VERS UNE NOUVELLE GEOPOLITIQUE DANS LA REGION DES GRANDS LACS

Par Gratien Rukindikiza

Burundi news, le 25/01/2009

La région des Grands Lacs a passé plus d'une dizaine d'années dans l'instabilité ponctuée de massacres à répétition qui ont touché le Burundi, le Rwanda et le Congo. Depuis le génocide au Rwanda et l'arrivée au pouvoir du FPR, le rapport des forces a changé. Le puissant Mobutu n'était qu'une coquille vide face à l'armée rwandaise. Le Congo n'a fait que confirmer que son armée n'a jamais été à la hauteur pour défendre son territoire. Chaque fois qu'il a été attaqué par une rébellion congolaise, le Congo a fait appel, soit aux Belges, soit aux Burundais, soit aux Angolais, Zimbabwéens, etc....

Cette fragilité du Congo a laissé une porte ouverte aux différentes rébellions des pays voisins qui ont installé leurs bases arrières à l'Est du Congo. Le Kivu abrite et a abrité aussi dans le passé les rébellions burundaises, rwandaise et  ougandaise. Le Kivu a été le point de départ pour l'arrivée au pouvoir de Kabila père qui a été installé à Kinshasa par l'armée rwandaise. Après quelques années de présence à Kinshasa, les Rwandais ont été poussés à la sortie par le pouvoir de Kabila afin de s'émanciper de son tuteur. Le Rwanda est intervenu pour la deuxième fois  mais il s'est retrouvé face à une coalition de plusieurs pays soutenant le Congo. Le Rwanda a fini par sortir de ce pays.

 Une nouvelle rébellion est née au Kivu soutenue par le Rwanda après leur sortie du Congo. Certains ont rejoint le pouvoir, d'autres ont refait surface et ont fini par s'imposer dans cette région. Le général Nkunda est le fruit de ces mutations à l'Est du Congo.

Le général Nkunda, victime du changement de la géopolitique du Kivu

Le général Nkunda est un ancien officier du FPR. Il a combattu au Congo et a créé une rébellion nommée CNDP. Cette rébellion a mené une guerre au Kivu qui avait des revendications politiques et sécuritaires au Kivu par rapport aux FDLR rwandais. L'armée congolaise a souvent eu recours au FDLR pour mener une guerre contre les  troupes de Nkunda. Ce n'est un secret de Polichinelle que Nkunda avait sa base arrière au Rwanda.

Après plusieurs années de collaboration, le général Nkunda a minimisé l'action du général Ntaganda qui l'avait limogé. Il ne croyait pas que le Rwanda l'avait lâché. Aujourd'hui, le général Nkunda est fait prisonnier au Rwanda. Le général Ntaganda a déjà rejoint les troupes congolaises pour combattre les FDLR. Les troupes du Rwanda sont mieux aguerries et sont placées en tête des colonnes de combat. L'armée congolaise est en deuxième position sur le terrain.

Ces troupes rwandaises estimées à 6 000 militaires sont entrées officiellement au Congo; sauf que le chef d'Etat major congolais affirme qu'il n'est pas au courant. Drôle de pays où une armée mène une action conjointe avec une armée étrangère sans que le chef de l'Etat major des armées soit informé. Si Nkunda se retrouve en prison au Rwanda, c'est que les deux pouvoirs ont fait du donnant donnant. Le Congo a accepté de laisser le Rwanda entrer chasser les FDLR du Kivu. En contrepartie, le Rwanda élimine la rébellion de Nkunda. Cerise sur le gâteau, le Rwanda a fait prisonnier le général Nkunda dans le but de le livrer officiellement. Officieusement, le général Nkunda ne sera jamais livré au Congo car il serait impensable des Rwandais de livrer son homme au Congo. Le général Nkunda a beaucoup d'informations à livrer s'il était dans les mains des Congolais. Les Rwandais ont intérêt à le garder au Rwanda pour préserver ces secrets.

Et si les Rwandais entraient pour une durée indéterminée

Cette guerre contre les FDLR sera longue pour des raisons diverses. Le Rwanda ne pourra pas sortir sans terminer leur tâche. Il est difficile de croire que cette mission durera deux semaines. Le Rwanda change la donne dans la géopolitique dans cette région. En entrant officiellement, le Rwanda a été reconnue comme une puissance, ayant une armée capable de faire plus que l'armée congolaise. D'autres pays auraient choisi de combattre les FDLR avec leurs propres armées.

Si le Rwanda s'installe durablement au Kivu, la Monuc n'aurait plus de raison d'être au Congo. Sa mission pourrait être écourtée. L'armée rwandaise pourrait rétablir de l'ordre au Kivu pendant plusieurs années. Est-ce que le Kivu serait en ce moment contrôlé par le Rwanda ou le Congo?

Et le Burundi?

La nouvelle géopolitique des Grands Lacs met au Burundi au rang des spectateurs. Le Rwanda et le Congo échangeront sans aucun doute des ambassadeurs au moment où le Burundi n'arrive pas à améliorer ses relations avec le Congo. Malgré les différentes missions, le Congo refuse toujours l'échange des ambassadeurs. Pire, le Président Kabila a refusé une visite du Président burundais Nkurunziza en dehors des rencontres des chefs d'Etat de la Sous région.

Le Burundi n'a plus de prétexte pour entrer au Congo. Le FNL de Rwasa a signé un accord de paix avec le pouvoir. Le Congo n'abrite aucune rébellion burundaise.

Le pire des cauchemars burundais est la repli des FDLR au Burundi. Si les FDLR arrivaient à entrer au Burundi en force, la situation serait dangereuse car incontrôlable. Incontrôlable sur sa gestion et non sur le plan militaire. Il va de soi que cette entrée du Rwanda au Congo nécessite une réunion au sommet au Burundi pour analyser les contours de la question. De même,  le Burundi a intérêt à renforcer sa frontière avec le Congo afin d'empêcher les FDLR d'entrer au Burundi. Il serait facile de combattre les FDLR à la frontière qu'à l'intérieur du Burundi.