HUMAN RIGHTS WATCH S'EXPRIME SUR L'ASSASSINAT DU VICE PRESIDENT DE L'OLUCOME

 

Burundi news, le 16/04/2009

 

Burundi : Les autorités doivent trouver les assassins de l’activiste Ernest Manirumva

Une enquête et des poursuites judiciaires indépendantes constitueraient un pas vers le devoir de rendre des comptes

(Bujumbura, le 16 avril 2009) – Les autorités burundaises devraient garantir une enquête rapide, indépendante et approfondie sur l’assassinat le 9 avril dernier de l’activiste anti-corruption Ernest Manirumva, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Cette enquête devrait mener à des poursuites à l’encontre des individus présumés responsables de ce meurtre.

Aux premières heures de la matinée du 9 avril 2009, des agresseurs non identifiés ont attaqué le domicile de Manirumva et l’ont poignardé à mort. La police et des collègues ont dit à Human Rights Watch que des dossiers étaient éparpillés à travers la pièce, et qu’il semblait que des documents avaient été emportés de chez lui. M. Manirumva était vice-président de l’Observatoire de lutte contre la corruption et les malversations économiques (OLUCOME), une ONG burundaise. Depuis le mois de janvier, M. Manirumva, économiste reconnu, était aussi vice-président du Conseil de Régulation de l’Autorité des Marchés Publics.

« Le travail de M. Manirumva menaçait les intérêts de certains fonctionnaires et hommes d’affaires corrompus qui exploitent la société burundaise », a indiqué Georgette Gagnon , directrice de la division Afrique à Human Rights Watch. « Les individus responsables de sa mort devraient être poursuivis en justice. Ceci démontrerait clairement que le meurtre d’opposants est totalement inacceptable au Burundi. »

L’assassinat de M. Manirumva a provoqué un choc au sein de la société civile burundaise. Des voisins ont trouvé son corps juste devant sa maison jeudi dernier au petit matin, et ont alerté la police. Des témoins ont indiqué à Human Rights Watch qu’un dossier vide maculé de sang a été retrouvé sur son lit, laissant penser que les documents qui se trouvaient à l’intérieur avaient été dérobés.

Il est également possible que les agresseurs se soient introduits dans le bureau de M. Manirumva au ministère de l’Agriculture, où il travaillait comme consultant. Un collègue arrivé au ministère à 8 heures du matin le 9 avril a dit à Human Rights Watch qu’il avait trouvé la porte déverrouillée, sans toutefois pouvoir affirmer que quoi que ce soit ait été volé. Ce collègue a affirmé que pendant les quatre mois où il avait partagé son bureau, Ernest Manirumva n’avait jamais quitté ce bureau sans fermer la porte à clé durant la nuit. Deux policiers et un garde civil qui étaient chargés d’assurer la sécurité du bâtiment 24 heures sur 24 ont été interrogés par la police, mais ont affirmé que personne n’était entré dans les locaux pendant la nuit du meurtre.

M. Manirumva avait travaillé sur des sujets sensibles  tant à l’OLUCOME qu’au Conseil de Régulation de l’Autorité des Marchés Publics. L’OLUCOME avait récemment enquêté sur une affaire dans laquelle des fonctionnaires de police auraient perçu des salaires au nom d’officiers « fantômes » ou fictifs, ainsi que sur la corruption dans le secteur privé. L’attribution de contrats pour des marchés publics au Burundi souffre également d’une corruption notoire.

Le directeur de la Police nationale a nommé une commission spéciale pour enquêter sur ce meurtre, et ses membres ont rapidement commencé à interroger les voisins et collègues de M. Manirumva. Cependant, le fait que la corruption au sein de la police figurait parmi les sujets d’étude  récents de l’OLUCOME, et les affirmations des policiers chargés de la sécurité selon lesquelles ils n’auraient vu personne pénétrer dans le bureau de M. Manirumva au ministère de l’Agriculture, soulèvent des inquiétudes quant à l’indépendance d’une commission d’enquête menée par la police. De plus, un membre de l’OLUCOME a déclaré à Human Rights Watch, au sujet d’expériences antérieures avec des commissions spéciales de police : « Nous n’avons pas confiance en la police. Ils font preuve de bonnes intentions, mais au bout de quelques jours, c’est comme si la [victime] était oubliée. »

Human Rights Watch se joint à plusieurs défenseurs burundais des droits humains pour réclamer une commission d’enquête sur le meurtre qui soit conduite par un président indépendant, et qui comporte des officiers du ministère public aussi bien que des représentants de la police.

« Le meurtre d’un activiste anti-corruption critique à l’égard des exactions commises par la police exige une enquête qui ne soit pas sous le contrôle exclusif de la police », a souligné Georgette Gagnon . « Une enquête indépendante est le seul moyen d’obtenir la vérité et de garantir la justice pour ce crime horrible. »

Ce crime rappelle le meurtre en 2001 du Dr Kassy Manlan, le représentant ivoirien de l’Organisation mondiale de la santé au Burundi, qui avait été étranglé et jeté dans un lac après qu’il avait découvert le détournement de fonds de l’Union européenne destinés à des médicaments contre le paludisme. Six personnes, dont quatre policiers, avaient été inculpées en 2005, puis acquittées en appel en juillet 2008. Bien que les éléments de preuves obtenus à l’époque par le procureur aient suggéré l’implication de personnes aux plus hauts niveaux du gouvernement, aucun haut fonctionnaire burundais n’a jamais été poursuivi en justice.

« Bien trop de meurtres et autres atteintes aux droits humains au Burundi ont été dissimulés, minimisés ou traités de façon insuffisante par la police et le système judiciaire », a déclaré Georgette Gagnon . « La mort tragique d’Ernest Manirumva, que des agents de l’Etat aient été impliqués ou pas, est une conséquence directe de cette impunité. L’effet désastreux qui en résulte pour la société civile ne peut être réparé que par une enquête approfondie et impartiale. »

Historique du harcèlement de l’OLUCOME

L’OLUCOME est depuis longtemps confronté au harcèlement, tant de la part du gouvernement que d’autres parties concernées. Selon l’OLUCOME, en mai 2006, un groupe de trente hommes a fait irruption dans ses locaux et a enfermé les membres à l’intérieur, frappant l’un d’entre eux. La police a arrêté deux suspects pour les interroger, mais aucun d’eux n’a jamais été mis en accusation.

Le président de l’OLUCOME, Gabriel Rufyiri, a été à plusieurs reprises confronté à des actes de harcèlement et emprisonné. Par deux fois, en 2004 et 2005, il a été arrêté après avoir dénoncé la corruption de l’Etat et a passé plusieurs jours au cachot sans chef d’accusation, avant d’être libéré. En août 2006, Rufyiri a été arrêté par le Bureau du procureur pour imputations dommageables après avoir publié un rapport révélant des transactions entachées de corruption impliquant la Police nationale. Il a été relâché après quatre mois de prison, l’Etat n’ayant pas réussi à prouver que les informations contenues dans le rapport étaient fausses.

En août 2008, le Procureur de Bujumbura a appelé G. Rufyiri à comparaître pour l’interroger à propos d’un rapport de l’OLUCOME qui critiquait des aspects du budget public. Selon l’OLUCOME, M. Rufyiri ainsi que d’autres membres de l’Observatoire ont reçu des menaces téléphoniques à cette époque, et le bureau de M. Rufyiri faisait l’objet d’une surveillance par des véhicules du Service National du Renseignement.

En janvier 2009, un communiqué anonyme a été remis aux bureaux de l’OLUCOME et au domicile de M. Rufyiri, prévenant ses membres qu’ils risquaient l’« élimination » s’ils continuaient à enquêter sur des affaires politiquement sensibles, notamment les scandales du « Falcon » et d’ « Interpetrol », deux affaires qui impliquent des membres haut placés du gouvernement.

Pour d’autres recherches de Human Rights Watch sur le Burundi, veuillez suivre le lien :
http://www.hrw.org/fr/africa/burundi

Pour plus d’informations, veuillez contacter :

A New York , Georgette Gagnon (anglais): +1-212-216-1223

A Londres, Carolyn Norris (anglais, français): +44-20-7713-2784
A Washington, DC, Jon Elliott (anglais, français): +1-202-612-4348