UN ENTERREMENT OU L'OMBRE DU POUVOIR BURUNDAIS PLANAIT

Par Gratien Rukindikiza

 Burundi news, le 26 juillet 2007

Michel Kipoké est mort le 27 juin 2007. Son enterrement a eu lieu ce jeudi 26 juillet, un mois après. Les amis et la famille ont eu des doutes. Ces doutes ont poussé à ce que l'enterrement soit retardé. Michel Kipoké n'était pas n'importe qui. C'était une véritable légende vivante, un héros vivant, un de ces hommes rares en Afrique.

Qui était Michel Kipoké?

Il est né au Congo Kinshasa le 29 septembre 1952. Il a fait une maîtrise de  droit à Brazzaville et a continué ses études jusqu'au doctorat de droit en France. Il a travaillé  en tant que juriste à l'AFSA (Agence française de la sécurité alimentaire) en 1973. Il a quitté cet organisme pour travailler au ministère de la défense en France. Parallèlement à son travail professionnel, Michel Kipoké intervenait dans l'ONG, Initiative et Changement. Sa spécialité était le Burundi où il avait organisé plusieurs rencontres entre les belligérants burundais. Il avait aussi à son actif des actes de réconciliation de Congolais. Dans ces jours, il voulait s'impliquer dans la résolution du conflit ivoirien.

Michel Kipoké avait organisé avec d'autres collègues d'Initiatives et Changement une rencontre des Burundais à Caux en Suisse il y avait quelques mois. La rencontre avait été boycottée par le pouvoir de Bujumbura. Se sentant incompris, l'infatigable Michel Kipoké est parti au Burundi pour expliquer. De retour du Burundi, il croyait avoir convaincu. De sources proches du pouvoir, il n'en était pas question. Les doutes persistaient. Le pouvoir le soupçonnait d'organiser l'opposition pour reprendre le pouvoir. De retour du Burundi, il est mort après une période de douleurs au ventre.

Un grand absent à l'enterrement de Michel Kipoké

Le Burundi n'a pas envoyé de délégation. Pourtant, il était un grand médiateur dans le conflit burundais. L'ambassadeur du Burundi en France était absent. Il n'y avait même pas de conseiller. Du début à la fin, deux seuls Burundais étaient présents. Il s'agissait de Jacques Kenese, représentant du Palipehutu FNL, chargé des relations extérieures du FNL. Il y avait aussi votre serviteur, le rédacteur de ce site. Michel Kipoké était plus qu'ami. Il était un frère.

En discutant avec les membres de la famille, je sentais que le pouvoir burundais était dans le collimateur. A-t-il assassiné Michel Kipoké? L'autopsie le dira. La douleur et l'émotion étaient intenses. Perdre Michel Kipoké n'est pas la seule perte humaine. cette perte n'est pas différente de la mort de nos héros africains. Michel Kipoké est un héros parmi tant d'autres. L'Afrique perd un fils valeureux. S'il a été empoisonné, maudit celui qui a commis ce crime ignoble.

La justice française prend le dossier en mains

Compte tenu des soupçons, la justice française a exigé l'autopsie. Il y a de fortes probabilités que l'autopsie révèle l'empoisonnement. Le pouvoir burundais est pointé du doigt. Si l'autopsie révélait un empoisonnement, la première piste serait au Burundi. La justice française n'hésiterait pas à enquêter sur le Burundi.

Malgré les soupçons, le pouvoir burundais n'a jamais fait de démenti. Son absence à l'enterrement était choquante à écouter les dires des gens d'autant plus qu'à la messe, il a été dit plusieurs fois qu'il s'était beaucoup impliqué dans la résolution du conflit burundais.

Ma participation aux cérémonies d'inhumation a été un moment très dur. Dur du fait de voir tant de douleur dans sa famille, dur aussi du fait que le pouvoir burundais est soupçonné et moi, en tant que Burundais, la charge était lourde.

Une question qui m'a été posée et qui est restée sans réponse : "Comment est -ce que vous les Burundais, vous arrivez à faire ça, cette sauvagerie?" C'est une question qui fait mal et que la sagesse recommande de ne pas y répondre.

Que Michel Kipoké se repose en paix. Il retrouve dans l'autre monde d'autres héros comme Lumumba, Rwagasore, N'kwamé Nkrumah, Ndadaye et d'autres.