ET SI LES GENERAUX FDD FAISAIENT  ECHOUER LA DEMOCRATIE AU BURUNDI?

 

Par Gratien Rukindikiza

 Burundi news, le 22/12/2007

Une armée a la mission de protéger les frontières du pays et de maintenir la sécurité intérieure en cas d'extrême nécessité, en appui à la police. Les politiciens, élus du peuple, définissent la politique de la sécurité intérieure et extérieure. Ces élus nomment aux postes stratégiques de l'armée et de la police. Ils sont souvent nommés par le Président de la République. La main mise des militaires et policiers sur la politique est synonyme de dictature et de confiscation du pouvoir délégué par le peuple.

Au Burundi, la réforme de l'armée s'est déroulée d'une manière satisfaisante grâce à la clairvoyance du général Niyoyankana, actuel ministre de la défense nationale et des anciens combattants. Par ailleurs, une catégorie des officiers supérieurs a refusé d'intégrer le corps de l'armée ou de la police dans l'esprit de corps. Certains généraux, anciens FDD, se considèrent avant tout du parti CNDD-FDD plus que de leur corps, FDN ou PN. Cet esprit partisan met en danger la pays et les conséquences commencent à apparaître au grand jour.

Depuis le limogeage de Radjabu de la présidence du CNDD-FDD, les généraux FDD ont pris le dessus et  ont constitué une sorte de syndicat politico-militaire. Ce sont eux qui ont le dernier mot dans plusieurs décisions du pays. Ils sont devenus les conseillers les plus écoutés du Président de la République. S'ils étaient nommés conseillers à la Présidence, tout serait normal. Or, certains généraux sont des membres du commandement de l'armée et de la police. Un chef d'Etat major adjoint des FDN devrait passer par l'hiérarchie pour une audience à la Présidence. Il devrait en principe demander l'autorisation au chef d'Etat major général et au ministre de la défense. Il est insensé que le chef d'Etat major adjoint aille s'immiscer dans la politique du pays alors qu'il a le droit de réserve en tant que militaire. De même, au niveau de la police, les généraux FDD doivent rompre avec leur ancien parti politique afin d'être neutres comme l'exige l'Armée et la police. Ces généraux seront acceptés par le pays entier s'ils se montrent au service du pays plus que de leur ancien parti politique.

Une main mise des généraux  sur la politique

Certains exemples démontrent que l'immixtion de ces généraux est flagrante. Lors de la destitution de Radjabu de la présidence du parti CNDD-FDD, les généraux ont pris une place déterminante alors qu'ils devraient garder la neutralité. Leur intervention chez les politiciens du CNDD-FDD a permis le limogeage de Radjabu. Par ailleurs, en ce moment, des problèmes d'organisation de la police et d'insécurité faisaient rage et aussi aujourd'hui sans que les fameux généraux ne se réunissent  pour décider comment enrayer le banditisme ou l'indiscipline de la police.

Pour remplacer Radjabu à la tête du parti CNDD-FDD, ce fut le candidat des généraux qui a pris le dessus. Les civils ne pouvaient pas oser contester la décision des généraux, de peur de la suite.

Le départ d'Onésime Nduwimana de la 1ère vice-présidence de l'Assemblée Nationale a été obtenu à la suite de  l'intervention  d'un général se présentant comme l'émissaire des autres généraux. Son intervention a été déterminante et Onésime Nduwimana a obtenu en échange la direction de la Socabu.

Le Président du Sénat Gervais Rufyikiri a eu lui aussi des problèmes avec les généraux après avoir écrit une lettre au Président de la République pour lui signifier qu'il ne respectait pas la constitution. Elle n'était pas une lettre ouverte mais elle a été ouverte plus tôt que prévu car on l'a retrouvée rapidement dans la presse. Les généraux lui ont demandé de démentir et il a fait une intervention dans la presse pour dire le contraire de ce qu'il avait écrit, probablement la peur au ventre.

L'insécurité des généraux FDD

Les généraux contrôlent moins la police ou l'armée que les civils armés et les caches d'armes. On retrouve facilement des officiers, des policiers et des démobilisés qui sont commandés par des généraux en dehors du circuit normal du commandement. Ce que le commandement militaire des FAB(ancienne armée) appelait le commandement parallèle, des militaires commandés par des civils, aujourd'hui, c'est l'inverse. Ce sont des généraux qui commandent les civils ou les policiers mais dans des missions officieuses avec des civils.

Le désarmement au Burundi ne se fera jamais avec ce pouvoir tant que les armes détenues par les civils ou par des officiers mais illégalement chez eux servent à des vols à mains armées pour enrichir certains de ces généraux. Comment peut-on s'imaginer qu'un colonel ou un général ex- FDD, au bout de 3 ans de carrière dans la police ou dans l'armée construise une villa sans crédit ou dispose un compte bancaire de plus de 300 millions de francs bu, l'équivalent de 83 mois de  salaires d'un ministre. J'avais déjà écrit que le banditisme n'était pas le fruit du hasard. Il est organisé par certains généraux pour s'enrichir sans tenir compte des conséquences. Il y a eu beaucoup de morts suite à ce banditisme des généraux.

Si rien ne change, l'instabilité ne fera que s'accentuer

En l'état actuel des choses, il est inimaginable d'organiser des élections même si on ne tient pas compte du problème du FNL. L'organisation de ces milices parallèles composées de civils démobilisés et policiers anciens FDD servira à intimider, voire à commettre des assassinats contre les politiciens qui dérangent et qui risquent de prendre des voix au CNDD-FDD. Une telle piste peut mener à la longue qu'au tribunal international. Des exemples sont là et nous n'avons même pas besoin de les citer.

La communauté internationale  observe la mauvaise gouvernance qui règne au Burundi et celui qui disait qu'un nouveau Mugabe allait naître au Burundi risque d'avoir raison.

La période des élections risque de plonger le pays dans une autre violence qui n'aura ni ethnie, ni région. Elle sera ni contrôlable ni profitable à personne. Dans l'armée, les militaires savent quand ils commencent la guerre mais jamais quand il la termine.

Le paradoxe burundais est unique au monde. Des généraux qui contrôlent la politique sans contrôler l'armée ou des généraux qui commandent les civils plus qu'ils commandent les militaires ou les policiers. C'est ce que les économistes appellent l' avantage comparatif.