Elections, quand tu nous tiens !

 Burundi news, le 07/12/2014

Par Damienne Nduwimana.

 

Bujumbura la capitale du Burundi ce samedi 06 novembre 2014. Onze heures. Tout semble normal. Une chaleur lourde et agressive. Le soleil est de plomb. Un orage en vue ? Moites les mains et les peaux. Humides les aisselles, les cous, les entrejambes. Pas seulement chez les nombreux pelotons de marcheurs tout de blanc vêtus en randonnées dans les rues de la capitales ou dans les collines surplombant celle-ci. Nombre de passants sont comme ça.

Tiens ! Des pelotons de membres de clubs de marcheurs ? Mais c’est interdit par Sieur Edouard Nduwimana, ci-devant Ministre de l’Intérieur. Peut-être qu’il fouette d’autres chats maintenant. Et il s’y connaît l’exécuteur des hautes œuvres du système CNDD-FDD. Oui, il a les esprits ailleurs. Ce matin neuf heures, nul concertina aux alentours des trois ponts de la rivière Muha. On peut vaquer librement. Sauf sur la Ntahangwa et même ici, on peut négocier et passer. Et comme il n’y a pratiquement plus de billets de deux mille francs pour le policier de faction, certains font plus…Soit dit en passant, les mauvaises langues susurrent que ces billets sont réservés pour demain. Il faudra bien soudoyer l’électeur n’est-ce pas ?

Donc, tout semble normal. Et pourtant, l’orage est en vue. Et les cœurs se fatiguent car cela risque de durer. Jusqu’en août 2015. La cuisson est lente mais dure. Tous chauffés à blanc pendant si longtemps ! Les radios s’en donnent à cœur joie, dirait notre Edouard, pour nous servir des bobards. Il est l’un des rares Burundais heureux en ce moment. Lui, il sait les tenants et les aboutissants de ce qu’il appelle bobard. Le citoyen, lui, vit ce que disent les radios. Au plus profond de sa chair, au plus profond de son âme.

Ite missa est : l’enrôlement a déjà donné la victoire au CNDD-FDD.

Allez, la messe est dite. Edouard, notre zélé Ministre de l’Intérieur,  maître de la CENI et des élections qui fait semblant d’ignorer cet état de faits, fait une merveilleuse trouvaille. Il vient de se rendre compte que la distribution des cartes nationales d’identité, instrument de base pour la constitution du fichier électoral, se fait dans une cacophonie sans nom. N’importe où… Permanences du CNDD-FDD, demeures des administratifs CNDD-FDD, bureaux des directeurs d’école CNDD-FDD, boutiques et bistrots des membres du CNDD-FDD,….Non, pas n’importe où. C’est précis : chez le CNDD-FDD, et la loi n’a qu’à en pâtir. N’importe comment…la carte d’identité est donnée aux  mineurs, les administratifs et directeurs CNDD-FDD les distribuent par paquets de dix, de cents…les empreintes sont leurs empreintes, peu importe si parfois il n’y a pas de sceau communal…. J’en prends deux, trois, quatre sous deux, trois, quatre noms fictifs. Je m’inscris dans deux, trois, quatre centres d’inscription. S’il le faut le député CNDD-FDD, le responsable CNDD-FDD loue le bus, la moto. Il fera de même au moment des élections. Excusez. Non, pas n’importe comment : c’est un mécanisme minutieusement préparé, huilé par le Système CNDD-FDD. Pauvre loi, qu’est-ce qu’elle souffre la pauvre !

Et, comme émergeant d’une longue hibernation, ne voit-on pas notre Edouard faire semblant de sortir ses griffes pour lui venir en aide à cette pauvre loi. Désormais, le chef-lieu de la commune est le seul lieu de délivrance de la carte nationale d’identité. Gare au réfractaire ! Il y a trois jours qu’il a dit. A ce jour, rien n’a changé.

Non Monsieur le Ministre, la loi du système ne souffre pas. Elle est immunisée. Les hautes sphères estiment que leur objectif n’est pas encore atteint. C’est quoi au juste cet objectif ? Avec le bulletin de vote unique, il n’y aura pas de bulletins des adversaires à produire pour prouver sa fidélité au CNDD-FDD comme ce fut le cas lors des scrutins antérieurs. Avec la vigilance accrue des différents partenaires, la marge de manœuvre pour le tripatouillage des élections va s’amenuisant. Que fallait-il faire alors ? Maître de l’administration, le CNDD-FDD a résolu il y a longtemps de fausser le fichier électoral.

Donc, Dudu l’hiberné a cru que le compte était bon. Qu’il fallait faire un semblant de retour à la normale. Mais, les chiffres sont têtus. Le taux d’inscription est partout très bas. Les futurs électeurs, y compris des membres du CNDD-FDD, n’ont pas afflué vers les centres d’inscription.

L’opposition estime avoir été lésée et innocemment, a demandé la prolongation des inscriptions. Monsieur Pierre Claver Ndayicariye préside aux destinés du processus électoral à travers la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI). Vous avez dit « Indépendante » ? Le système lui a susurré : « Il faut prolonger comme ils le demandent. Nous n’avons pas encore notre compte ». Et notre président de la commission électorale plus que dépendante a fait recours à sa grande gueule pour proclamer urbi et orbi la prolongation du processus d’enrôlement.

S’unir et remettre en cause tout le processus d’enrôlement.

Revenons sur notre opposition. Il y a lieu de se demander si elle n’a pas mangé « la sauce de l’hibou ». Soudoyé par le CNDD-FDD ? C’est Dudu qui va se marrer ! « Ces gens-là déversent toute leur incapacité sur nous ». Mille fois raison cher Edouard. Est-on si aveugle pour ne pas constater que les nombreuses irrégularités constatées sur l’ensemble du territoire ne sont que la pointe d’un iceberg ? Comment autrement oser parler de prolongation ? Messieurs les opposants opposés, divisés, la messe est déjà dite. La carte d’identité a déjà procuré la victoire au CNDD-FDD.

Vous n’avez désormais qu’une chose à faire : remettre en cause, par tous les moyens pacifiques, tout le processus d’enrôlement, y compris son maître la « Commission Electorale Nationale Dépendante » du Sieur Ndayicariye. Exiger ensemble un moyen de constitution du fichier électoral autre que la carte nationale d’identité. Certains parlent d’annuler les cartes distribuées en 2014. Non Messieurs. Le Système DD a plus d’un tour dans son sac. Il faut un instrument contrôlé par tous les partenaires, de la conception à la distribution. Dudu et Claver vous ont dit que la nation pourrait en pâtir. Nenni. L’enrôlement peut bien se faire à la mi-janvier comme ce fut le cas en 2010.

Oui, il faut couper la tétine dont le CNDD et ses thuriféraires, Sindimwo Gaston, Mutabazi Jean, Bigirimana Jacques et autres Zed Feruzi comptent tirer l’énergie pour continuer à asservir le peuple burundais.

Vous avez aussi autre chose à faire. On ne le ne répétera jamais assez, il faut aller au-delà de vos ego. Que ne raconte-t-on ? Messieurs Bavuginyumvira et compagnie voudraient faire cavaliers seuls pour se positionner en futurs arbitres au second tour de la présidentielle. Et monnayer leur apport de voix. Pourquoi ne pas rester avec le groupe Rwasa-Nditije-Minani pour bouter dehors le CNDD-FDD une fois pour toutes ? N’est-ce pas l’avenir des nos enfants pour lequel nous nous battons ?

Un clin d’œil. Des sirènes d’un autre âge continuent à voir le jour pour vous empêcher de vous coaliser contre le prédateur du peuple. Citons entre autres un certain Anatole Bacanamwo, dont on ne sait pour qui il roule, qui, dans un article récent, en est encore à en appeler à la conscience ethnique. La coalition Rwasa-Nditije-Minani serait une « coalition contre nature »,  Rwasa n’aurait plus ni l’aura, ni la force de rassembleur, Rwasa risquerait de brûler sa dernière carte qui serait celle de la conscience ethnique, Rwasa aurait refusé la main de son frère (entendez ethnique) le Frodebu en préférant celle de l’UPRONA. Bacanamwo développe d’autres allégations auxquelles le peuple nous appelle à tourner le dos et termine son article en vous incitant à vous concentrer sur vos agendas personnels. Mesdames, Messieurs de l’opposition, Monsieur Bacanamwo semble avoir un agenda caché. Il veut vous faire subir le sort de l’épouse de Lot. Vous détourner de votre chemin, de celui du peuple à servir et non à asservir. Vous transformer en un bloc de sel.

Il veut détourner votre attention de la sollicitation d’un peuple au bord de l’asphyxie. Vous devez continuer à grouper vos tirs sur l’ennemi du peuple et continuer à le mettre à nu. Etre sûr de connaître à qui vous avez affaire.

Le Sytème DD : tout pour le nerf de la guerre.

Beaucoup de choses ont été dites sur la frénésie du Système DD pour s’emparer du trésor public, surtout en cette budgétivore période électorale. Voici un nouvel épisode.

Jeudi 04 novembre. Un cadre de la BRARUDI prend un verre avec deux de ses amis. Un Rwandais proche de la BRALIRWA et un proche parent d’un ancien dirigeant de la SOSUMO. L’aura du crépuscule, une lumière blafarde. Un jardin aux merveilleuses senteurs. Fleurs et arbustes de la Kibira ici dépaysées.  La brise du Lac Tanganyika surfe sur le duvet de l’avant bras du cadre Brarudi. Le regard perdu vers les lointaines montagnes du Fizi, il  Prend la parole, gravité et amertume dans la voix. « Vous savez ce que je viens d’apprendre ?  La SOSUMO va exporter une bonne partie de son sucre pour parer à une crise interne de trésorerie. Vous savez que les surtaxes imposées par les pouvoirs publics ne nous ont pas permis d’acheter les trois mille tonnes de sucre habituels. Du coup, il y a eu surproduction de sucre et la SOSUMO a du mal à écouler son sucre. Raison pour laquelle vous voyez des tas de sacs de sucre dans tous les magasins du pays. La compagnie a donc opté pour l’exportation de son produit.

Mais là ou le bas blesse, c’est qu’elle veut l’exporter à un coût de 470 dollars la tonne  proposé par une société désignée sans concurrence. Pourtant, nous sommes prêts à offrir bien plus. Il suffirait que l’Etat revoie sa taxe à la baisse. »  Sautant sur l’occasion, le Rwandais : « Je te propose une astuce. Nous importons le sucre et vous le revendons. Vous l’aurez sûrement à un prix bien en deçà du sucre détaxé ».

L’autre convive prend la parole. Vif, passionné, voire impulsif. En connaisseur, pour avoir des entrées sûres à la SOSUMO, il développe. La SOSUMO vit une turbulence qui risque de l’emporter. Et le mobile n’est autre que politique, plus précisément électoral. Souvenez-vous. Le Président a décoré, il n’y a pas longtemps une équipe dynamique qui avait permis à la SOSUMO de battre tous ses records. Peu après, le Directeur Général a été mystérieusement remercié. Le Directeur Administratif et Financier, une dame dont la professionnalité et la rigueur avaient été saluées par tout le personnel, vient d’être non moins mystérieusement limogé, alors que son mandat venait d’être reconduit. De même trempe, le Président du Conseil d’Administration, vient de subir le même sort. Monsieur Rutumo qui préside aux destinées de la Banque de Commerce de Bujumbura (BCB) est célèbre pour avoir refusé un crédit d’investissement à des émissaires « d’en haut ». Ces trois personnalités limogées avaient fait le dos rond, s’étaient arcboutés. Alors même que le Système DD faisait tout pour s’ingérer dans la gestion, attribuer des marchés…ils étaient restés souvent sourds aux ordres venus de la Permanence.

Pourquoi partent-ils maintenant ? En vue des élections, le CNDD veut du sous. Tout naturellement, il faut être libre d’attribuer les marchés, processus longtemps obstrué par le trio limogé. Dieu sait si ces marchés sont nombreux et surtout plus que juteux. De façon particulière, deux opérations sont en cours pour cela. Exporter le sucre pour empocher des commissions. Comme vous l’avez dit, le coup est dans la poche. La brave dame Ministre du Commerce, qui a été mandatée par la servante du CNDD-FDD nommée Concilie Nibigira, a donné son accord à une demande venue du nouveau Directeur Général. Celui-ci a agi sans consulter ni le Comité de Direction, ni le Conseil d’administration. La Ministre du Commerce a agi sans informer, ni le Conseil des Ministres ni son chef direct, à savoir le Deuxième Vice-Président. Celui-ci serait dans un indicible courroux. Va-t-il laisser faire ? Curieusement, les services du Président, eux, seraient au courant.

La deuxième opération envisagée ? Vendre la SOSUMO en lieu et place d’une opération de recapitalisation dont les études ont déjà coûté des milliards et qui visait l’extension de la compagnie. Le nouveau Directeur Général aurait jeté cela à la figure d’un personnel médusé. Aguerri à travers son syndicat, celui-ci est sur ses gardes. Sa première bataille : le nouveau patron a demandé au Conseil d’Administration un salaire qui serait pratiquement le double de celui que touchait son prédécesseur après annales. Faire passer son salaire de 4 millions à sept ! Quel culot ce monsieur ? Va-t-il rester les bras croisés ce personnel si courageux, face au bradage annoncé? 

Un silence lourd. Les temps de digérer cette menace qui pèse sur un des poumons de l’économie nationale. Les trois convives sirotent pensivement leur bière. Des hm ! lourds de sens. L’homme de la BRARUDI : « ça ne peut pas se passer comme ça !  Ce pays regorge encore de bashingantahe.  Et si cela persistait, l’après élection sera dure pour les prédateurs. Les chicaneries des politiciens doivent faire place à des actions concertées pour les bouter dehors ».  La mine grave ils se séparent et rentrent ruminer la question.

Le nuage électoral pèse de plus en plus lourd.

Voilà à qui l’opposition a affaire. Mais ce n’est pas tout bien sûr. Seule une mémoire d’un ordinateur gigantesque pourrait contenir les faits et méfaits du Système DD de la base au sommet. Revenons aux fameux « bobards » de M. Edouard Nduwimana.

Jeudi 4 novembre. Nous sommes au quartier à Bwiza. Un soir animé dans ce quartier populaire du centre ville. De forts décibels à la 8 ème avenue et un peu partout ailleurs. Dans un petit bistrot fréquenté par des cadres moyens, la fameuse flûte de la Radio RPA. Dans quelques secondes ce sont les informations de 19 heures. Les verres désertent les lèvres. Les oreilles se tendent.  « Depuis que nous avons quitté Kiriba Ondes, on nous a essaimé dans tous le pays. Nous travaillons avec les imbonerakure (jeunesse du CNDD-FDD) de la place. On nous a indiqué notre mission. Traquer, intimider tous ceux qui sont contre le pouvoir. D’autres imbonerakure sont en cours de formation ».

Tout cela est débité par une voix grésillante, déformée à dessein par les studios de la radio. Après les informations des commentaires fusent de partout. La consternation, la peur, la colère, la détermination, la condamnation…

On ne sait pas si, pour avoir parlé des « bobards » propagés par les médias et la société civile, le Ministre Nduwimana, son collègue de la Sécurité Publique ou le Conseil National de Sécurité, estiment avoir démenti une fois pour toutes. Personne ne dément. Qui ne dit mot consent. C’est pourquoi le nuage électoral pèse de plus en plus lourd. Et que des sentiments de fuite effleurent certains esprits.

Terminons par cette anecdote. Ouvrant dernièrement, les assises des Etats Généraux de l’Education, le Président Nkurunziza a parlé de la formation d’une jeunesse patriote et honnête. On n’en croit pas ses oreilles. Est-ce cela, impliquer des mineurs dans une tricherie électorale ?  A-t-il oublié l’adage kirundi qui dit que lorsque vous volez alors que vous portez un enfant dans le dos, vous apprenez à voler à ce dernier ?