LA GUERRE QUE LE GOUVERNEMENT BURUNDAIS NE GAGNERA PAS

Par Gratien Rukindikiza

 Burundi news, le 29 juin 2006

La démocratie n’est pas seulement faite d’ élections. C’est aussi la liberté d’opinion, la liberté de  presse, l’absence des violations des droits de l’homme et aussi la bonne gouvernance. Il ne suffit pas d’arriver au pouvoir pour se dire qu’on est démocrate ou qu’on peut gouverner comme on  veut. L’exercice du pouvoir est un mandat. Le peuple demande à quelques élus d’exercer le pouvoir en son nom et de lui rendre compte. En dehors des élections, les dirigeants rendent compte de l’avancement de la mission au peuple par le biais de la presse orale (les radios) et écrite (Les journaux et internet).

Depuis un mois, le CNDD-FDD a qualifié au cours de son congrès de Bururi les journalistes d’ennemis (Abansi). Certains propos de certaines radios ont choqué les dirigeants de ce parti à tort ou à raison. Comme il est au pouvoir, il peut exercer des mesures à l’encontre des journalistes. On peut citer la séquestration des journalistes chez le député Basabose.

« La force sera utilisée contre les journalistes, je le dis et je le répète, il faut en finir avec l’anarchie ». Ce sont des propos du ministre de la communication, ancien journaliste à la RTNB, BBC et Voix d’Allemagne. Ces propos font froid au dos. La force contre les journalistes est un pas en arrière en démocratie.

Le pouvoir se trompe de combat. Cette guerre contre les journalistes  tournera en faveur de ces derniers et elle ne fera que déstabiliser le pouvoir. La confrontation entre les journalistes et le pouvoir a débuté réellement avec le problème de Basabose et le CNDD-FDD. Voulant savoir plus sur ce fameux problème de démission ou limogeage, les journalistes ont participé à la conférence de presse de Basabose tenue chez lui. En enfermant les journalistes chez Basabose, le pouvoir lui  a rendu un grand service. Une erreur politique et tactique. Les journalistes sont sortis avec une dent contre le pouvoir et ont sympathisé avec Basabose. Le pouvoir est entrain de payer cette erreur.

Le cafouillage dans les explications de ce qui s’est passé n’a pas arrangé les choses. Le porte parole du CNDD-FDD a regretté et condamné l’incident alors qu’un ministre félicitait l’officier de police qui les a enfermés.

Se tromper est humain, le pouvoir aurait dû présenter les excuses pour redorer le blason. Loin de se rapprocher des journalistes, le pouvoir ou le parti qui est au pouvoir a franchi le pas en isolant les journalistes des dirigeants. Désormais, les hautes autorités ne parlent plus aux journalistes. Ces derniers n’ont qu’à chercher leurs informations. Ce n’est pas ce qui manque.

Le bras de fer entre Alice Nzomukunda et Radjabu, respectivement vice-Présidente de la République et président du parti au pouvoir a été exploité par les journalistes sans un démenti du pouvoir. Les médias ont enfoncé le clou en dénonçant des « divisions » au sein du parti au pouvoir. Certaines radios ont pris la décision de soutenir Alice Nzomukunda contre Radjabu.

La presse d’un pays ne peut pas travailler pour le pouvoir sauf en cas de dictature. Or, la presse est libre et diversifiée au Burundi. Il est difficile de la mettre au pas. Jamais un pouvoir n’a gagné la confrontation avec la presse. Dans les pays démocratiques, elle est respectée. Quand elle commet une faute punissable par la loi, c’est la justice qui est saisie par celui qui est lésé.

Aujourd’hui, la situation ne fait que s’empirer. L’opinion publique, le peuple écoute les radios et pense que c’est la vérité. Celui qui a les moyens de communication a le peuple avec lui. Le CNDD-FDD n’a pas de radio pour démentir. Il ne peut pas sillonner toutes les collines pour clamer haut et fort qu’il a raison. La presse a un pouvoir, qu’on le veuille ou non. Celui qui veut l’ignorer sera le grand surpris.

Le parti qui est au pouvoir a intérêt à prendre contact avec la presse pour dialoguer, aplanir le différend pour cesser ce combat perdu d’avance. A quoi bon de s’enfoncer dans une situation critiquée par tout le monde ?

Utiliser la force contre les journalistes ne fera que fermer les sources de financement de la communauté internationale et le Burundi a besoin de cet argent. Au lieu d’utiliser la force, il faut manier l’arme du dialogue et de l’autocritique. On n’a jamais raison tout le temps contre tout le monde. Celui qui dit que le pouvoir a toujours raison a tort et il est dangereux pour la nation.

La presse façonne l’opinion d’un pays. Dans les pays démocratiques, la campagne électorale se fait plus à la radio et à la télévision qu’à la rue. Les meetings sont relayés par la presse. Se mettre à dos la presse est aussi se mettre à dos le peuple. Il suffit d’entendre ce que les Burundais disent ici ou là. Ils véhiculent ce que dit la presse. Ce combat est un véritable hara kiri du parti au pouvoir. Il est entrain de donner des armes pour se faire battre.

Le parti CNDD-FDD a des hommes et des femmes clairvoyants. Leur clairvoyance sera mise en cause s’ils ne constatent pas que ce combat n’est ni le leur, ni nécessaire. L’urgence est de calmer ce climat malsain et aussi de comprendre que des maquis  à la démocratie, le pas n’est pas facile.

Aucun Burundais n’a intérêt à ce que la situation se bloque à 4 ans des prochaines échéances présidentielles et législatives. Ceux qui sont au pouvoir ou ceux qui sont dans l’opposition doivent comprendre que le peuple est fatigué de leur comportement quand ils arrivent au pouvoir.