HONTE A LA JUSTICE BURUNDAISE

 Burundi news, le 29 août 2006

Par Gratien Rukindikiza

L’indépendance de la magistrature est un concept qui n’existe pas au Burundi. Les trois pouvoirs à savoir le législatif, l’exécutif et le judiciaire doivent être indépendants l’un par rapport à l’autre pour permettre aux institutions de bien fonctionner. Chaque démocratie est caractérisée par la séparation des trois pouvoirs.

Qu’en est-il au Burundi ?

Les trois pouvoirs sont contrôlés par un seul homme, plus puissant que le peuple lui-même alors qu’il ne dispose que d’un mandant de moins de 10% de la population. En effet, Radjabu, président du parti CNDD-FDD contrôle les trois pouvoirs grâce au système de répression et de renseignement à son service d’une façon officieuse.

La cour suprême du Burundi a entendu les présumés innocents le jeudi août 2006. Signalons en passant que le président de cette cour est le mari de la ministre de la justice.

Au cours de la séance, le président de la cour suprême a demandé au procureur général de la République d’exposer les accusations. Ce dernier a présenté la seule preuve à sa disposition à savoir les « aveux de Mugabarabona ». Mugabarabona a par ailleurs précisé qu’il a fait ces « aveux » par menace. Il a donné des exemples d’incohérences notamment qu’il n’avait jamais vu le colonel Ndarisigaranye, qu’il n’avait jamais été chez Kadege ou chez Ndayizeye.

 Il a dit aussi que quelqu’un lui dictait ce qu’il devait dire à la documentation en citant comme témoin Kadege lui-même. Le président de la cour suprême a demandé aux avocats de plaider et ils ont bien défendu leurs clients. Le procureur général n’avait rien à ajouter et a bien montré que son dossier était vide. Les accusés et leurs avocats ont bien compris que la liberté était la seule décision des juges. C’était sans connaître le détenteur du pouvoir El Hadj Radjabu.

Ce lundi 28 août 2006, le Burundi vient de franchir un cap. Jamais une telle décision n’avait été prise au Burundi. Même dans les dictatures, les magistrats prononçaient les sentences inspirées ou pas. Au moment où les magistrats délibéraient, Radjabu a eu un doute. Si les magistrats prononçaient la liberté alors qu’ils avaient les ordres de les maintenir en prison ! Il a été décidé que c’était le porte parole du ministère de la justice qui devait annoncer le maintien en prison des 6 innocents emprisonnés.

Les Burundais n’en reviennent pas, les magistrats non plus. La décision n’a pas été motivée. Elle a terni l’image de la justice qui a été ridiculisée. Ceux qui n’avaient pas encore compris, El Hadj Radjabu vaut plus que la justice. Demain, il vaudra plus que les Burundais si ces derniers ne défendent pas leur pouvoir.

Pour ne pas se ridiculiser, les magistrats pouvaient prononcer la relaxe et le pouvoir serait remis à sa place. Le mensonge aurait été confirmé. Les prévenus auraient pu se retourner contre ceux qui les ont maltraités. Les arroseurs seraient arrosés car Radjabu, Willy Nyamitwe, la Documentation et les ministres qui ont participé à ce montage devraient expliquer à la nation les raisons de ce montage.

Le vase est plein. Le Burundi est devenu un navire qui chavire sans pilote. Le Président est sur un autre planète. Il ne comprend pas ce qui se passe ou il laisse faire Radjabu. Dans les deux cas, il est le seul responsable qui peut, soit précipiter le pays dans le gouffre ou le sauver. Le sauver est s’affranchir de Radjabu pour prendre en mains les affaires du pays. L’histoire retiendra qu’un homme a fait un putsch sans que les Burundais ne s’en rendent compte ou ne protestent pas. Le pays des bashingantahe a un grand défi : Sauver la justice. Si la justice n’inspire plus confiance, c’est le peuple qui se rendra justice lui-même avec toutes les conséquences qui en découlent.