L'HYPOCRISIE BUDGETAIRE BURUNDAISE

Par Gratien Rukindikiza

Burundi news, le 06/04/2010

Le budget d'un pays est le miroir du pouvoir. A travers un budget, un pouvoir détermine ses orientations, ses priorités, sa cupidité ou sa rigueur. Un Etat a un pouvoir régalien. Il peut émettre la monnaie, disposer d'une armée et d'une police et faire la justice. Ce pouvoir a un prix et a une place. Un Etat démocratique, populaire, n'oublie pas le peuple ou les autres fonctions pour favoriser ces pouvoirs.

Au Burundi, le budget est à l'image du pouvoir, tout simplement hypocrite. Nous allons détailler cette hypocrisie qui passe par le budget et aussi la dérive budgétaire liée à cette hypocrisie.

Gérer le budget en bonne poche de famille

Il fallait y penser. Un Président qui gère les budgets directement de plusieurs ministères, juste comme il veut. Le budget du ministère de la santé pour les constructions des centres de santé, le budget du ministère de la solidarité nationale pour les distributions des vivres par le Président, le budget du ministère de l'agriculture pour les plantations des arbres fruitiers. Ces budgets ont basculé le plus légalement du monde à la Présidence. Les sociétés fournisseurs appartiennent en fin de compte aux proches du Président ou à lui-même par personne interposée. Le budget revient par la grande poche présidentielle. Ces milliards de francs bu ne sont pas mieux gérés à la Présidence d'autant plus qu'aucun contrôle ne peut être exercé.

La dérivée budgétaire au service du pouvoir à travers les salaires des magistrats et autres

Tout a commencé par l'arrivée au pouvoir du CNDD-FDD. Il fallait mettre en confiance les magistrats et pouvoir embaucher des militants du parti CNDD-FDD dans la magistrature sans qu'ils se pressent de quitter pour avoir plus ailleurs. Un nouveau magistrat peut commencer à 500 000 frs alors qu'un médecin,  il y a quelques mois, était embauché à la sortie de l'école à moins de 150 000 frs.

Il ne fallait pas oublier les policiers et les militaires car les nouveaux venus du CNDD-FDD devaient avoir de bonnes conditions. Il fallait aussi que la police et l'armée soient contentes du pouvoir. Les deux corps devaient fermer les yeux devant des bavures selon le principe de ne pas parler la bouche pleine. Aujourd'hui, un homme de troupe de l'armée gagne de loin plus qu'un capitaine de 1993. Un caporal gagne plus que celui qui sort de l'université. Un fonctionnaire mieux payé sans être sous un régime spécial  payé gagnait il y a un an, 118 000 frs bu. Un colonel gagne plus de 300 000 frs et un directeur d'un service dans un ministère normal gagne moins de 100 000 frs mensuel.

Ces salaires ont explosé le budget de l'Etat. Les autres fonctionnaires réclament justice, à juste titre. Pourquoi un juriste gagnerait-il à la magistrature trois fois plus que son collègue à l'Université qui est fonctionnaire? Quand on sait que l'Etat burundais finance son budget à 55 % par des aides de la communauté internationale, on a du mal à comprendre cette attitude salariale.

L'autopromotion salariale ou le ridicule qui ne tue pas

Comble de l'ironie, ce sont les députés qui votent les lois, qui sont des représentants du peuple, qui s'octroient des cadeaux de départ. Ces mêmes députés n'ont pas fait de proposition pour sauver de la famine la population de Kirundo. Le cadeau de départ sera donné aux ministres, au Président et les vice-Présidents.

Tous les ministres payés au noir, ni vu, ni connu!

Ces derniers jours, il y a eu beaucoup  d'écrits concernant les ministres qui gagnent deux fois leurs salaires. Quelle hypocrisie, quelle mensonge! Tous les ministres gagnent trois fois ou quatre fois leurs salaires. En dehors de leurs salaires officiels de 350 000 frs, les ministres se présentent à la caisse à la fin de chaque mois à la Présidence, au cabinet du Président. Chaque ministre reçoit plus d'un million de francs bu dans une enveloppe et sans rien signer. 

Cet argent au noir est en réalité le vrai salaire. Il est prélevé sur le budget de la caisse noire de la Documentation.  Une vraie hypocrisie! Pourquoi ne pas les payer en salaires officiellement? Pour montrer que le ministre burundais est mal payé?

L'hypocrisie est aussi du cynisme dans le cas budgétaire burundais. Face à la misère du peuple, face à la pauvreté de plusieurs fonctionnaires, ces salaires aux corps nantis sonnent comme de l'irresponsabilité.