniser à celui de la France ou de l’Allemagne. De même plusieurs burundais ont été formés en Chine, en France, en Belgique, au Canada et partout ailleurs, c'est-à-dire dans des systèmes et langues différents. Arrivés au pays, ils parviennent à travailler ensemble.

Pendant notre descente aux enfers, tous les pays de la EAC se développaient à vitesse grand V et n’ont jamais hésité à se faire de l’argent sur le dos du Burundi (l’embargo, le sucre, le café, le transport des marchandises entrant au Burundi à 100 $/tonne. Pour traverser la Tanzanie un Container de 30 Tonnes revient plus cher que de le transporter de Montréal à DRS via Europe. Du vol organisé).

C’est de bonne guerre mais les Burundais ne doivent pas être naïfs. L’argent c’est le nerf de la guerre. On ne peut donc pas se permettre de continuer dans cette voie. Les choses doivent changer et les Burundais bien intentionnés doivent parler pour rehausser le niveau des débats et empêcher que le pays ne soit cédé à vil prix aux intérêts étrangers. Certains hommes d’affaires de la région n’attendent que la relance de la privatisation pour rafler les entreprises publiques rentables. Qu’on ne s’y trompe pas, les Etats n’ont pas d’amis, ni de frères, ils n’ont que des intérêts. Le Burundi ne fait pas exception à la règle. Un nationalisme économique s’impose donc, comme cela se fait ailleurs. On l’a vu la réaction du gouvernement Français quand le groupe indien Mittal Steel voulait acheter le groupe français ARCELOR, ou encore la fusion entre GAZ de FRANCE et EDF pour éviter une OPA de l’italien ENEL.

Je pense sincèrement qu’il faut suspendre l’adhésion du Burundi à tous ces ensembles ou communautés (Comesa, EAC,…) pour une période d’au moins 10 ans. Cela parce que le Burundi sort considérablement affaibli par 12 ans de guerre civile, mais aussi pour protéger une industrie naissante. La Tanzanie aussi s’est sortie du COMESA pour les mêmes raisons. Le Rwanda a eu 12 ans après la guerre pour s’y préparer avec des leaders clairvoyants et des finances publiques incomparables aux nôtres. Par conséquent, l’État du Burundi a besoin d’un délai pour assainir ses finances et réaliser les priorités que j’ai précédemment citées. Sans cela, l’Etat ne peut pas soutenir la création d’entreprises privées. C’est comme un athlète, après une longue absence de la compétition suite à une blessure, il a besoin d’un certain temps pour se remettre en forme avant de reprendre la compétition.

On nous fait miroiter des marchés de plusieurs centaines de millions d’habitants. Mais nous n’avons rien à leur vendre à part le sucre et le café, vendus frauduleusement. On ne fait qu’importer et par conséquent on s’appauvrit davantage. On emprunte de l’argent pour  consommer par l’importation des produits finis au lieu de l’investir pour créer des entreprises qui, à leur tour, vont créer de la valeur et vont générer des emplois. Ces entreprises et leurs employés vont augmenter les recettes fiscales de l’Eat qui pourra réaliser encore plus de programmes Moi, je ne vois aucune entreprise Burundaise (à l’exception peut-être de la BRARUDI) qui a intérêt ou qui va survivre à l’ouverture des frontières dans les conditions actuelles. De plus, où vont travailler ces millions de jeunes issus de la scolarité gratuite, si un appui massif et décisif n’est pas accordé à l’entreprise privée, seule capable de générer des emplois.

Également, le Burundi n’étant pas propriétaire de train et wagons, il ne peut influer sur les coûts et les délais de transport. Comment voulez-vous que la Tanzanie change son coût de transport de matières premières allant au Burundi, décide de la disponibilité des wagons comme c’est le cas aujourd’hui et en parallèle, vienne vendre les mêmes produits finis transformés à Dar-Es-Salaam et cela sans aucune barrière? Le jeu est biaisé à l’avance parce qu’ils pourront toujours agir sur ce facteur pour rendre leurs produits moins chers. En effet deux cas sont possibles. Soit les matières premières arrivent à temps mais à un coût de transport élevé. Soit on baisse les coûts de transport et on allonge les délais en invoquant l’indisponibilité des wagons. Dans ce cas ce sont les intérêts bancaires et les frais d’entreposage qui montent ainsi que la baisse de la productivité (les employés continuent à être payés à ne rien faire pendant qu’ils attendent l’arrivée des matières premières) qui augmentent le prix de nos produits. 

Il faut par conséquent protéger l’économie par des barrières tarifaires et non tarifaires quoiqu’en disent les fameux experts internationaux. Cette protection, combinée à d’autres incitatifs comme des crédits d’impôts et de certaines taxes sur l’outil de production, permettra d’encourager l’investissement, et de faciliter son amortissement. Les entreprises peuvent ainsi se faire une santé financière avant d’affronter la concurrence régionale et internationale. Pour le lecteur qui ne le sait pas, c’est que lorsque votre compétiteur a déjà une longueur d’avance sur vous, cela veut dire qu’il a déjà amorti en partie ou en totalité son investissement. Par conséquent, ses coûts fixes diminuent et il peut vendre moins cher que vous (en supposant que vous êtes dans les mêmes conditions de travail). Vous  courez donc à la faillite.

Un plan stratégique clair doit être mis en place afin de restructurer les entreprises étatiques qui peuvent être viables (SOSUMO, COTEBU, SRDI, OTB, banques, assurances, ONATEL, etc.) et d’augmenter leurs valeurs.  Ensuite, il faut les privatiser en partie ou totalement mais cette fois à leurs valeurs réelles. Avec l’argent généré, on  en crée d’autres, dans d’autres secteurs et par la suite les privatiser. Et ainsi de suite. Ceci parce que l’économie burundaise a encore besoin d’être dirigée surtout dans les grosses industries du genre SOSUMO ou COTEBU. En effet, il y a des hommes d’affaires visionnaires et des Burundais de talents qui ont des idées, mais qui malheureusement se heurtent au manque de capitaux parce qu’une grande partie de l’argent du pays a été sorti vers des banques étrangères. Avec des banques burundaises qui ont un capital d’un peu plus que 1 million de USD, un taux d’épargne proche de zéro, je vois mal où trouver l’argent pour acheter les bons outils de production (ils valent des millions de USD). D’où l’importance d’un Etat fort qui intervient pour stimuler l’économie et appuyer les investisseurs qui créent l’emploi.

La présidence de la République doit mettre sur pied un bureau chargé de suivre de près les dossiers des investisseurs, de les aider dans leurs démarches afin de contourner les circuits de la corruption qui ont gangrené toute l’administration.  La Tanzanie l’a fait avec la TANZANIA INVESTMENT CENTRE qui est rattaché au bureau du président.

La RDC doit être le partenaire régional dont il faut se rapprocher. Pour que les usines tournent, le Burundi a besoin d’électricité. Et il n’y a que la RDC qui pourra nous en fournir en quantité. Un nouveau projet sur le barrage d’Inga III débute bientôt et plusieurs partenaires s’y impliquent dans le cadre du NEPAD. On peut donc négocier des tarifs préférentiels si nous sommes dans un ensemble économique avec eux. N’oubliez pas que le Rwanda va commencer à exploiter le gaz méthane du lac Kivu qui va leurs donner l’indépendance énergétique (électricité) pour au moins 1 siècle et donc permettre l’installation d’usines.

Aussi, comme ce n’est pas demain que la RDC aura des routes et chemins de fer reliant tout le pays, l’Est de la RDC constitue encore un marché pour le Burundi qui peut aider nos entreprises à croître, à amortir les investissements  et à se renforcer avant d’affronter la concurrence des entreprises régionales (COMESA, EAC). La RDC ne nous exigerait pas des investissements inutiles dans la réforme de nos systèmes judiciaire et éducatif.

Qu’on ne s’y trompe pas, la RDC est notre partenaire stratégique.

Cependant il y a des préalables à tout cela, c'est-à-dire la stabilité politique et la promotion aux postes de responsabilité des personnes intelligentes, visionnaires donc capables d’anticiper les enjeux nationaux et régionaux et dont l’action est guidée par l’intérêt suprême du pays. Lorsque les USA ont placé le Burundi sur la liste des pays bénéficiant des avantages de l’AGOA, des journalistes ont interrogé un membre du gouvernement sur ce que cela allait apporter au Burundi. Je m’attendais à ce que cette personne nous parle d’un investissement massif dans le Cotebu afin de moderniser son outil de production, d’encourager la création d’industries textiles afin de vendre aux américains des produits textiles de consommation de masse (chemises, draps, T-shirt, chaussettes, vêtements pour enfant etc.). Elle aurait aussi pu nous parler d’autres produits pour mettre en valeur notre coton (ouates, serviettes hygiéniques). Elle aurait pu nous parler du miel, des fruits comme les papayes, fruits de la passion ainsi que des jus exotiques. Non, je l’ai entendu déclarer que dorénavant on pourra vendre aux américains des Ibiseke et autres articles décoratifs du genre. Avouons qu’il y a un manque criant de créativité et d’innovation surtout là où ils devraient être un critère et c’est là tout le problème du Burundi.