Burundi : la lanterne rouge de tous les classements !
Burundi news, le 02/02/2011
Par Victor Kwizera
Une habitude à laquelle on s’habitue difficilement. Dans de nombreux classements, qu’ils soient sur la corruption, le climat des affaires, la gouvernance, le Burundi est devenu une véritable lanterne rouge, en compagnie de quelques autres pays, qui depuis des lustres s’illustrent par leur mauvaise gouvernance, réputés pour leur régime autoritaire ou tout simplement parce qu’ils ne parviennent plus, ou le font avec beaucoup de peine, à payer les salaires de leurs fonctionnaires.
Dans le classement 2011 de « Doing Business », le Burundi, ne déroge pas aux habitudes, qui malheureusement s’installent, et ont donc tendance à s’incruster dans sa seconde nature. Il se place à la 181ème position, sur 183 pays classés, devançant seulement deux pays africains : la République Centrafricaine et le Tchad. Il précède donc l’avant dernier !
Lorsqu’on compare la position du Burundi, à d’autres pays, dans son environnement régional, celui-ci vient loin derrière la Tanzanie (128ème), après 53 positions, pays le moins bien classé par rapport aux autres de la Communauté Est Africaine. Une illustration graphique visualise ce classement, auquel la République Démocratique du Congo a été ajoutée pour deux principales raisons, à caractère pédagogique. D’abord c’est un pays voisin du Burundi, ensuite, en raison de l’enracinement des pratiques de corruption et de mauvaise gouvernance, ce pays avait toujours servi de repoussoir aux élites burundaises, comme un modèle à ne pas suivre. Depuis quelques temps, ce pays se retrouve de plus en plus devant le Burundi, tant pour l’indice de corruption que pour le climat des affaires. On ne peut d’ailleurs que lui souhaiter bonne chance, surtout que la route est encore fort longue.
Sur ce graphique, les chiffres indiquent le rang occupé dans le classement. Plus le chiffre est élevé, plus le classement est mauvais. Une comparaison est effectuée avec le classement de l’année 2010, pour voir s’il y a eu recul ou progrès. Avec son 181ème rang, le Burundi reste à la même mauvaise place, très loin derrière tous les autres pays de la Communauté Est africaine. Son statut n’a pas évolué, mais comme on dit qui n’avance pas recule.
A contrario, le Rwanda qui avait déjà fait une percée retentissante dans le classement de 2010, améliore ses performances en gagnant 12 places, et passant de la 70ème à la 58ème position. Il est suivi par le Kenya, qui se trouve à la 98ème position, après avoir reculé de 4 places. L’Ouganda vient en troisième position pour les pays de l’EAC, et avance de la 129ème à la 122ème position, et la Tanzanie recule du 125ème au 128ème rang. A voir leur classement, interchangeable, ces deux derniers pays ont des contextes proches en ce qui concerne le climat des affaires.
Quant à la RD Congo, par rapport à 2010, ce pays gagne quatre places et se trouve à six places devant le Burundi.
Le classement de « Doing Business » se base sur une dizaine d’indicateurs fortement liés à la gouvernance, à la transparence, aux performances de l’administration publique et au niveau de corruption. Ce dernier joue en effet sur la vitesse de toutes les procédures nécessaires pour commencer une affaire dans un pays donné, car dans le cas d’espèce, à chaque étape, le fonctionnaire demande du « lait », suivant l’adage attribué à nos voisins de la RD Congo, selon lequel, la chèvre broute autour du piquet où elle est attachée.
Mais entreprendre dépend aussi et surtout du climat politique, de la confiance dans le futur du pays et de la façon dont ses dirigeants respectent et font respecter les droits de propriété. C’est là que s’introduit inévitablement l‘effectivité de l’Etat de droit et le fonctionnement de la justice. Comment ce classement pouvait être différent lorsque l’ouverture d’une affaire est un véritable parcours du combattant, et que le droit de propriété peut être à tout moment remis en cause, comme le sont actuellement de nombreux titres de propriété, spoliés généralement et arbitrairement par des puissants, où plus flagrant, lorsque l’Etat lui-même remet en cause des accords dûment signés. Le cas récent du retrait des fréquences attribuées à des sociétés de téléphonie mobile, reprises, et réattribuées à d’autres, constitue l’exemple emblématique d’une versatilité qui n’est pas de nature à irradier la confiance.
Pourtant d’autres pays avancent. L’afro pessimisme s’essouffle, un élan d’optimisme se profile à travers le slogan « l’Afrique est l’avenir du monde » pour paraphraser Aragon qui disait que « la femme est l’avenir de l’homme ». Dans ce classement 2011, quelques pays africains se classent dans les 100 premiers. Parmi ceux-ci, il y a Maurice (20), l’Afrique du sud (34), le Botswana (52), le Ghana (67), la Namibie (69). Généralement, les progrès réalisés sont intrinsèquement liés au moins à une bonne gouvernance économique, et souvent à un processus de consolidation démocratique et de l’Etat de droit.
Contrairement à cette dynamique, le Burundi s’enfonce et beaucoup d’observateurs se demandent ce qui pourrait arrêter cette descente effrénée aux enfers. La démocratie qui promettait d’offrir des mécanismes de contrôle a été dévergondée. Elle a raté une de ses missions essentielles, qui est celle de sanctionner les mauvais dirigeants, en imposant une alternance plus avisée. Ainsi dégradée, elle devient du « démocratisme. », juste une coquille vide parée du costume de la démocratie. C’est ce phénomène qui a provoqué le choc des élites au lendemain des récentes élections, et qui les ont plongées dans une certaine torpeur, en attendant qu’elles en sortent, peut-être, sous l’onde de choc citoyenne, tuniso-égyptienne.