Le reportage que nous proposons intégralement au Lecteur de Burundi News a été réalisé à Bruxelles par Arib.info lors de la rencontre de S.E. Monsieur le Président Domitien NDAYIZEYE avec la diaspora burundaise, le 26 mars dernier, à l’hôtel Shareton. Contrairement à un autre reportage subitement affiché sur un site dont nous taisons le nom, celui par Arib.info a été retardé au 29 mars, signe de sa complexité ; et il a le mérite et le privilège de laisser vivre au lecteur le festin consommé en huit « gaffes » présidentielles.  

 

Siméon Barubiriza

 

Une séance de « gaffes » présidentielles

 

Une foule des jours de …fête

 

Samedi 26 mars, veille de Pâques, les Burundais de la diaspora de Belgique et des environs ont répondu en masse à l’invitation de l’ambassadeur. Ils sont là, nombreux, très nombreux, pour écouter la bonne parole du « Père de la Nation ». Dès l’heure convenue, à 15H, il n’y a plus de place assise. Il est 15H30, quand la délégation présidentielle fait son entrée dans la salle. Quelques applaudissements et tout le monde s’installe attentif. On observe le président, peut-être est-ce la dernière fois qu’on verra NDAYIZEYE dans ses habits présidentiels, ici en Belgique. Mais avec les temps qui courent, sait-on jamais.

C’est l’ambassadeur du Burundi en Belgique, M. Ferdinand NYABENDA, qui prend la parole le premier. Après les remerciements d’usage, à son Excellence et aux nombreux compatriotes qui se sont déplacés, l’ambassadeur présente au Chef de l’Etat les condoléances pour le décès du ministre de l’Intérieur, lui souhaite la bonne fête de Pâques et l’invite à prendre la parole.

1ère gaffe : On a oublié NYANDWI, M. le président ?

Quand le président prend la parole, tout le monde s’attend à ce que, « tout naturellement » et « selon le bon usage », le premier sujet abordé soit le décès du ministre NYANDWI, survenu mardi dernier. Les mouchoirs sont déjà prêts pour essuyer quelques larmes, les gens s’attendant à ce que le président rende un vibrant hommage à la mémoire de « son » ministre, mais que ne fut la « surprise du jour » de voir le président se lancer de suite dans un long discours, sans un mot sur le défunt NYANDWI. Ce n’est que plus tard qu’il s’en rappellera. Et de quel manière ! On n’y reviendra.

Ainsi donc, comme si de rien n’était et comme s’il n’avait pas entendu les condoléances que venait juste de lui présenter l’ambassadeur, le président NDAYIZEYE va directement se lancer dans un discours d’« autosatisfaction » sur l’évolution de la situation au pays, depuis sa dernière rencontre avec la communauté burundaise lors de sa visite en Belgique. « Je sais que vous êtes au courant de ce qui se passe via Internet, mais il est bon que nous puissions nous rencontrer directement », dira-t-il, mettant en garde l’assistance contre ce qui s’écrit sur le Net. Ainsi, selon le président NDAYIZEYE, tout va pour le mieux de monde au pays. « Aujourd’hui je peux vous dire que le Burundi est bien avancé dans le processus de paix, de réconciliation et de développement ». Et de citer les trois priorités que s’était assigné son gouvernement.

1° Ramener la paix : la sécurité est revenue sur la majeur partie du territoire. Seul les FNL n’ont pas encore rejoint le processus, mais ces derniers jours ce mouvement annonce qu’il est prêt à négocier. Nous sommes aussi prêts, dira-t-il, mais s’ils continuent à se battre, nous continuerons à les combattre. Il rappelle la promulgation des lois sur les nouvelles armée (FDN) et police (PNB) nationales du Burundi, que les ex-mouvements armés ont commencé à rejoindre. « Il n’y aura pas de retour en arrière ! »

2° Application des différents accords signés : Selon NDAYIZEYE, les accords on été respectés, « sans exclusion », clame-t-il. « Il y en a qui se plaignent, mais tout le monde ne peux être satisfait ». C’est pourquoi, il faut aller aux élections et que le peuple désigne lui-même ses dirigeants. Actuellement la Constitution est promulgué, rappelle le président, ajoutant que la Loi communale et le Code électoral se trouvaient maintenant au Sénat. C’est la CENI qui va donner le calendrier électoral et ainsi nous auront des dirigeants élus. « Ivyintwaro vy’ivyaduka tubihe kwaheri » (Ainsi nous dirons adieu aux régimes issus de putschs).

3° Le développement : Nous devons tout faire pour vaincre la pauvreté, dit M. NDAYIZEYE, et les Burundais sont de grands travailleurs, ajoute-t-il, affirmant qu’avec le peu que nous avons, nous pouvons nous en sortir. Jusque-là pas un mot sur la famine qui sévit dans le nord du pays. Nous appelons les pays riches à venir investir chez nous, lancera le président, et à nous aider à mettre en place les instituions élues et les nouvelles forces de sécurité. Nous appelons les Burundais à venir investir dans le pays, lance-t-il à l’assistance, « faites des projets et venez investir dans votre pays », enjoint-il. Nous pensons que si nous nous mettons ensemble, la « Suisse d’Afrique », nous allons la construire.

Et pour que tout cela arrive, il faut aller aux élections, dira le président, ajoutant qu’« un homme faisait du bon boulot dans ce sens et d’aider beaucoup la CENI dans ce travail ». Cet homme, c’est … le ministre de l’Intérieur Simon NYANDWI ! Ouf ! Voici que le président NDAYIZEYE se rappelle, enfin, à son devoir et d’inviter ses compatriotes à se lever pour observer « une minute de silence » en mémoire du défunt ministre. Mais…

2ème gaffe : « Une minute de silence » très … très courte !

En guise de « minute de silence » en la mémoire du ministre NYANDWI, le président NDAYIZEYE a fait observé à peine …10 secondes ! Juste le temps de se lever et de se rasseoir. Le public n'a pas apprécié et exprime sa désapprobation. Quelques brouhahas désapprobateurs montent de la salle. Quelques rires aussi. « Akabi gatwengwa nk’akeza » (On rit aussi bien du mal que du bien), dit-on au Burundi. « Sha aramusondetse » (Il lui en donne très peu), dit quelqu’un. Certains diront qu’il s’agit « d’une minute symbolique », mais tout de même. Certains n’auront pas eu le temps de se lever. Le reporter a eu à peine le temps de prendre une photo. Le temps d’un flash et c’en est fini de « la minute » de silence de NDAYIZEYE à Simon NYANDWI.

La « mise en scène » préparée par le CNDD-FDD tombe à l’eau

La délégation du CNDD-FDD de Belgique, présente sur place, n’a pas du tout apprécié, mais rata là une occasion d’exprimer son mécontentement. Car, selon une source bien informée, le CNDD-FDD de Belgique avait préparé « une mise en scène » pour signifier à NDAYIZEYE son mécontentement de voir que le président n’a pas daigner écourter sa visite dans le Benelux, qui s’est d’ailleurs officiellement terminé vendredi, pour aller présider ce lundi les cérémonies d’inhumation du ministre NYANDWI, issu du CNDD-FDD.

Selon nos renseignements, le représentant du CNDD-FDD en Belgique, sur injonction de « Bujumbura », devait interpeller publiquement le président NDAYIZEYE à ce sujet, et ensuite les membres de ce mouvement devaient se lever en bloc et quitter la salle. Mais lors de la séance des questions au président, la parole ne fut pas accordée au représentant du CNDD-FDD en Belgique, malgré sa « main levée » tout le long de la séance. La « mise en scène » minutieusement préparée par le CNDD-FDD tombant ainsi à l’eau ! L’honneur présidentiel fut sauvegardé, en apparence.

Le président NDAYIZEYE, via les services de l’ambassade, était-il au courant de la scène en préparation ? Rien ne nous permet de l’affirmer. Toujours est-il que le président donna prioritairement la parole aux dames, évitant ainsi, sans le montrer, de donner la parole à ses « détracteurs ». Ceux qui se voulaient « arroseurs » du jour furent ainsi « arrosés ».

3ème gaffe : Une délégation constituée de « Ntaco bamaze », selon le président

Après la « minute de silence », NDAYIZEYE présente les « personnalités » qui l’ont accompagné. Il présente ainsi le ministre des Finances, M. Athanase GAHUNGU, et le Procureur général de la République, M. Gérard NGENDABANKA. Pour les autres, « Ntaco bamaze, bahava babibwira bonyene hanyuma » (Ce sont des bons à rien, ils se présenteront eux-mêmes à vous par après), dira le président …Rires dans la salle. Mais l’assistance n’en croit pas ses oreilles. C’était comme si ces autres « accompagnateurs » étaient indignes des présentations présidentielles. On se demande alors pourquoi ils faisaient partie de sa délégation. Fort heureusement qu’à ce moment la « Première dame » n’était pas dans la salle, qu’elle rejoindra plus tard, car il aurait était regrettable qu’elle figure parmi ses « Ntaco bamaze » que le président n’a pas voulu présenter à l’assistance. Le président passera alors la parole au public, pour les questions et suggestions, en insistant, comme nous l’avons déjà souligné qu’on donne la parole aux … dames.

4ème gaffe : L’usine d’armement en Tanzanie ? « C’est un faux problème ! »

La première question aussi courte que la réponse reçue porte sur la date des élections. La dame qui intervient en premier demandant au président s’il pouvait donner le calendrier exact des échéances électorales à venir. La réponse de NDAYIZEYE fuse, sèche : C’est la CENI qui va donner la réponse. Une fois, au Gouvernement nous avons proposé un calendrier, mais nous nous en sommes mordu les doigts. Je ne prends plus de risques. Demandez à la CENI. Au suivant …

L’intervention suivante porta sur la licence accordée par la Région Wallonne (de Belgique) pour l’exportation vers la Tanzanie de machines pour fabriquer des munitions. La RDC a déjà exprimé son opposition à l’installation de cette usine d’armement dans la poudrière des Grands Lacs, dit l’intervenant demandant la position burundaise à ce sujet. Réponse présidentielle : « C’est un faux problème ». Cris dans la salle, les gens n’en reviennent pas. Qu’est-ce qui prend le président ? Aurait-il rencontré le lobby belge de l’armement ou est-il sous pression de la Région wallonne, elle-même divisée sur la question ?

NDAYIZEYE se lance alors dans de longues explications : le plus important c’est de savoir le but de cette usine, savoir pourquoi ces pays veulent installer cette usine, ne pas regarder la couche du dessus, creuser au plus profond pour en connaître tous les tenants et aboutissants, etc. Pour NDAYIZEYE, l’important c’est de continuer les processus de paix dans les Grands Lacs, car même s’il n’y avait pas encore une telle usine, cela n’empêche qu’il y ait déjà trop d’armes dans la région, les avions existent et assurent le transport de ses munitions. Et de finir par dire que « par principe », il était opposé à une telle usine. Ouf !

NDAYIZEYE sur la défensive dès qu’on parle …malversations

Vient alors le sujet qui va accaparer la grande partie de la rencontre. Plusieurs intervenants vont se succéder pour interpeller le président sur les pratiques et comportements des dignitaires du régime.

« Vous êtes venus chercher de l’aide, que faites-vous de cette aide ? », lui lance une dame. « Soyez humble et utilisez l’aide à bon escient », ajoute-t-elle, avant de rappeler la famine qui ronge le pays dans le nord. Le président prend note ! On prend de l’argent aux fonctionnaires, est-ce que cet argent va arriver aux sinistrés quand on a déjà vu que même la nourriture est détournée. Alors pour l’argent ?, s’exclame la dame. La salle applaudit très fort ! On y est ! Les esprits commencent à s’échauffer. Les mots commencent à être lâchés : gaspillage et détournement de fonds, abus de biens sociaux …On sent comme de l’électricité monter dans l’air.

NDAYIZEYE se gratte la tête. Il sent que les choses sérieuses commencent et que les Burundais de la diaspora risquent de le faire passer un mauvais quart d’heure ; il se met sur la défensive : Je ne reviens pas sur la question de la famine, nous avons pris des mesures d’urgence, dit-il. La cause principale en est la sécheresse, selon le président. « Il ne faut pas croire tout ce qui s’écrit sur Internet », se défend-il. Vous ne mentez pas, c’est vrai qu’il y a eu quelques détournements, concèdera-t-il, mais ceux qui ont détourné ont été attrapés. Une commission présidée par le Vice-président a été mise en place pour le suivi de l’aide aux affamés, annonce-t-il. Le président lance un appel à ses compatriotes pour qu’ils continuent à aider.

5ème gaffe : « Moi corrompu ? Corrompus vous-mêmes »

Dans tous les pays, il y a des malfaiteurs, mais lorsque ça touche tout le monde à tel point, alors il faut voir ce qui ne va pas chez la population, va dire le président, dans une longue tentative d’explication qui ne semble pas convaincre :

- Tenez, j’ai dis aux syndicalistes : « Vous dites qu’il y a corruption à tous les niveaux ? »

- Oui, ont-ils répondu ;

- Ceux que vous représentez sont alors corrompus !

Alors, poursuit-il, on ne peut pas prétendre que ce soit seulement le président et ces collaborateurs qui détournent, il faut faire de l’autocritique, et je vous y invite !

Mais l’assistance ne semble pas convaincue par les explications présidentielles. Un autre intervenant revient à la charge : « le Burundi se trouve dans un état de corruption généralisée, à tous les niveaux de l’Etat ». NDAYIZEYE répond : « le Burundi en état de corruption généralisée ? Je dis non ! ». Hués dans la salle ! Le président se sent visé et de riposter : « Si vous pensez que le président ou un ministre est corrompu, il faut le dire », lance-t-il. « Ne tournez pas autour du pot ! ». « Moi corrompu ? Corrompus vous-mêmes ! », pourrait-on résumer le point de vue présidentiel à ce sujet.

6ème gaffe : « Mon immeuble en construction ? Ndonse n’ayandi nzokwubaka n’iyindi »

On dit partout que le président « ariko arubaka ikigorofa » (est entrain de construire un grand immeuble), « Osez me le dire en face », tonne NDAYIZEYE. La salle est bouche bée ! Concernant mon immeuble que je construis, venez et je vous montrerai où j’ai pris la dette, poursuit le président, d’un ton moqueur. « Muzobaze muri InterBank » (Allez demander chez InterBank), lancera-t-il fièrement en annonçant que c’est par un « prêt » de cette banque qu’il est entrain de construire un grand immeuble à Bujumbura, juste à côté des bureaux de la présidence, ce qui fait actuellement jaser dans la capitale burundaise.

« Ndonse uwunterera nzokwubaka ikindi [kigorofa] » (Si je trouve un donateur j’en construirai un autre [immeuble]). « Je n’ai pas peur sur ce dossier », affirme-t-il devant un public médusé. A peine on parlait de la famine qui sévit au pays, voici que le président « se vante » sur ses acquisitions immobilières. Il ira jusqu’à dire qu’il y en a qui cachent leur richesse et que cela ne développe pas leur pays. Tel aura été la réponse du président NDAYIZEYE sur un étalage arrogant de telles richesses dans un pays exsangue, le troisième plus pauvre du monde.

Concernant la corruption, il ne faut pas généraliser, conseille-t-il. Si c’est généralisé, vous aussi vous êtes parmi les corrompus, répète-t-il à l’assistance. « Il y en a même qui crient alors que ce sont eux les corrompus », ajoute-t-il. « Mubonye umuntu ameze neza muca muvuga ngo yarivye, mutabanje kubaza » (Lorsque vous voyez quelqu’un dans de bonnes conditions, vous affirmez qu’il a volé sans vous renseigner).

7ème gaffe : « Si les réfugiés ne votent pas, c’est la faute au HCR »

Une autre intervention qui va marquer la journée aura été celle de Geneviève MIREREKANO, qui, après avoir rappelé au président qu’elle vient de passer « 39 ans » en exil ; va demander si les réfugiés auront le droit de participer à cet historique processus électoral. Applaudissements du public ! Voilà au moins une dame qui pense à la diaspora.

La réponse du président ne sera pas à la hauteur de l’attente. Selon M. NDAYIZEYE, ce serait à cause du HCR que les réfugiés ne votent pas. « Ce serait dangereux pour eux si le HCR l’apprenait », dira le président. Sans convaincre un public averti et qui sait que d’autres réfugiés, tel que les Afghans ou Irakiens, ont pourtant bien participé aux élections ces derniers temps. « Manque de volonté politique », nous dira plus tard un spécialiste de la question. D’autres questions vont se suivre sur plusieurs sujets. Des quotas ethniques, de l’exclusion politico-ethnique, du pourcentage des femmes, de la justice et du pardon, etc. ; NDAYIZEYE sera interpellé sur tout, laissera dire, mais dans ses réponses il balayera tous les arguments d’un revers de la main. « Je ne reviendrai pas sur Arusha, CPF ou autre G7 et G10 ». Personne n’en veut plus, dira le président.

L’assistance, qui commence à se lasser, aura droit à de longues explications sur les différents pourcentages qui seront nécessaires pour qu’un parti participe aux futures institutions : 2%, 5%, 60% pour les Hutu, 40% pour les Tutsi …les chiffres vont se succéder. On ne suit plus, on ne s’y retrouve plus. On entend Arusha, CPF, Commission vérité et réconciliation, les gens sont fatigués, lassés …désabusés. Ils en ont assez vu et entendu.

Que peuvent-ils encore espérer apprendre. Ils ont vu avec quelle désinvolture on semble traiter les questions de malversation, détournement. Ils ont osé interpeller le président, mais se sont faits taper sur les doigts. Certains, au fond de la salle, animent leur propre conversation. Il est temps d’en finir. Il est 18H45 quand le président clôture la séance et invite tout ce petit monde à continuer de discuter « autour d’un verre ».

8ème gaffe : Le champagne coule à flot à Bruxelles …au Burundi la faim fait rage !

« NDAYIZEYE sait recevoir », dira quelqu’un. En tout cas les « abavumyi » ne se sont pas ennuyés. Oh qu’il a coulé le bon champagne. Ils étaient venus par centaines ces Burundais, eh bien, c’est par dizaines (voire centaines) que les bouchons vont sauter.

Oh qu’elle est très belle cette grande table, si longue et si bien dressée, nappe blanche, des centaines de verres n’attendent que vous, cher compatriotes. Du Champagne ? Voici, s’il vous plait ! Du vin ? Du rouge ? Du blanc ? En veux-tu en voilà ! Les bouteilles se vident, à la vitesse …« grand V », par caisses entières. Ce n’est rien, on en amène d’autres.

Et ses tables avec des plats bien garnis : des petits fours, poissons et poulets grillés, saucissons, petits gâteaux, tout est là. Quel festin !

Ces « garçons » et « demoiselles » de l’Hôtel, nœud papillon au cou, s’affairent : On remplit les verres …Tenez Madame ! Merci monsieur !

Tout autour, ces chers compatriotes, un verre de champagne à la main, rigolent. On discute, très détendus. « Soma rusose ... ». C’est la « fête » ! « Tchin-tchin ! » ; « A votre santé ! ». La scène semble surréaliste, quand on pense aux propos très durs prononcés quelques minutes plus tôt. Gaspillage des fonds publics, ce ne serait pas ça ?

Tiens à propos, combien ça coûte tout ça ? Qui va payer ? Certains s’interrogent. On murmure. Il y a comme un malaise. « Ibi turiye vyogaburiye province yose » (Ce que nous sommes entrain de consommer pourrait nourrir toute une province), ose dire quelqu’un dans un petit groupe. Les autres autour de lui acquiescent : « Nivyo, uzi ibiciro mu ma hoteri nkaya, ikirahuri ngira cogura umufuko w’umuceri mu Burundi » (c’est vrai, connaissant les prix dans ce genre d’Hôtels, avec le prix d’un verre on achèterait un sac de riz), renchérit un autre.

Mais tant pis, quand le vin est tiré…glouglou ! Hé garçon, mon verre est vide ! Oui monsieur, j’arrive ! Tenez, s’il vous plait ! Et vous, vous n’avez rien ? Moi, je ne bois pas d’alcool ! Venez, il y a des carafes de jus sur la table ! Ah, merci ! Les petits débats sont animés. Tous autour du séjour présidentiel en Belgique. « Pourquoi n’a-t-il pas écourté son séjours pour aller rendre les derniers hommages au ministre NYANDWI ? », interroge quelqu’un au sein d’un petit groupe. Les autres regardent autour, gênés. La plupart des Burundais de Belgique s’attendaient à l’annulation de la rencontre quand ils ont appris le décès du ministre, nous dira quelqu’un, surexcité. « Ni ibara ! » (C’est une honte), nous confiera-t-il en aparté !

Ah, il est déjà 20H30, tiens le président n’est plus là. Si on pensait nous aussi à nous retirer ? Les gens s’en vont en petits groupes, comme ils étaient venus. Avec quelques verres en plus …dans le nez ! Après cette rencontre, bien arrosée, ils rentrent avec le sentiment d’avoir contribué, et ce malgré eux, à …creuser encore un peu plus le trou dans la caisse de l’Etat.

Ainsi va la vie. « Good bye Mister président » et bien le bonjour au pays. Et à la prochaine …avec vous ou votre successeur !

 

© ARIB.INFO – 29 Mars 2005