L’EAST AFRICA EST MORT, OU IRA LE BURUNDI ?

Burundi news, le 04/11/2013

Par Gratien Rukindikiza

L’Afrique a un long chemin pour rattraper son retard sur les autres continents déjà développés ou en plein développement. Presque tous les autres continents en émergence ont choisi de mettre en commun les moyens. L’Afrique doit passer par ce chemin. Si les pays décident de travailler isolés, dans une guerre commerciale, ils perdront tous.

Un nouveau groupe dynamique?

Le Rwanda, Kenya, Ouganda viennent de former un nouvel ensemble de l’East Africa. Une troisième réunion sans le Burundi et la Tanzanie vient de se tenir à Kigali. A ces trois pays en pleine croissance économique s’ajoute le Sud -Soudan. Le Sud -Soudan est la nouvelle mariée, une mariée très convoitée, très riche en pétrole et en chantier. Il ya de tout à reconstruire, à faire les affaires.

Les trois pays n’ont pas supporté les propos du Président tanzanien sur les négociations avec les rébellions rwandaise et ougandaise. La réunion de Kampala et l’entretien tête à tête entre Kagamé et Kikwete n’ont rien donné. Le mal est fait pour ces pays très sensibles.  La Tanzanie a agi d’une manière reprochable car le Président Kikwete a confondu un conflit entre lui et Kagamé et l’a transposé au peuple rwandais et burundais en expulsant des rwandais et burundais se trouvant sur le sol tanzanien. Ces expulsions signaient la mort de l’East Africa Community. Au moment où ils discutaient de la libre circulation, expulser des populations installées depuis des décennies est une remise en cause des acquis de l’East Africa.

L’Ouganda, le Kenya et le Rwanda sont des pays dont les taux de croissance intéressent les investisseurs. Des innovations montrent le dynamisme de ces économies. L’agriculture, l’industrie naissante en Ouganda, les innovations liées à la téléphonie mobile, des services de qualité au Kenya, une reconstruction, des services liés à la nouvelle technologie, un esprit d’entreprendre, une volonté de réussir et une lutte contre la corruption sans précédent au Rwanda, voilà les atouts de ces trois pays. Les capitaux affluent. Le Rwanda et le Kenya ont déjà lancé des obligations sur le marché international. Des pays qui sont sur la voie de s’affranchir des aides pour assumer le dynamisme et la confiance en vendant les obligations.

Le Sud- Soudan s’ajoute au trio de l’East Africa

Le Président Salva Kiir du Sud-Soudan sait bien que le Président Museveni les a beaucoup soutenus au cours de leur rébellion. Kiir se tourne vers le Sud et demande son entrée dans le groupe du trio. Il a un apport. Son pétrole doit être acheminé vers les bateaux. S’il évite l’oléoduc soudanais qui coûte cher, ce pays gagnerait. Or, le trio y a déjà pensé. Le Rwanda, l'Ouganda et le Kenya seront d'abord reliés par un chemin de fer et après par un oléoduc auquel le Sud -Soudan pourra se rattacher.

L'ouverture du marché sud- soudanais aux hommes d'affaires de ces trois pays est une manne du ciel. Au Rwanda, les capitaux émigrent vers le Sud -Soudan, les ingénieurs aussi. Cela sera surtout facilité par la libre circulation de la population sans visa entre les deux pays. Il y a de l'argent, des chantiers mais il manque des ressources humaines compétentes, des usines pour produire.

Le trio risque une déstabilisation de l'ennemi du Nord du Sud -Soudan qui est le Soudan. L'oléoduc du Sud et le chemin de fer constituent un manque à gagner à l'économie soudanais chancelante. Ce pays fera tout pour empêcher la construction de l'oléoduc. Les rébellions naissantes au RDC ne sont pas étrangères à cette stratégie. L'ADF Nalu qui combat le pouvoir ougandais bénéficierait de l'aide étrangère destinée à briser ce projet d'oléoduc.

Le trio chancelant verra-t-il le jour?

Dans la foulée ou sous la colère, la Tanzanie a annoncé la formation d'un nouvel ensemble régional composé du Burundi, RDC et Tanzanie. Le premier acte sera le chemin de fer Kigoma-Musongati. Tanzanie devrait d'abord moderniser son chemin de fer à une voie. Quant à Musongati connu pour son nickel introuvable, il faudrait produire de l'électricité suffisante pour penser à la façon de transporter le nickel. Il faut plus de 250 MW pour extraire le nickel de Musongati. Or, tout le Burundi ne dépasse pas 30 MW fonctionnel.

La RDC a beaucoup de richesses minières, forestières aussi. Le manque d'organisation transforme cette richesse en pauvreté et le pays devient une zone propice aux prédateurs, aux sociétés sans scrupules pour faire des bénéfices. Les perdants sont les Congolais moins riches que les peuples des pays pauvres. Une alliance avec un pays désorganisé, mal dirigé est une perte de temps quand on ne s'y prend pas bien. Il faut être mieux organisé que les autres pour en profiter. Or, le Burundi semble être aussi un canard boiteux car l'administration, le pouvoir ont mis de côté une bonne organisation pour faire la course à l'enrichissement illicite personnel des dirigeants. La corruption se trouve au même niveau que celle de la RDC. La Tanzanie a des ressources minières considérables comme le gaz, le pétrole. Ce pays connaît aussi une grande corruption. Le trio du Sud excelle dans la corruption. Ce n'est pas l'organisation qui prime.

Cette alliance est légère, mensongère, hypocrite aussi. Comment se peut-il que la Tanzanie expulse les ressortissants burundais et demande après une alliance? Quelle est la fille qui accepterait de se marier avec un homme qui l'a frappée la veille? Le Burundi dirigé par Nkurunziza ne sait pas sur quel pied danser. L'alliance avec le Rwanda ou avec la Tanzanie? Le cœur balance vers la Tanzanie. Cet ensemble ne donnera pas les mêmes droits aux trois pays. Le Burundi sera à la remorque de la Tanzanie car elle a besoin de montrer au trio volontariste qu'elle est capable de concurrencer.

La guerre du Kivu marque une nouvelle géopolitique des grands lacs

La Tanzanie est intervenue au sein de la brigade d'intervention rapide des Nations unies pour combattre le M23. Aujourd'hui, le M23 est presque battu sur le terrain. Il est lâché par ses soutiens. Un nouvel ordre se dessine. Le M 23 est lâché et les FDLR subiront le même sort pour stabiliser la région. Il y a trop de minerais, trop de richesses pour laisser ces guerres. Les perdants de la guerre continue sont les sociétés étrangères. Un problème de livraisons aux clients est le taux de chômage qui augmente. En occident, le chômage fait et défait les chefs d'Etat et de gouvernement. Les Etats Unis sont intervenus pour stopper et stabiliser la région par plusieurs moyens notamment la diplomatie et les menaces des drônes.

Entre les puissances, la région se partage. Le Sud-Soudan, l'Ouganda, le Rwanda et le Kenya sont devenus les incontournables des Américains. Le Burundi attend. La Tanzanie et la RDC pourraient être dans le jeu des chinois et aussi dans une certaine mesure des Français. Ceci explique l'ordre de demain et les changements des cartes. Le problème se pose pour le Burundi dont la mauvaise gouvernance repousse les soi- disant amis.

Faudra-t-il annoncer le décès?

La nouvelle est difficile à annoncer. Personne ne prendra le risque d'annoncer le décès officiel de l'EAC actuel. Il disparaîtra de sa propre mort comme certains ensembles qui n'existent que de noms. Par manque de ressources en l'absence des cotisations, les institutions se dissoudront progressivement. La maladie est profonde. Il faudra un grand spécialiste de la chirurgie grande lacustre pour sauver l'EAC de la mort. Ce ne sont pas la Tanzanie, le Burundi et la RDC qui iront jusqu'à la monnaie unique, à moins d'aopter le dollars américain, "monnaie de Kinshasa".