UN DUEL MORTEL MENACE LE FRODEBU

Par Gratien Rukindikiza

 Burundi news, le 02 avril 2006

Si les héros burundais revenaient, ils maudiraient leurs héritiers. Le Prince Rwagasore est mort en laissant un parti puissant, unitaire. L’Uprona est devenu un parti faible, divisionniste, haï par le peuple, ce petit peuple qui a été le grand artisan de la victoire du parti de Rwagasore. Les dirigeants de l’Uprona depuis la mort de Rwagasore ne méritent pas d’être les héritiers de ce Prince. Ils ne méritent que le terme de traîtres. Ils ont trahi la mémoire de Rwagasore, ils ont trahi les idéaux du parti et ils ont aussi trahi le peuple. Les dirigeants de ce parti ont une grande part de responsabilité dans la crise burundaise depuis 1965 jusqu’aujourd’hui.

Qui se ressemble, s’assemble. Le Frodebu a été l’héritier de l’Uprona plus que de Ndadaye. Le Président Ndadaye assassiné le 21 octobre 1993 avait été porté au pouvoir par le petit peuple comme le Prince Rwagasore. Quelques mois après sa victoire, il a été assassiné. Le Président Ndadaye a été trahi de son vivant par certains cadres de son parti qui ont scellé un pacte pour le renverser et l’assassiner. Ndadaye a été victime d’un complot par ceux qui venaient de perdre les élections. Ce complot a été facilité par des complicités au sein de son cabinet et même par un de ses ministres.

Le Frodebu d’après Ndadaye a été comme l’Uprona à la mort de  Rwagasore. Il a été incapable de trouver une porte de sortie de la crise. Il s’est même mis dans le piège en pactisant avec ceux qui venaient d’assassiner le Président Ndadaye. Le colonel Bikomagu est resté chef d’Etat major de l’armée et le colonel Simbandugo est devenu chef d’Etat major de la gendarmerie. Aucun procès n’était alors possible pour juger les vrais assassins du Président Ndadaye.

La lutte interne au sein du Frodebu a pris une ampleur sans précédent  depuis le limogeage difficile de Minani après le débâcle électoral. Deux camps sont nés au Frodebu. Il y a le groupe Minani, Madame Ndadaye et Mutabazi qui était opposé à l’ancien Président Ndayizeye, soucieux à un certain moment de se faire élire. Il y a aussi le groupe de Ndayizeye, Ntibantunganya, Ngendakumana, Cimpaye et autres. Ce groupe a fini par évincer Minani de  la direction du Frodebu au profit de Ngendakumana.

Le CNDD-FDD  a profité des divisions du Frodebu pour calmer les revendications ministérielles du Frodebu. Ce parti vient d’être exclu des nominations des ambassadeurs. C’est une goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Le refus du gouvernement de négocier avec le FNL, très courtisé par le Frodebu, a été aussi un élément important de différend entre le CNDD-FDD et le Frodebu. Le Frodebu s’est rendu compte que sa participation au gouvernement est symbolique. Sa place était en réalité dans l’opposition.

Le président du Frodebu a décidé de quitter le gouvernement par un communiqué sorti le 25 mars 2006. L’erreur commise par Ngendakumana est l’absence de consultation des intéressés. Une place de ministre est une mangeoire. Le ministre décide des attributions de marché, ce qui implique des dessous de table, de la vraie corruption, des arrangements de placement des cadres, des magouilles génératrices des revenus illicites, des biens matériels à sa disposition  etc… Les ministres qui ne sont pas concernés par tout cela se comptent sur les doigts d’une main. Ainsi, on trouvera peu de ministres disposés à démissionner pour être solidaires avec le parti. Ils préféreront changer de parti plutôt que de quitter le gouvernement. Après tout, entrer dans un parti au Burundi ne nécessite pas une compréhension de l’idéologie de ce parti. Je crois savoir que l’idéologie est très accessoire pour les parti au Burundi. L’important est d’arriver au pouvoir, de soigner sa pauvreté et de faire tout pour éviter de ne pas perdre sa place.

Elie Buzoya, ministre de l’agriculture et de l’élevage, Dr Barnabé Mbonimpa, ministre de la santé  et Odette Kayitesi, ministre de l’ aménagement du territoire, de l’environnement et du tourisme ont refusé de démissionner. La crise est grave pour Ngendakumana. Ces ministres ont été désignés par Minani. Aujourd’hui, le parti est divisé en deux. Si la cassure se maintient, le parti de Ndadaye risque de perdre ses militants au profit du CNDD-FDD. La lutte entre Minani et Ndayizeye finira par anéantir le Frodebu. Ce qui est malheureux, les autres cadres du Frodebu restent silencieux. Seule la nouvelle génération pourra imposer un troisième homme afin de remettre sur les rails le parti du Président Ndadaye.