EST-CE LA FIN DU POUVOIR DU PRESIDENT NKURUNZIZA ?

 Burundi news, le 10 juin 2007

Par Gratien Rukindikiza

Le pouvoir est honorifique quand il ne s’exerce pas. Dans l’histoire, il y a eu des rois qui n’ont pas régné en réalité comme des Présidents qui n’ont pas présidé aux destinées des pays. Des cas existent des hommes propulsés à de hautes fonctions et qui  n’ont pas pu ou voulu assumer leurs fonctions. Il est rare que des femmes, arrivées à ces fonctions, se laissent faire. Les intrigues, les manipulations des courtisans, le dépassement par des événements, la seule envie de s’enrichir créent des situations compliquées et qui poussent les peuples à demander des changements. Le Burundi n’est pas encore à ce stade.

Le départ de Radjabu, ancien président du parti au pouvoir CNDD-FDD, a fragilisé le Président de la République 

Le limogeage et l’emprisonnement de Radjabu ont provoqué des effets inattendus au Président de la République. Il croyait que tout allait rentrer dans l’ordre. Au contraire, le pouvoir burundais est comparable à une voiture sans moteur ; quelque soit le carburant mis dans le réservoir, la voiture ne pourra pas démarrer. Au pire, à forcer de bricoler, on risque de perdre sa voiture. Le pouvoir du CNDD-FDD n’a plus de majorité à l’Assemblée Nationale. La peur hante les partisans du pouvoir de voir le Président de la République destitué le plus constitutionnellement et le plus démocratiquement du monde par le Parlement et le Sénat réunis en congrès. La constitution est claire sur ce point. Les accusations ne manquent pas.

Le Président ne dispose plus de parapluie Radjabu qui le couvrait en tout et qui garantissait l’ordre dans le parti CNDD-FDD même s’il était le seul à décider.

Radjabu parti, les généraux issus du CNDD-FDD prennent la relève

Le Président n’aura savouré qu’une petite accalmie. La pression qu’il subissait de la part de Radjabu a été remplacée par celle des généraux issus du CNDD-FDD. Cinq ou six généraux sont organisés en groupe qui donne des ordres au Président et  intimident les dirigeants du CNDD-FDD qui ont ou veulent poser des actes qu’ils désapprouvent.  Les mauvaises langues disent que ce sont ces généraux qui ont donné une carte rouge à Rufyikiri, président du Sénat après sa fameuse lettre au Président de la République sur le non respect de la constitution. Ce qui est connu, ce sont ces généraux qui ont poussé Radjabu hors de la présidence du parti CNDD-FDD.

Ces généraux donnent des ordres aux civils, membres dirigeants du parti au pouvoir. Les remarques à l’endroit des autres civils non membres du CNDD-FDD sont considérées comme des mots en l’air car les membres du Frodebu ne les prennent pas au sérieux.

Le Frodebu veut destituer le Président de la République

Le Président de la République ne sait pas si son véritable problème est son parti ou le Frodebu et les Radjabistes. C’est souvent la diversion qui fait battre une armée.

Le Frodebu est décidé à en découdre avec le Président de la République et ils en ont les moyens. Les députés sont rassurés de le rester jusqu’en 2010, sauf en cas de putsch militaire. Or, rien ne garantit au Président de le rester jusqu’en 2010. Le Président de la République a été élu par l’Assemblée Nationale et le Sénat et ce sont les mêmes électeurs qui peuvent le destituer.

Le Frodebu a déjà un projet. Son projet a des adhérents : L’Uprona, le MRC, le CNDD de Nyangoma, les Radjabistes qui sont en création d’un nouveau parti politique et les Twa cooptés. Avec ces adhérents au projet, le Frodebu aura la majorité à l’Assemblée Nationale. L’attaque ne serait pas frontale. Elle se fera par contournement. Ce projet consisterait à conquérir la présidence de l’Assemblée Nationale à la manière du limogeage de Mme Nahayo. Le président de l’Assemblée Nationale serait alors un frodebiste avec deux vice-présidents issus de l’Uprona et des Radjabistes. Des noms sont connus mais je me garderai de les citer.

Après la prise de l’Assemblée Nationale, le Sénat serait dans le collimateur. Le tour serait joué. Il ne resterait qu’à convoquer un congrès du Sénat et de l’Assemblée Nationale pour destituer le Président pour corruption.

Et si le CNDD-FDD devançait les frodebistes dans la destitution du Président de la République !

L’hypothèse n’est pas à écarter. Pour éviter de tout perdre, le CNDD-FDD pourrait sacrifier le Président de la République et prendrait les devants en le destituant. Il pourrait s’allier avec les autres élus, exceptés les soutiens de Radjabu. Cette alliance serait un mariage de raison avec des promesses fermes et vérifiables. La mise en place de ce processus ne saurait se faire sans l’aval des fameux généraux. Le CNDD-FDD a des hommes et des femmes capables de travailler en harmonie avec le Frodebu et l’Uprona. Ce sont ces hommes et femmes qui pourraient maintenir  la Présidence de la République au CNDD-FDD.

Le Frodebu serait devancé et le CNDD-FDD pourrait marquer des points dans l’opinion pour bien se placer en prévision des élections de 2010. Il suffirait de revoir la présidence du parti,  de changer certains cadres et combattre la corruption pour financer les projets de la population.

Le Frodebu prend le pouvoir, quelle réaction des généraux du CNDD-FDD ? 

Personne ne peut le prévoir à l’avance. Cependant, certaines réalités sont là. Le pouvoir des généraux, anciens FDD, sur  l’armée et la Police est minime et trop théorique. L’armée ne pourrait pas bouger pour défendre un Président destitué en respect de la constitution, de peur de perdre son image actuelle auprès des Burundais et sur la scène internationale.   

Certains éléments de la Police pourraient intenter des actions isolées. La situation serait vite maîtrisée.

Prenons les menaces au sérieux. Si les généraux bombardaient l’Assemblée Nationale ou enfermaient les députés à l’Assemblée Nationale, le pays pourraient connaître une guerre civile limitée dans le temps. Ainsi, le ministre de la défense pourrait s’imposer et rétablir l’ordre en rappelant à l’ordre les généraux. Ces derniers seraient alors accusés et condamnés pour  rébellion et  troubles à l’ordre public.

Le ministre de la défense pourrait alors demander aux civils politiciens de ne rien faire en dehors de la constitution et de respecter la loi. Connaissant son sens de la légalité, il ne pourrait pas permettre qu’un militaire prenne le pouvoir. Il est aujourd’hui le maître incontesté de l’Armée du Burundi.

Personne ne veut retourner dans les maquis 

Les combattants intégrés dans l’Armée ne veulent pas retourner dans la forêt pour défendre des individus. Ils savent qu’ils auront au retour, s' ils ont de la chance, que leurs postes actuels. Ils savent aussi que la guerre signifie la mort, les blessures et autres. Ce n’est pas au moment où un caporal a un salaire d’un licencié de l’université qu’il va accepter de retourner dans la forêt sans salaire et confort. Aujourd’hui, un colonel a un salaire de 350 000 frs Bu, presque l’équivalent du salaire d’un ministre il y a deux ans. Il n’est pas évident, compte tenu de ces éléments, qu’il y ait des candidats au retour dans la rébellion. Certains officiers, surtout les généraux ont déjà acquis des maisons, des biens qu’ils ne vont pas laisser pour commencer une guerre perdue d’avance d’autant plus qu’ils n’ont même pas gagné la première.

En attendant le prochain gouvernement, les projets continuent

Le bras de fer entre le Président de la République et le Frodebu empêche le remaniement du gouvernement. Le Frodebu exige cinq ministres et quelques gouverneurs et le Président refuse. Ce bras de fer est à la base de ces tractations.

En attendant, la fronde gagne le Sénat qui a du mal à réunir le quorum pour approuver le nouveau procureur de la République.

Une chose est sûre aujourd’hui, le Burundi est  dans une impasse. La question est de savoir si le pouvoir se trouve à sa fin ou à son commencement.