ENCORE DES MALADES EN PRISON DANS DES HOPITAUX

Par Gratien Rukindikiza

 Burundi news, le 02/09/2008

L'emprisonnement des malades pauvres, incapables de payer leurs factures, à l'hôpital a déjà fait l'objet de nos critiques. Nous avons déjà fait sortir de l'hôpital ¨Prince Régent Charles plus de dix malades dont le dernier est sorti à la fin de 2006. Cette façon de faire, retenir les malades pauvres pour que les bienfaiteurs paient à leur place est un piège. La veille des élections de 2005, j'avais demandé à une connaissance du CNDD-FDD si ce système serait maintenu ainsi; il m' a juré la main sur le cœur que dès leur arrivée au pouvoir, on n'entendrait plus parler de ces prisonniers. Comme disait l'ancien ministre de l'intérieur français Charles Pasqua, les promesses n'engagent que ceux qui y croient. Trois ans après, le système est le même et le CNDD-FDD est au pouvoir. Cette misère, cette honte nationale, le CNDD-FDD préfère ne pas la regarder pour fixer les millions de francs détournés. Les dirigeants de ce parti ont opté pour leurs poches, le peuple, il n' a qu'à se débrouiller.

Un ministère de la solidarité, pour faire quoi?

Un ami Français vient de séjourner au Burundi et il a été à l'hôpital Prince Régent Charles pour se rendre compte de cette aberration. Il m'a avoué que jamais il n'aurait pensé que la misère humaine pouvait atteindre ce niveau. Dire à quelqu'un qu'il existe un ministère de la solidarité devant ces actes inhumains, c'est comme raconter des mensonges. La première question est de savoir de quelle autre priorité ce ministère a choisi en dehors de cette question d'emprisonnement à l'hôpital.

L'argent détourné dans ce ministère dépasse de loin la somme nécessaire pour faire sortir tous les malades emprisonnés. Ce ministère a été toujours confié à des femmes depuis plusieurs années. Une femme est plus sensible à une telle horreur qu'un homme en général car elle donne la vie. Il ne s'agit pas de toutes les femmes. Il y a des femmes bourreaux, des hommes très sensibles. Or, ces femmes n'ont pas alerté le pouvoir, elles n'ont pas sollicité la solidarité nationale, pire elles ont été sollicitées et n'ont pas réagi comme elles devaient faire. Devant ces actes inhumains, j'aurais personnellement démissionné et alerté l'opinion publique de l'indifférence du pouvoir.

J'ai en mémoire cet homme qui a été amputé d'une jambe suite à un cancer et qui a été maintenu à l'hôpital trois années jusqu'à mon passage au Burundi en 2006. Les opérations médicales avaient coûté environs deux millions de francs bu. N'ayant pas payé la facture, il est resté à l'hôpital et le "loyer" de l'hôpital augmentait sa facture jusqu'à atteindre quatre millions de francs bu. Dans l'urgence, car j'avais promis à un membre de sa famille qui m'avait raconté cette histoire de le faire libérer, j'ai cédé à l'hôpital des médicaments que j'avais envoyés au Burundi pour soigner les gens gratuitement.

L'argent du pétrole nigérian pour équilibrer les comptes des hôpitaux

Le Président de la République reçoit mensuellement  un million de dollars  provenant du don en pétrole du Nigéria. Le Trésor public ne reçoit que des miettes de 80 000 dollars par mois. Un million de dollars est suffisant pour faire libérer les malades et restructurer le système pour éviter ces cas. Il suffirait que le Président abandonne son vol des deniers du peuple pour que certaines familles retrouvent les leurs.

Je lance un appel au Président de la République, s'il est réellement croyant, qu'il cède au moins trois mois de valises de dollars aux hôpitaux et nous éviter cette honte. Personne n'ira sous terre avec ses valises de billets. L'histoire nous apprend que les dictateurs qui ont appauvri leurs peuples n'en ont pas bénéficié et ont eu des sorts misérables. Un bon croyant ne doit pas rester les bras croisés devant une telle injustice. Tu ne voleras pas, tu ne prendras pas les biens d'autrui, c'est la bible qui le dit, à moins que certains aient d'autres versions.  Or, ces millions de dollars appartiennent au peuple. Le peuple souffre, les malades sont doublement victimes de leurs maladies et le dirigeant amasse de l'argent pour son bonheur et celui de sa famille.

Et les politiciens?

Ma colère devant ce système d'emprisonnement de malades s'adresse aussi aux politiciens burundais que je caractérise de médiocres parmi les médiocres. Ceux qui ont bloqué le Parlement, ceux qui ont juré de défendre la démocratie, ceux qui ont fait tout pour défendre leurs places n'ont pas ouvert leurs bouches pour bloquer le Parlement au nom de ces malades emprisonnés, au nom de ce système pourri, digne des régimes de l'esclavage car la colonisation ne nous a pas fait subir ce sort. Ces opposants politiques auront une crédibilité s'ils parlaient au nom du peuple, au nom de ce peuple qui souffre, qu'on emprisonne parce qu'il est pauvre, parce qu'il est sans voix. S'il s'agit d'une opposition pour récupérer le pouvoir, pour faire comme ceux qui sont au pouvoir, qu'ils restent là où ils sont.

Ces politiciens au pouvoir, fiers de leurs villas de Kigobe, de leurs voitures de luxe payées par le peuple qu'ils méprisent tant, sont insensibles à cette misère, à cette exploitation inhumaine. Ils ne méritent pas d'être appelés honorables pour ces députés et sénateurs. Le peuple devrait les appeler des déshonorables. Je nomme le premier des politiciens au pouvoir le Président de la République, il est le premier des exploiteurs de ce peuple. Chaque million qu'il vole, ce sont des dizaines de Burundais qu'il assassine. Je me demande comment on peut faire le matin en se regardant dans la glace, se dire qu'on est à la base  du malheur de ces pauvres gens.

Qu'ils soient de l'opposition ou du pouvoir, ces politiciens burundais sont coupables de non assistance de personnes en danger. Qu'est ce qu'ils ont fait pour le peuple? Je préfère ne pas y répondre.