Burundi news, le 21/04/2010

 

Halte au double langage du Président NKURUNZIZA

 

Par NZIBAREGA Bernard

 

Il y a une quinzaine de jours j'avais cru bon, en tant que citoyen,  de dispenser quelques conseils aux responsables du parti CNDD-FDD sous forme d'une lettre ouverte. J'espérais être entendu. Force est de constater, hélas, que mon appel n'aura pas servi à grand chose, et je le regrette profondément.

Le conseil des sages de ce parti semble  frappé d'un autisme sévère, inquiétant. Pourquoi? Sans vouloir chercher à revenir sur des faits graves attribués, à tort ou à raison, au pouvoir en place ces derniers jours: ( obstruction absurde du ministre de l'Intérieur au noble projet PACAM, arrêt désinvolte voire enfantin des négociations avec les syndicats des enseignants, plainte du ministre BUNYONI contre le Président de l'OLUCOME, passivité partisane et partiale de la Police lors des affrontements entre jeunes de différents partis politiques, actes de violence ici ou là avec la complicité de l'administration CNDD-FDD), je suis indigné par le silence coupable d'une telle institution au sein d'un parti, présumé responsable, au pouvoir.

Dans ma lettre aux responsables du CNDD-FDD je nourrissais encore l'espoir de voir des signes forts de bonne volonté de la part des destinataires. Je viens d'en avoir pour mes frais! En effet, en écoutant les différents responsables de ce parti, en commençant par le Président NKURUNZIZA en personne, nous entendons un double langage pernicieux qui consiste à nous affirmer, à longueur de journées,  que les élections vont bien se dérouler, pendant que les mêmes dirigeants dressent (dans l'impunité la plus totale) leurs militants contre ceux d'autres partis, au grand dam de la communauté internationale qui s'en émeut.

Alors que le CNDD-FDD a eu  5 ans pour semer la confiance dans les esprits des Burundais et dans ceux de la communauté internationale, il donne aujourd'hui l'impression d'être obsédé par sa réélection coûte que coûte. Simone de Beauvoir, écrivaine française leur dirait: « La fatalité triomphe dès que l'on croit en elle »! Je leur conseille plutôt de lâcher prise, car le coup de collier de dernière minute est souvent peine perdue. « Rien ne sert de courir, il faut partir à point »!

« La méfiance est un signe de faiblesse. », a dit GANDHI, un jour. Le candidat NKURUNZIZA et son parti CNDD-FDD auraient-ils peur de perdre les élections? Puisque, apparemment, c'est le cas c'est exactement ce qui risque de leur arriver. J'en veux pour preuve les affirmations entendues de la bouche de différents responsables de ce parti à longueur de débats ou d'interview selon lesquelles les partis d'opposition n'auraient aucune chance de remporter les scrutins! Certains vont même jusqu'à leur prêter l'intention de ne pas souhaiter le déroulement des scrutins! On peut légitimement se poser la question de savoir sur quoi ils se basent pour avancer de telles affirmations!

Et si c'était plutôt leurs profonds désirs à eux, afin de se maintenir au pouvoir qui les a tant engraissés, du moins les plus haut placés! N'avons-nous pas entendu le Président NKURUNZIZA déclarer sur Radio ISANGANIRO, sans vergogne et toute honte bue, lors de son dernier échange du 17/04/2010  avec les auditeurs que « Amatora aba canke ataba nico kimwe »? J'ai failli m'étrangler d'indignation!

Le Président de la République, avec tout le respect que je dois à son statut, n'a nullement le droit de  nous imposer l'économie des élections que nous attendons avec tant d'impatience. Elles seront salutaires  à plus d'un titre!

Si son parti est affaibli, le peuple burundais n'a pas à en faire les frais. Qu'il ait plutôt le courage d'affronter loyalement ses compétiteurs après avoir PREALABLEMENT JURE, EN TANT QUE SEBARUNDI, DE VEILLER SCRUPULEUSEMENT AU DEROULEMENT PACIFIQUE DES ELECTIONS ET D'EN RESPECTER LE VERDICT comme n'importe quel(le) autre candidat(e)! Je dis cela car son silence assourdissant et complice qui a  couvert tant de crimes au cours de son mandat pourrait encore une fois se manifester pendant que des militants de son parti tenteraient de semer la pagaille (ou même pire) dans le pays, par dépit!

Sortons de scénarios catastrophe et pensons  plutôt en termes de « confrontations de  projets de société contre projets de société » qui est la seule voie royale d'accéder ou de se maintenir au pouvoir. Pourquoi cet affolement soudain dans les rangs du parti au pouvoir?

L'opinion publique ne semble plus  enclin à accorder sa confiance à l'UPRONA dont les régimes successifs ont laissé des souvenirs très douloureux dans toutes les familles, ni au  FRODEBU dont   l'incompétence et l'irresponsabilité ( suite à l'assassinat des 2 Chefs d'état issus de son rang) ne sont plus à démontrer, ni encore moins au CNDD-FDD dont le seul objectif aura  été d'institutionnaliser  la corruption, la gabegie, l'impunité, la violation des droits de l'homme et le manque de respect de ses concitoyens. De toutes manières, ce trio aura à répondre du bilan des 5 ans qu'ils viennent de passer aux affaires!

L'heure du changement semble avoir sonné. Et ce changement n'a pas l'air d'être du goût des responsables du CNDD-FDD qui ne savent plus quelle carte jouer pour entrer en compétition loyale avec les candidats du renouveau.

Si j'en juge par les informations publiées récemment par Gratien RUKINDIKIZA, leur champion ne disposerait  que de 25% des suffrages au sein du Conseil des sages en interne. S'il est devancé par deux autres candidats (avec respectivement 28% et 32% des suffrages exprimés en interne, plus 15% d'abstentionnistes), quel niveau de  démocratie veulent-ils montrer au peuple burundais et au monde? Peuvent-ils nous expliquer pourquoi nous ferions confiance à un candidat qui n'a pas la confiance de sa propre famille politique? C'est ce que les responsables du CNDD-FDD auront à nous expliquer pendant la campagne qui, pour eux, a commencé depuis belle lurette et en toute illégalité!

J'en appelle au sens des responsabilités du candidat du candidat du CNDD-FDD. Pendant 5 ans de pouvoir , au lieu de s'occuper des affaires de l'état pour lesquelles nous l'avons élu, le Président NKURUNZIZA a passé le clair de son temps à jouer au foot, s'approprier des terres pour planter des avocatiers, prier je ne sais quel dieu et voyager...... pour fuir ses responsabilités, peut-être trop lourdes pour lui. Il a oublié qu'il aurait des comptes à rendre à son peuple et aux bailleurs de fonds. La stratégie de « diviser pour régner » que son parti a pratiqué contre ses opposants ne lui aura pas réussi; pire encore il pourrait se retourner contre lui et son parti!

La tragédie de 1993 est encore fraiche dans les mémoires de Burundais. Les éléments de l'armée qui l'ont déclenchée ont compris leur erreur et ne sont pas prêts à récidiver. La fusion de l'armée, qui avait, directement ou non, cautionné le putsch sanglant avec les anciens rebelles pour former les nouvelles forces de défense et de sécurité,  a changé la donne. Et ça c'est capital!

Si d'aventure des éléments de l'ancienne rébellion s'avisaient de tenter un coup de force, les éléments de l'ancienne armée y trouveraient une bonne occasion de se racheter, notamment en protégeant les institutions démocratiquement établies, cette fois-ci.

Par ailleurs, la maturité politique des citoyens couplée à l'unité de l'opposition constituent des remparts costauds et efficaces contre toute velléité d'éventuels putschistes ou fauteurs de troubles qui sortiraient de l'ancienne rébellion.

Car parlons vrai! Seul le parti du Président sortant est suspecté, à tort ou à raison, de planifier de perturber le bon déroulement des élections et/ou d'en contester les résultats qui, selon diverses sources concordantes, pourraient lui être très défavorables.

Je me permets de déconseiller fortement les faucons du CNDD-FDD de ne pas trop chercher à jouer ni avec le feu ni avec le peuple comme ils semblent s'y ingénier depuis quelques mois déjà.

Le candidat de ce parti saura ou ne saura pas être à la hauteur des enjeux. S'il maîtrise ses troupes, nul doute qu'il aura un rôle crucial à jouer dans le maintien de la paix-fête électorale de tous les citoyens sans exclusive. Son image en sortira grandie ou ternie, tout dépendra de son attitude.

Qu'il perde ou qu'il gagne les élections présidentielles, son attitude sera la plus observée par le monde entier! Mais le double langage devrait cesser car les électrices et électeurs burundais ne sont pas dupes!