L'ECONOMIE BURUNDAISE VA TRES MAL : COUPABLES, LEVEZ-VOUS

Burundi news, le 27/05/2011

Par Gratien Rukindikiza

Un pays qui sort d'une guerre a en général cinq ans pour redémarrer son économie, relancer l'emploi, panser les plaies et stabiliser le pays. C'est d'ailleurs ce genre de pays que certains investisseurs étrangers préfèrent car il y a beaucoup d'opportunités pour faire des affaires. Souvent, la fin de la guerre signifie un carnet de commandes rempli pour les entreprises locales. Tout pays qui sort de la guerre et qui n'arrive pas à redémarrer son économie est un pays qui s'achemine vers une autre guerre.

L'économie burundaise à l'agonie, un constat amer

L'espoir suscité par l'arrivée au pouvoir des anciens maquisards est vite retombé. Le Burundi a pataugé dans les années 2005, 2006, laissant penser que les hésitations, les erreurs sont du ressort de la maladie infantile de la démocratie après guerre. Une petite relance a été observée mais les anciens maquisards ont manqué de vision pour avancer. Face à l'incertitude, ils se sont servis dans les caisses de l'Etat, à travers la corruption, la fraude etc... Le commerce est devenu une affaire du parti, au profit des aventuriers, amateurs. Ils ont découragé les vrais hommes d'affaires qui ont quitté le pays pour investir dans les pays voisins. Il est plus facile, aisé de faire des affaires au Congo ou au Rwanda plus qu'u Burundi.

L'administration burundaise est aujourd'hui dans les mains des arrivistes corrompus. Cette administration décourage les affaires, crée un climat malsain pour l'économie. Elle a la première mission de protéger les corrompus du système. Le découragement, le fatalisme se lisent sur les visages des Burundais.

Les prix montent, les denrées manquent en raison d'une faible production et aussi de la spéculation. Les Burundais manquent de moyens, les liquidités sont insuffisantes car l'économie ne suscite pas la création monétaire. Les exportations font défaut, les devises manquent aussi. La création monétaire reste du ressort du refinancement du Trésor public, pour ne pas parler de la planche à billets. Il est plus rentable au Burundi d'investir en bons de trésor que dans d'autres affaires. C'est le grand paradoxe.

Les taux d'intérêts sont servis à plus de 16 %, un taux qui ne permet pas le financement des investissements. Combien d'investissements au Burundi peuvent dégager  un résultat après impôts de 16 %? A moins de produire la bière, merci les grands buveurs burundais qui ruinent les familles et enrichissent l'Etat à travers les taxes.

L'OBR, le monstre à mille cornes qui terrasse l'économie burundaise

L'office burundaise des recettes (OBR) a réussi une chose, sa publicité négative. Pour la rendre neutre, les bailleurs de fonds ont exigé une direction assumée par une Européen. Un Anglais dirige l'OBR. Cela n'empêche pas de recruter presque exclusivement sur recommandation du parti au pouvoir.

L'OBR a la mission de remplir les caisses de l'Etat au moment où la communauté internationale qui finance plus de 50 % du budget exige des  négociations avec l'opposition et le respect des droits de l'homme.

L'OBR est face à un choix : Remplir les caisses de l'Etat à tout prix en mettant à genoux les commerçants ou favoriser le développement des affaires pour agrandir l'assiette fiscale. Les commerçants hésitent pour importer, pour faire circuler la marchandise à l'intérieur du pays. Un commerçant témoignait sur la télévision Renaissance que l'OBR lui avait demandé de payer la douane sur une marchandise achetée à Ngozi pour la vendre à Bujumbura. En plus, l'OBR lui avait collé une amende proche de la valeur de la marchandise.

Non seulement l'OBR saigne les commerçants et renchérit du coup les prix des marchandises mais aussi elle ralentit l'économie burundaise par ses délais de traitements de dossiers. Des dossiers qui sont traités à moins de quelques heures au Rwanda, l'OBR les traite au mieux en une semaine. C'est du temps perdu, de l'argent aussi. Un commerçant à qui on bloque sa marchandise à la douane n'a pas de motif pour ne pas payer les intérêts de découverts à la banque. Certains commerçants travaillant avec les hommes du pouvoir ne subissent pas ces délais et ainsi, ils écoulent facilement la marchandise, profitant du blocage des concurrents.

Compte tenu de la pauvreté des Burundais, de l'acharnement de l'OBR, il n' y aura plus à prélever demain. L'OBR est en train de se comporter comme les agriculteurs qui bombardent la terre avec trop d'engrais chimiques pour produire plus et qui fatiguent la terre en peu d'années. Ces agriculteurs sont obligés  de changer de culture ou laisser la terre en jachère. Or, l'OBR ne peut pas se permettre d'une pause. La machine étatique dépense à tout va.

Et si l'Etat réduisait ses dépenses de plus de 25 %!

Certains diront que c'est impossible. Erreur, ce qui devait être impossible, c'est de dépenser ce qu'on n'a pas. L'Allemagne a inscrit dans sa constitution une limite de 3 % du déficit budgétaire. Dès que la limite est fixée, les décideurs politiques n'ont pas d'autres choix. Pourtant, l'Allemagne est la première économie européenne.

Au Burundi, les écarts de salaires payés par l'Etat sont flagrants. En France, les écarts sont inférieurs à 20 fois. Le Président gagne 21 286 € depuis l'arrivée au pouvoir de Sarkozy qui s'est augmenté de presque 140 %. Le  Président avait, avant Sarkozy, un salaire inférieur à celui du Premier ministre. Le Premier ministre gagne en net 21 206 €, les ministres 10 849 €. Le Smic, le salaire le plus bas en France pour un salarié à 39 heures par semaine est d'environs 1 251 €, voire plus si la société bénéficie de la loi TEPA pour certaines heures. Le salaire du Président est de 17 fois plus que le salarié à temps plein le moins payé. 

Au Burundi, le Président gagne plus de 5 000 000 Fbu. Le Burundais le moins payé à temps plein, sans parler des domestiques, rien que les fonctionnaires est moins de 30 000  Fbu. Le Président gagne 170 fois plus que le planton. Inimaginable. Il y a encore de la marge. Si le pays est pauvre, il l'est pour tout le monde. Si le Président, ses ministres et députés veulent de bons salaires, il suffit de développer l'économie. On ne peut pas détruire l'économie et en même temps lui demander de bien payer ses salaires exorbitants.

Les Burundais en mission bénéficient des indemnités de mission. Une pratique qui ne se justifie pas comptablement. Pourquoi ne pas justifier au retour les dépenses avec des factures et rembourser le reliquat? Pourquoi ne pas définir les dépenses somptuaires à la Burundaise dans le but d'adapter les frais de mission aux frais réels. Un fonctionnaire en mission en Europe met dans sa poche par jour plus que l'équivalent du salaire mensuel d'un fonctionnaire ayant terminé l'université. N'est-il pas choquant? C'est un véritable tabou car même celui qui n'est pas encore parti en mission espère qu'il partira un jour pour empocher ces frais de missions. Certains partent en mission avec moins de 50 % du montant reçu et l'autre partie est directement versée sur le compte. Voilà où se trouve la rentabilité écotrésorique!

L'Etat burundais devrait penser à diminuer ses dépenses pour réorienter une partie de sa dette interne vers l'investissement local. C'est une vision à long terme. Même si à long terme comme le disait un économiste américain,  nous serons tous morts. Nous pouvons léguer le Burundi prospère à nos enfants.

L'insécurité et une justice inféodée au pouvoir au service de la destruction de l'économie

L'insécurité grandissante au Burundi n'arrange pas les affaires au Burundi. L'investisseur comme le banquier calcule ses risques et maximise ses gains. Il est facile d'investir en Irak plus qu'au Burundi. En Irak, les affaires sont plein essor et la rentabilité est au rendez-vous. Le retour sur investissement vaut la peine par rapport à l'insécurité. Au Burundi, les risques sont nombreux, la rentabilité est très aléatoire, les structures administratives constituent des problèmes parmi tant d'autres.

La justice inféodée au pouvoir signifie que pour faire les affaires, il faut passer d'abord au centre de gravité de ce pouvoir pour payer. Celui qui pense que la justice est là pour protéger ses affaires vit dans sa tour d'ivoire.

Ces questions d'insécurité et d'absence de justice indépendante sont des questions cruciales à régler avant de penser à une politique de séduction des investisseurs. Les ministères concernés dépend de la 1 ère vice-Présidence. Or, l'économie est du domaine de la 2 è vice-Présidence. Et les deux sous la supervision du Président absent Nkurunziza.

Que faire?

Le fatalisme est le grand fléau. Le pouvoir a déjà démontré qu'il n' a ni la volonté, ni les structures pour redémarrer l'économie. Les jeunes chômeurs, les familles pauvres, les commerçants ruinés, les militaires mécontents, bref  le peuple fatigué ne doit pas croiser les bras. Le pays appartient à son peuple. Personne ne l'a acheté. On le saura et en plus, chacun aurait eu sa part. Tout part de l'économie et tout  part aussi en raison de l'état de l'économie.

Qui sauvera l'économie burundaise?