INTERPETROLE ET LA STABILITE DES PRIX DU PETROLE AU BURUNDI
Par Gratien Rukindikiza
Burundi news, le 28/12/2008
Si la politique existe, c'est que l'économique existe aussi. La politique se nourrit de l'économique, exploite maladroitement ou adroitement l'économique. Le danger provient surtout de l'exploitation de l'économique par la politique à des fins personnelles. Les économistes savent que chaque fois qu'on parle de l'économie dans les académies, on parle toujours de politique. C'est ainsi qu'il y a la politique économique et l'économie politique. Le pétrole est le moteur de l'économie. La circulation des biens et des personnes est le point névralgique de toute économie depuis les temps modernes. Or, cette circulation ne peut se concevoir sans économie en attendant le développement du solaire ou d'autres énergies renouvelables.
Quand deux vice-Présidents sont des pétroliers, la guerre du pétrole est inévitable
Le problème du pétrole au Burundi se cherche ailleurs. Or, il suffit de se rendre compte que le Président de la République a nommé deux vice-Présidents pétroliers pour savoir qu'il y a anguille sous roche. Le 1er vice-Président Yves Sahinguvu exploite des stations d'essence et a continué tout étant désigné à ses responsabilités politiques actuelles. Il en est de même avec Gabriel Ntisezerana qui contrôle des stations d'essence dont certaines appartiennent à la société ENGEN. Le 2 è vice-Président Ntisezerana est juge et partie. Il lui appartient de déterminer la politique des prix du pétrole et il est aussi pétrolier. Sa position provoque un conflit d'intérêts. La question est de savoir s'il favorise ses intérêts personnels contre les intérêts de la nation. Les événements passés démontrent qu'il a plus penché pour ses intérêts personnels. C'est lui qui a poussé le pouvoir à prendre des sanctions contre INTERPETROLE, à mettre en prison Isaac Bizimana et à lancer un mandat d'arrêt international contre Denise Sinankwa, ancien ministre, pour un dossier non seulement incomplet mais incompris, incohérent et précipité. Le dossier INTERPETROLE est un casse tête pour le pouvoir car après presque un an, le gouvernement est incapable de dire le montant exact des créances croisées entre INTERPETROLE et les impôts et douanes. L'inspection générale de l'Etat a sorti un rapport et son contraire quelques mois après. Isaac Bizimana, en prison, pour avoir autorisé le paiement de ce que l'Etat devait à INTERPETROLE n'a pas de dossier, attend plus d'un an sans être jugé. La faute à qui? A la guerre du pétrole déclenchée par le deuxième vice-Président Ntisezerana qui voulait offrir le monopole du pétrole burundais à son protégé ENGEN.
Après l'arrêt des activités d'INTERPETROLE, il s'est avéré que le pays était tombé dans un piège car les prix ne cessaient d'augmenter au delà des augmentations des cours mondiaux. Le retour de la société INTERPETROLE a fait baisser les prix, au grand mécontentement du pétrolier Ntisezerana.
Quand Ntisezerana réclamait l'augmentation des prix du pétrole au moment où les cours mondiaux baissaient
Ces derniers mois, les cours mondiaux du pétrole ont baissé. Certaines sociétés s'approvisionnent au Kenya alors que INTERPETROLE s'approvisionne dans les pays du Golfe. Sous prétexte que les cours étaient en hausse avant de rechuter, le pétrolier Ntisezerana dont la commission nationale sur le pétrole était présidée par un de ses conseillers principaux, voulait la hausse des prix à la pompe au moment où INTERPETROLE acceptait de fournir le carburant au prix fixé par l'Etat. La fronde des pétroliers proches de Ntisezerana ne s'est pas fait attendre. Ils ont arrêté de servir le carburant et exigeaient la hausse des prix à la pompe. ENGEN était en tête, le même ENGEN dont certaines de ses stations sont gérées par Ntisezerana, le deuxième vice-Président de la République. Une situation insolite!
La répercussion des prix à la pompe se fait avec un certain retard entre le moment où il y a une hausse des cours mondiaux. Or, les pétroliers gagnent quand les cours mondiaux augmentent et que l'Etat accepte l'augmentation des prix à la pompe alors que ce sont les stocks anciens achetés aux prix avant hausse qui sont encore en distribution. Cette plus value doit s'affecter à la moins value que les pétroliers pourront constater au moment où ils vendront les stocks achetés aux prix avant baisse des cours mondiaux. C'est de la simple comptabilité. Voulant gagner plus avec des prix et des marges plus élevés, les pétroliers burundais n'ont pas hésité à tenter le blocage de l'économie. Actuellement, ces pétroliers ont repris les affaires car ils ont constaté que INTERPETROLE continuait ses affaires.
ENGEN contre INTERPETROLE par le Sénat interposé
Dans la société de libre échange, c'est le moins cher qui fait les affaires. On a rarement vu des cas où celui qui vend un kilo de haricot 30 francs moins que son voisin d'étalage faire l'objet des investigations. Si INTERPETROLE vend le pétrole moins cher que les concurrents ou acceptent les baisses des prix à la pompe fixés par l'Etat, le consommateur burundais ne peut que s'en réjouir. Or, par la volonté des lobby au sein du Sénat, INTERPETROLE a eu des contrôles d'un groupe du Sénat qui s'interrogeait pourquoi cette société pouvait vendre à ces prix alors que la multinationale ENGEN n'y arrivait pas. Selon un membre de ce groupe, il avait eu des documents d'ENGEN, maison mère basée en Afrique du Sud. Tout le monde sait que la maison mère et une filiale peuvent se refacturer des services divers pour augmenter ou diminuer les bénéfices de la filiale ou de la maison mère. Nos sénateurs devraient comprendre ce jeu et aussi le jeu que mène le 2 è vice-Président dans cette guerre du pétrole au Burundi. Il suffit aussi de savoir que plus la quantité achetée à la source est grande, plus la réduction est importante.
Le Sénat n'étant pas un service de l'Etat, il aurait plutôt demandé aux services de l'Etat de produire un rapport sur le dédouanement des produits pétroliers d'INTERPETROLE. Par ailleurs, si le Sénat commence à jouer le rôle de la justice, il y a fort à parier que ça sera la fin de sa bonne considération actuelle comme étant la seule institution démocratique qui joue bien son rôle sous la présidence de Rufyikiri.
INTERPETROLE et la maison achetée par Isaac Bizimana
Le dossier INTERPETROLE a connu plusieurs rebondissements selon le bon vouloir du pouvoir. Sans retourner aux détails déjà publiés, le fond du problème réside dans les différentiels de change. En effet, la dette de l'Etat envers INTERPETROLE, en plein embargo, remonte à l'année 1996 où le dollar s'échangeait à 250 frs bu. Les accords prévoyaient que la dette serait payée en tenant compte des différences de change. En 2002, le dollar valait environs 1200 frs bu. Une facture de 8 milliards peut passer facilement du simple au triple comme pendant ces années, les intérêts cumulés des banques peuvent dépasser le capital emprunté.
L'autre dossier qui est cité dans le dossier INTERPETROLE, est celui d'une maison achetée par Isaac Bizimana au frère de Taruk Bashir, le patron d'INTERPETROLE. Dans certains milieux influencés par cette guerre du pétrole, on affirme que la maison a été cédée pour remercier Isaac Bizimana d'avoir accepté de payer INTERPETROLE. La réalité en est autre.
Le petit frère de Taruk Bashira du nom d'Anouar, avait voulu vendre sa maison pour investir au Rwanda. Il a confié la vente à son avocat. Son avocat a été contacté par Isaac Bizimana au moment où il était encore à la Présidence et avant que INTERPETROLE soit payé. La vente s'est faite avec quelques difficultés car l'acheteur n'a pas payé la totalité et a pu avoir les titres de propriété pour demander un prêt bancaire afin de financer la part restante. Or, le vendeur n'a jamais eu la totalité du prix de sa maison. La confrontation entre le vendeur et l'acheteur a permis au magistrat instructeur de se rendre compte que cette vente n'est pas un élément du dossier INTERPETROLE. En effet, les deux parties se rencontraient pour la première fois et le vendeur demandait les titres de propriété pour reprendre sa maison et rendre à l'acheteur le montant déjà versé.
Le pétrole joue un rôle capital. Celui qui peut le livrer au prix bas ne fait qu'apporter un plus à l'économie. Si INTERPETROLE y arrive tout en respectant la loi burundaise, le Burundi ne peut que s'en féliciter. Si les concurrents pensent que cette société ne respecte pas les règles communes de douanes par exemples, il appartient au pouvoir d'établir la vérité. Par ailleurs, ceux qui veulent imposer un monopole pétrolier afin d'exiger les augmentations des prix ne vont que dans le sens contraire de la relance de l'économie.