LE DOSSIER FALCON 50 EMBARRASSE LE POUVOIR DEPUIS LA DECISION DE VENDRE
Par Gratien Rukindikiza
Burundi news, le 08/03/2010
Le dossier Falcon 50 est un vrai casse-tête du pouvoir de Nkurunziza et en particulier le Président lui-même. Tout s'est passé comme il ne l'avait pas prévu. Le plan B n'avait pas été envisagé et la surprise a été totale sans parler des erreurs de communication. Ce dossier revient à la une depuis que l'Assemblée Nationale a décidé de se débarrasser de cet encombrant dossier, après avoir fait un rapport accablant contre le Président Nkurunziza. Tous les témoignages convergent vers le Président Nkurunziza.
Comment a -t-il pris la décision de vendre? Qui sont les intermédiaires? Pourquoi a-t-il vendu sans acheter? Est-ce qu'il a subi des pressions pour vendre? Comment l'argent a-t-il été partagé? Le rôle de Dieudonné Ngowenubusa, alias Diego? Cet article tentera d'éclaircir ce dossier pour apporter des éléments de réponses aux questions que les Burundais se posent.
Au commencement, un Falcon 50 très recherché
Le Falcon 50 est un des avions les plus recherchés dans le monde pour leur fiabilité. Cet avion avait été donné au Burundi par la France.
Des hommes d'affaires indiens, basés en Ouganda et proches du pouvoir ougandais, avaient toujours gardé cet avion dans le collimateur. Ils avaient approché le Président Ndayizeye pour l'acheter et il avait refusé. L'acheteur français lui avait proposé 10 millions de dollars. Il avait raison de refuser.
Quand le CNDD-FDD est arrivé au pouvoir, ces hommes d'affaires ont approché les dirigeants du CNDD-FDD pour une opération d'achat de ce Falcon 50 et aussi pour leur vendre un autre avion moindre solide que le Falcon 50. Ils auraient même contacté les chefs du CNDD-FDD avant même les élections. Le Président Nkurunziza a suivi de près cette opération et a confié toutes les démarches à son directeur de cabinet de ce moment Martin Mbazumutima. Mbazumutima a négocié un autre avion pour 10 millions de dollars et il avait trouvé un financeur potentiel. La décision de vendre le Falcon 50 et d'acheter un autre avion était déjà prise. Des commissions très importantes étaient prévues à la suite de la vente du Falcon 50. Seulement, moins de 40 % devait rentrer dans les caisses de l'Etat.
Pourquoi vendre le Falcon 50 sans acheter un autre avion du Président?
Le financeur potentiel qui devait avancer les 10 millions de dollars avait donné un accord de principe. Mais, Mbazumutima croyait que l'accord de principe était synonyme de conclusion de prêt. Il avait oublié un détail non négligeable. Pour qu'un financeur accorde ce prêt au Burundi, il fallait un accord du gouvernement. Or, le Burundi était soumis aux restrictions de crédit par les institutions bancaires comme le Banque mondiale et le FMI d'autant plus que le Burundi était dans le cadre des pays les plus pauvres. Ces pays ne peuvent pas recevoir de crédit car ils sont incapables de rembourser. Ils ne peuvent que recevoir des dons. Le ministre des finances a été dépêché à Washington pour négocier la Banque Mondiale d'accepter que le Burundi puisse avoir ce prêt. La Banque Mondiale a catégoriquement refusé. Entre temps, la vente du Falcon 50 était déjà avancée. Une société intermédiaire était déjà engagée. Cette société devait être payée sur les commissions de la vente du Falcon 50.
N'ayant pas reçu d'accord pour avoir un crédit, le Président Nkurunziza s'est retrouvé face à un dilemme. Faut-il vendre le Falcon 50 sans acheter un autre avion pour le Président? Le Président Nkurunziza a fait marche arrière et a décidé de ne pas vendre le Falcon 50. Une situation inattendue devait l'obliger de vendre le Falcon 50. L'intermédiaire dans la vente du Falcon et l'achat d' un autre avion avait un contrat et le refus de vendre le Falcon 50 lui causait un manque à gagner. L'intermédiaire avait fait un engagement ferme avec l'acheteur et il n'avait plus de possibilité de reculer. Si le Président Nkurunziza refusait de vendre le Falcon 50, le Burundi devait payer les honoraires de l'intermédiaire dans le budget de l'Etat alors que ce n'était pas prévu. Il devait payer aussi des dommages et intérêts à l'acheteur. Avec tous ces éléments, il a encore une fois décidé de vendre.
Inventer une histoire pour endormir les Burundais
Dans la répartition des tâches, Hussein Radjabu, ancien président du CNDD-FDD, devait s'occuper de la communication pour véhiculer des mensonges sur l'état de cet avion. C'est ainsi qu'une histoire a été élaborée en Ouganda. Radjabu l'a relayée dans les médias en affirmant que cet avion était un danger public, que le Président burundais ne pouvait pas voyager dans un tel avion. Ces déclarations ont créé des doutes. L'avion a été envoyé à Génève en Suisse, soi-disant pour des réparations. En réalité, l'avion était vendu.
La même explication a été donnée au conseil des ministres pour expliquer les raisons de cette "volonté" de vendre le Falcon 50. Les ministres ignoraient qu'au moment des discussions, le Falcon avait changé d'immatriculation plusieurs fois et qu'il était en possession du 7 è acheteur ou intermédiaire. Le directeur de cabinet du Président, Martin Mbazumutima a chargé Diego, le ministre des finances, de dire lors du conseil des ministres dans les divers cette volonté de vendre l'avion. Diego avait reçu les assurances qu'il sera soutenu par le Président Nkurunziza. Diego devait se débrouiller pour vendre ce Falcon 50 à un acheteur déjà désigné par le Président Nkurunziza et à un prix déjà arrêté.
Une surprise lors de l'ouverture des enveloppes
Lors de l'ouverture des enveloppes, le ministre des finances reçoit une enveloppe de la société Bombardier qui voulait acheter le Falcon 50. Cette société proposait 5 millions de dollars alors que la société déjà désignée proposait 3, 15 millions de dollars. Ne sachant pas quoi faire, Diego téléphone à Martin Mbazumutima, directeur de cabinet du Président. Mbazumutima lui dit d'ignorer l'offre de Bombardier même si l'Etat perd 2 millions de dollars.
La vice-Présidente Alice Nzomukunda entre dans la danse pour s'opposer à la vente du Falcon 50
Ayant appris cette vente, Alice Nzomukunda, 2 è vice-Présidente de la République en ce moment, refuse que l'avion soit vendu à ce prix. Elle en réfère à Radjabu. Ce dernier convoque Diego mais il refuse. Il finira par aller à une réunion avec quelques cadres du parti CNDD-FDD, dirigée par Radjabu. Radjabu a décidé de créer une commission chargée d'étudier cette question. Les membres de cette commission étaient : Alice Nzomukunda, présidente, Denise Sinankwa, Toyi, Dieudonné Ngowenubusa, Karenga et Clotilde Niragira. La commission n'a jamais produit de rapport et était torpillé par Karenga qui ne voulait pas une remise en cause de cette vente.
Une autre commission a été créée dirigée par l'ancienne ministre des finances Denise Sinankwa. Cette commission ministérielle était même appelée Commission Sinankwa. Cette commission a relevé des erreurs au niveau de la communication et aussi un vide juridique quand il s'agissait de vendre un bien de l'Etat. Elle a préconisé le renvoi de ce dossier au Parlement pour une enquête parlementaire dans le but de le soustraire de la justice.
La vraie facture et le partage de l'argent
La vraie facture était de 9 millions de dollars. 3,15 millions de dollars sont rentrés dans les caisses de l'Etat. Le Président Nkurunziza a reçu 5, 85 millions de dollars. Il a fait comprendre à Radjabu que l'avion a été vendu à 5 millions de dollars. Les deux chefs ont partagé 1, 3 millions de dollars et ont distribué moins d'un million entre Mbazumutima, Diego, Bizimana Isaac en prison actuellement pour l'affaire Interpetrole et un autre membre du gouvernement. Un officier de l'Armée, proche du Président Nkurunziza, chargé des services ou de sécurité auprès du Président, a reçu 20 mille dollars.
Le Président Nkurunziza a eu le gros lot de 4 millions de dollars, en dehors de ces partages.
L'argent a été déposé dans deux pays à savoir la Turquie et le Soudan.
Vers la fin du dossier Falcon 50?
Le Falcon 50 n'est pas un dossier qu'on enterre facilement. On peut se demander si l'intervention d'Alice Nzomukunda sur le dossier Falcon 50 n'a pas donné l'occasion au parti au pouvoir pour envoyer ce dossier en justice où il est prévu que le procureur général de la République le classe sans suite avant les élections.
En décidant d'envoyer ce dossier à la justice, le président de l'Assemblée Nationale a commis une erreur de jugement. Le Burundi se trouve dans une période préélectorale. Ce dossier revient à la une et sera bien alimenté. La justice n'a aucun argument pour enterrer ce dossier. En plus, si le parquet classe sans suite ce dossier, il ne bénéficiera pas de l'autorité de la chose jugée. Tout nouveau pouvoir pourra le déterrer et juger les responsables.
Les éléments complémentaires à ce dossier ne pourront que l'enrichir. Face à l'échec électoral du Président Nkurunziza déjà annoncé dans l'opinion, certains proches commencent à prendre de la distance. Ce sont ces proches qui vont livrer ces informations cruciales pour que ce dossier soit suffisamment enrichi pour que la justice soit dans une situation quasi impossible pour l'enterrer.