L'ECONOMIE BURUNDAISE EST SUR UNE PENTE

 Burundi news, le 29/12/2012

Par Gratien Rukindikiza

L'économie et la politique sont complémentaires comme une femme et un homme. L'équilibre du couple  et l'apport mutuel font la solidité du ménage. Pour un pays, si la politique va mal, l'économie s'enrhume et c'est le peuple qui en souffre. Cependant, la mauvaise santé de l'économie peut affecter aussi la politique.

Le Burundi est un pays qui a beaucoup de problèmes politiques. On peut citer l'absence de démocratie, les violations des droits de l'homme, la corruption, le favoritisme lié aux partis etc.... Cette situation a entraîné l'économie. Les affaires vont au ralenti, le chômage des jeunes bat son plein, l'Etat manque de fonds pour son budget, la population s'appauvrit énormément etc...

La situation économique actuelle difficile

Le taux d'inflation est de 22.5 %. Le prix du riz a progressé de 47 % et le manioc de 33 %, sans parler du logement avec une progression de 37 %. Cette inflation intervient au moment où les salaires n'ont pas augmenté, sauf pour les nantis du régime et d'ailleurs qui ne payent pas d'impôt sur le revenu. Il fallait l'inventer. Un vrai libéralisme qui permet aux riches au service de l'Etat de ne pas payer l'impôt sur le revenu alors que ceux qui gagnent 10 fois moins le payent.

Le crédit à l'économie est resserré et les taux d'intérêt sont tellement élevés qu'ils étranglent l'économie. Les taux interbanques sur le marché monétaire sont de 12 % aujourd'hui. Ils étaient de 4.20 % en 2010. Les taux de crédit aux entreprises sont de 16 %. Cela signifie que pour un commerçant qui investit avec un emprunt, il devra dégager un résultant d'exploitation supérieur à 16 %. Il devra intégrer dans ses calculs l'inflation qui va le pousser  à vendre à un prix élevé pour lui permettre de continuer ses affaires alors que les consommateurs manqueront à l'appel en raison de la pauvreté. Une situation qui ne facilite pas la tâche des entreprises.

En dehors des entreprises, les banquiers se plaignent aussi car les taux d'intérêt sont de loin en dessous du taux de l'inflation. Les épargnants ont plus intérêt à consommer ou accumuler des biens plutôt que de placer l'argent dans les bons de trésor dans une période inflationniste. D'une manière générale, l'épargne baisse au Burundi. Le problème qui se pose est que cette inflation est liée aussi à la sous activité. L'économie stagne et les prix montent.

Taux de change et les dettes extérieures

 En dehors de l'inflation, la variation du taux de change est aussi un indicateur économique pour un pays. Le Burundi a abandonné l'indexation du francs bu sur les trois grandes monnaies à savoir l'euro, le dollar et les DTS. Le taux est déterminé en fonction des achats et ventes de devises à la banque centrale. Toutefois, ce taux peut être bloqué mécaniquement car la banque centrale est très dépendante du pouvoir.

Les taux de change se dégradent dans ces jours. L'euro est passé de 1850 à 2030 frs bu à moins d'un mois. Nous y reviendrons. En 2008, les réserves internationales nettes étaient de 151, 97 milliards de francs bu. Aujourd'hui, elles sont tombées à 3, 18 milliards de francs bu. Plus la monnaie est rare, plus elle devient chère. En l'absence du déblocage des aides, les réserves en devises s'amenuisent.

Le Burundi doit aussi rembourser ses dettes, surtout extérieures. Il lui faut des devises pour le faire. Heureusement qu'il a bénéficié de la remise de dette de la part de la Banque mondiale à travers l'AID et de la Banque Africaine de développement à travers la FAD. La remise a dépassé 800 milliards. Toutefois, cette remise comportait une condition. Le montant devait être débloqué mais pour aider les plus pauvres. Et d'ailleurs cette politique envers les pays pauvres les plus endettées (PPTE) en porte bien le nom. Cette politique avait deux objectifs : Ramener l'endettement au niveau soutenable et aider le pays à lutter contre la pauvreté. Le Burundi a consacré cette remise à la politique de la gratuité des soins de santé pour les enfants et femmes enceintes et de l'éducation primaire. La mauvaise gestion de ces fonds et la corruption ont failli gâcher les relations avec les bailleurs de fonds. Ceci explique le retard de la mise en place de ce mécanisme qui a vu le jour au 4 è trimestre 2009. 

Une insécurité physique et aussi une insécurité des affaires découragent les investisseurs

Le Burundi est classé par la France parmi les pays de la zone orange. Pour tout financement, les provinces concernées par le projet sont analysées à la loupe.

Il est recommandé aux ressortissants d'éviter certaines provinces et surtout certains quartiers. Il est difficile de se lancer dans un secteur concurrentiel sans avoir un "parrain" du pouvoir. L'emprisonnement des cadres de la société Leo avait terni l'image des affaires au Burundi. Ils avaient l'unique tort d'avoir refusé de débloquer des fonds pour financer le parti au pouvoir.

Les marchés se gagnent sans appel d'offres. L'illustration récente est la concession du port de Bujumbura où la société gagnante est ... en cours de création! Seule cette société non créée était au courant de l'appel d'offres.

L'OBR  se cherche  encore et  se fait connaître par la lenteur, la complexité au lieu de communiquer avec les agents économiques, améliorer la rapidité et l'écoute des problèmes posés par ce changement. L'OBR est aussi responsable du ralentissement des affaires. Il lui manque la pédagogie pour rassurer le monde des affaires.

Un budget 2013 mal engagé

Au moment où l'Assemblée nationale vient d'adopter un budget déficitaire comme d'habitude, le taux de décaissement de l'appui budgétaire international est de 13 % alors que l'Etat attendait 50 % du budget. Les bailleurs de fonds n'ont pas apprécié la politique économique et politicienne du Burundi. Un donateur qui refuse de débloquer ce qu'il a promis a des raisons que le pouvoir de Bujumbura devrait comprendre et analyser avant de se lancer dans un nouveau montage de budget dont les mêmes bailleurs sont attendus pour 49 % du budget.

Le budget du Burundi prévu pour 2013 est de 1 321 milliards de francs bu côté recettes alors qu'il était de 1 123 milliards en 2012; soit une évolution de 17 %. Côté dépenses, il est de 1 389 milliards en 2013 alors qu'il était de 1 196 milliards en 2012; soit une progression de 16%. Ce budget tient en compte les appuis budgétaires dont les probabilités d'être réalisées sont faibles. Le pays va recourir à la planche à billets. Un autre mécanisme vient de voir le jour à travers une dévaluation silencieuse de la monnaie burundaise.

Le Burundi reçoit des financements en devise pour équiper, nourrir, payer et entretenir les 4 836 militaires burundais de l'AMISOM. En dévaluant officieusement la monnaie de 10 %, le pouvoir obtient automatiquement 10 % de la valeur des devises détenues si elles ont déjà été comptabilisées en francs bu.

Ce budget tient compte des dividendes à recevoir de la Brarudi, la même Brarudi boycottée par la population car certains estiment qu'elle finance, à travers la TVA, les moyens de répression du pouvoir. Aujourd'hui, la consommation de la bière a baissé et des licenciements sont en cours à Gitega. Cette Brarudi dont l'Etat est actionnaire vient d'assister à la création d'une autre brasserie chez le Président Nkurunziza. Voilà un Président qui crée sa brasserie pour concurrencer celle dont l'Etat est actionnaire.

La Brarudi était la vache laitière du pouvoir. Cette nouvelle brasserie aura sans aucun doute beaucoup d'avantages et pourra proposer de la bière en dessous du prix de revient de celle de la Brarudi. Le grand perdant sera l'Etat et le grand gagnant sera le Président Nkurunziza.

Ce fameux budget table aussi sur la politique du charroi 0. Quelle idée géniale dont l'exécution pose de vrais problèmes au gouvernement! Cette politique existe depuis un an. Sa mise en place s'est heurtée aux intérêts de certains ténors du pouvoir. Faut-il retirer les voitures aux membres influents du parti  dans  tel ministère? Quelles sont alors les voitures qui feront la campagne du Président Nkurunziza en 2015? Par quel ministère commencer? Son impact budgétaire est à relativiser.

Le Burundi est classé 165 è des pays les plus corrompus sur 174 pays dans le monde. L'impunité reste et le Président dit à ses visiteurs qu'il doit d'abord arrêter l'hémorragie avant de punir. Or, l'hémorragie a doublé d'intensité. Pour être classé 165 è sur 174, je défie quiconque me dira que le Président n'est pas finalement le plus corrompu de tous les Burundais. Ce ne sont pas les porteurs de valises de billets qui me démentiront.

Le budget du Burundi devrait intégrer la part de la corruption dans les dépenses. Les budgets des ministères de l'éducation, de la santé et de l'agriculture ont baissé. Il est compréhensible que ceux qui exonèrent les riches des impôts ne donneront pas plus aux pauvres qui ont des besoins indispensables comme l'éducation, les soins de santé et une bonne alimentation.

Le Burundi appartient à tous. Il appartient à chacun de contribuer à l'essor de l'économie du pays. Le Burundi n'appartient ni à Nkurunziza, ni à certains généraux, ni aux courtisans. La bonne gouvernance est la gage du développement et aussi du respect du peuple.

L'économie burundaise, le marché de l'emploi et l'épanouissement du peuple burundais sont promus facilement par un pouvoir patriote. Soit on aime son peuple, soit on aime sa poche.