Burundi news, le 10/02/2011

 

 

Que penser du rapport Afrique n° 169 publié le 7 février 2011 par  l'ONG International Crisis Group ?

 

Libre opinion de BIRIHANYUMA Grégoire

 

Considérant que la méconnaissance et le mépris des droits de l'homme ont conduit à des actes de barbarie qui révoltent la conscience de l'humanité et que l'avènement d'un monde où les êtres humains seront libres de parler et de croire, libérés de la terreur et de la misère, a été proclamé comme la plus haute aspiration de l'homme, (Préambule de la DECLARATION UNIVERSELLE DES DROITS DE L'HOMME, alinéa 2)

 

Considérant qu'il est essentiel que les droits de l'homme soient protégés par un régime de droit pour que l'homme ne soit pas contraint, en suprême recours, à la révolte contre la tyrannie et l'oppression, (Ibid. alinéa 3)

 

Rien que par son titre, à savoir, Burundi: du boycott électoral à l'impasse politique,  le lecteur se doute que le rapport va pointer du doigt sur un ou des coupables à l'origine de l'impasse annoncée dans le titre.

 

L'honnêteté intellectuelle m'a obligé à parcourir minutieusement le document de bout en bout pour bien m'imprégner du contenu, mû en cela par la réputation de l'ONG qui n'est plus à démontrer!

 

Mais quelle ne fut pas ma surprise lorsque, au fil des pages, j'eus le désagréable  sentiment que le rapport avait un a-priori défavorable à l'ADC-IKIBIRI en général, et à la personne de RWASA Agathon en particulier! Et tout ceci avec, en toile de fond, une approbation injustifiable à peine voilée du plus gros mensonge selon lequel on connaît les  vrais résultats des élections communales du 24/05/2010.

 

Pourtant, que je sache, aucun procès-verbal d'aucun bureau de vote n'a été affiché nulle part, comme l'exige  le code électoral! Les électeurs burundais sont toujours en attente des vrais résultats du 24/05/2010, ce qui ne semble pas inquiéter outre mesure les auteurs dudit rapport. Une telle attitude est tout simplement inacceptable, scandaleuse. Elle est inimaginable dans ma seconde patrie, la France.

 

Je ne parle même pas du type d'isoloir utilisé lors du scrutin du 24/05/2010 au Burundi, qui ne garantissait nullement le secret du vote. Comme si les Burundais ne méritaient pas la même démocratie que celle dont jouissent les auteurs de ce fameux rapport!

 

Chacune de ces 2 entorses au code électoral prise isolément, et ce dans n'importe quel pays démocratique, suffit  pour frapper de nullité tout scrutin digne de ce nom, sauf au Burundi!

 

Dès lors, il est permis de se demander sur quoi ICG se base pour  parler de  « légitimité électorale renouvelée » en faveur du CNDD-FDD, à moins d'être partisane! Ce qui serait son droit le plus absolu, sauf que sa crédibilité en prendrait un sacré coup!

 

Les citoyens burundais ont les mêmes droits que les Français, les Américains et autres peuples pour exiger la transparence lorsqu'ils s'expriment par les urnes : c'est la seule exigence formulée par RWASA, NYANGOMA, SINDUHIJE et tous les autres leaders de l'ADC-IKIBIRI, au nom de leurs électeurs respectifs, que cela plaise ou non au CNDD-FDD et à ses partisans tant nationaux qu'internationaux.

 

ICG aurait-elle oublié l'article 21 (3) de la D.U.D.H. selon lequel « La volonté du peuple est le fondement de l'autorité des pouvoirs publics; cette volonté doit s'exprimer par des élections honnêtes qui doivent avoir lieu (…) au suffrage universel égal et au vote secret (….) assurant la liberté du vote. » ?

 

Plutôt que de se hâter d'attribuer à RWASA Agathon et au Parti des FNL un « banditisme politique » en les accusant d'avoir torpillé le processus électoral, ICG aurait été mieux inspirée d'exiger, comme l'ADC-IKIBIRI, la tenue de vraies élections conformes à l'article 87 de la Constitution burundaise et au standard international en la matière. Mais il n'est jamais trop tard pour bien faire!

 

Partant de tout ce qui précède, ICG aurait dû dénoncer les raisons obscures  et stratégiques du pouvoir  en place qui l'ont poussé à reporter, au dernier moment, la date du premier scrutin.

 

Par moments, la position d'ICG paraît contradictoire lorsqu'elle écrit par exemple que « En raison du boycott de l'opposition et de la victoire du CNDD-FDD aux deux scrutins précédents, le reste du cycle électoral apparaît dénué d'enjeux; » (page 6)

 

La même contradiction revient par l'affirmation selon laquelle « Loin d'être acquise au pouvoir, la communauté internationale avait avant tout pour objectif la tenue d'élections régulières, pacifiques et acceptées, dans la mesure du possible, par l'ensemble des acteurs politiques. » (p. 7), tout en oubliant que l'ADC-IKIBIRI a déclaré haut et fort qu'elle n'accepterait jamais les résultats fantaisistes fabriqués par une CENI disqualifiée, à mon humble avis.

 

Connaissant suffisamment la plupart des leaders de l'ADC-IKIBIRI, je me permets de mettre en doute l'affirmation de ICG selon laquelle ces derniers demandaient « à la fois d'obtenir l'organisation d'un nouveau scrutin et la formation d'un gouvernement de transition regroupant le CNDD-FDD et l'ADC-IKIBIRI ». (p.7)

 

Cette affirmation est totalement fausse, si j'en juge par la position des responsables du Parti FNL que je viens d'interroger et qui n'a jamais varié d'un iota!  Peut-on être stupide au point de demander au voleur de partager les biens que l'on s'est fait voler au lieu de le récupérer par la Justice ?  C'est de cette Justice que le régime NKURUNZIZA a peur, comme Ben ALI en Tunisie, Hosni MOUBARAK en Egypte et d'autres ailleurs....D'autre part, le passé a montré que le pouvoir partagé entre vainqueurs et vaincus par les urnes ne fait que faire stagner le pays. Il faut un pouvoir fort et une opposition parlementaire fort. Je suppose que ce n'est pas ICG qui me contredira.

 

C'est tellement vrai que les Burundais ne savent toujours pas ce que leur prépare le régime de facto de NKURUNZIZA. La preuve ? Le slogan « TOLERANCE ZERO » prononcé (à l'attention des bailleurs de fonds) dans une langue étrangère aux Burundais que nous sommes, a démontré à suffisance que les autorités en place à Bujumbura sont conscientes qu'elles n'ont aucun compte à nous rendre. C'est normal: nous ne disposons d'aucune preuve que nous les avons élues!

 

 Imaginez-vous le Président OBAMA prononcer son discours d'investiture en Kirundi, ou le Président SARKOZY en arabe ? Décidément, il se passe au Burundi ce qui ne se passe nulle part ailleurs. Vivement que cela change.

 

A la page 8, ICG écrit: « Lors de son discours d'investiture, le président de la République annonce qu'il fera de sa priorité « la consolidation de la paix, la sécurité et la réconciliation » et indique notamment « qu'il y aura de la place pour chacun, les vainqueurs des élections et les non-gagnants », faisant ainsi miroiter chez certains des perspectives d'intégration dans les institutions. »

 

Ici aussi, la direction du Parti FNL dément catégoriquement cette affirmation de ICG  en exigeant, plutôt, de vraies élections pour que, comme en 1993, les Burundais soient dirigés par des autorités élues dans la transparence la plus totale et à tous les niveaux.

 

Une autre contradiction apparaît dans le rapport de ICG qui affirme: « Agathon RWASA a été renversé au cours d'un congrès organisé le 1er août 2010... » tout en rappelant, plus loin que (…..) « la plupart des personnes présentes à ce congrès n'avaient pas la qualité requise pour y participer » (P.11). Tout ceci montre à ICG combien la situation burundaise est d'une complexité peu banale!

 

Par contre, je me permets de demander à ICG de traduire ce rapport en Kirundi afin de mesurer le tollé qu'il risque de susciter chez les Burundais, majoritairement frustrés d'avoir été trahis par la communauté internationale le 24/05/2010, avec la complicité complaisante des leaders religieux (toutes confessions confondues) qui ont avalé leurs langues, alors que les conséquences actuelles de leur mutisme étaient prévisibles. On sent, d'ailleurs que les militants de la défense des droits de l'homme s'en mordent les doigts aujourd'hui. Oui, il n'est jamais trop tard pour bien faire. Quant à nous Burundais, nous connaissons qui sont nos vrais amis aujourd'hui.

 

ICG devra un jour expliquer au peuple burundais cette affirmation  grave écrite à la légère: « En raison de son boycott, l'opposition s'est placée en dehors du système de pouvoir partagé qui caractérise les institutions burundaises, et l'ADC est  désormais une opposition extraparlementaire (quel crime!) qui adopte une position ambiguë, en jouant à la fois l'ouverture au dialogue avec le pouvoir tout en soutenant des groupes aux prétentions guerrières. » (p.14)

 

Et pour rappeler combien ICG soutient, à tort, le régime NKURUNZIZA, elle déclare: « Aujourd'hui, la légitimité du nouveau pouvoir en place n'étant plus en jeu, le CNDD-FDD n'a plus de raison de différer l'ouverture d'un dialogue politique. » (p. 14)

 

Pourtant Dieu seul sait qui, du pouvoir ou de l'ADC, a des prétentions guerrières. Qui a déclaré la guerre ? L'auteur et/ou complice des fraudes électorales ou le contestataire des résultats pré-fabriqués ? A ICG de répondre en toute objectivité avant de donner des leçons !

 

Pour enfoncer le clou, ICG abonde dans le sens du pouvoir en place qui fuit le vrai débat en se réfugiant au « forum permanent des partis politiques ». Elle affirme: «  (…) Ce dialogue devrait s'organiser dans un cadre déjà existant et se traduirait par un code de bonne conduite conçu autour d'un agenda précis. Ce cadre serait le forum permanent des partis politiques, mais reconfiguré. » (p.15)

 

En partant d'un faux postulat (légitimité non prouvée), ICG aboutit forcément à des conclusions erronées, en désignant qui est au pouvoir , et qui est dans l'opposition ! 

 

Pour voler encore davantage au secours du régime NKURUNZIZA qui s'acharne à faire disparaître RWASA et tout ce qui rappelle la popularité dont cette figure emblématique jouit au sein de la population burundaise, ICG lui prodigue des conseils, tout en admonestant, sur un ton  paternaliste et inadmissible, les leaders de l'ADC-IKIBIRI: « La nomination d'Agathon RWASA à un poste équivalent à celui qu'il occupait durant la précédente législature (directeur de l'INSS) devrait aussi être envisagée. » (p.16)

 

A la même page, le rapport préconise les bons offices de médiateurs entre le pouvoir usurpé et l'opposition extraparlementaire.

 

« A cet égard, dit-il, la conférence oecuménique pourrait proposer ses bons offices dans la mesure où les leaders religieux ont déjà assumé ce rôle par le passé. » (p.16). Mais tout de suite après, le ton se fait menaçant: «  Ce faisant, il serait inacceptable que la rébellion cherche à imposer par la force ce qu'elle n'a pu obtenir par les urnes. Il est hors de question d'exiger de nouvelles élections, le scrutin ayant été boycotté par ces mêmes partis alors qu'il s'est globalement déroulé de manière régulière et a été validé par les missions locales et internationales d'observation. » (p.16)

 

Quelques remarques s'imposent après une telle déclaration aussi péremptoire qu'un ukase:

 

1.   Nous avons  assisté, éberlués,  au tripatouillage des résultats du 24/05/2010 avec la complicité  des  CEPI majoritairement religieux: donc le peuple ne fait plus confiance au monde religieux;

2.   Et si c'était NKURUNZIZA plutôt qui imposait par la force ce qu'il n'a pu obtenir par les urnes, comme l'UPRONA de BUYOYA le 21/10/1993 ?

3.  L'ADC ne vous autorise pas à la culpabiliser d'avoir boycotté des scrutins dont les résultats ont été établis par un certain NDAYICARIYE Pierre-Claver!

4. Seul le peuple burundais est juge pour savoir si le scrutin s'est bien déroulé ou non, pas les missions locales ou internationales d'observation dont la complaisance  crève les yeux. Le peuple se réservant le droit de le démontrer à la face du monde un jour, et peut-être, dans un avenir pas très lointain!

5.  Il est hors de question, pour les Burundais démocrates, de faire l'économie de vraies élections transparentes pour élire ses gouvernants dans lesquels ils ont confiance. Et le peuple burundais voit mal pourquoi Monsieur RWASA Agathon irait quémander un poste à un quelconque responsable du pouvoir illégitime en place actuellement.

                                                                                                                          

Tous les malheurs qui s'abattent actuellement sur le peuple burundais découlent des silences coupables consécutifs aux résultats frauduleux des élections communales du 24/05/2010. Sinon ICG est priée de prouver le contraire.

 

Et si ICG veut vraiment aider le peuple burundais, elle doit montrer une autre image de celle qu'elle vient de révéler à travers ce rapport dans lequel elle s'acharne sur l'ADC-IKIBIRI et sur le Président du Parti des FNL autant qu'elle défend l'indéfendable, à savoir la prétendue légitimité du régime NKURUNZIZA? MAIS SANS EN APPORTER LA MOINDRE PREUVE.

 

Avant de conclure ma modeste contribution au débat avec ICG, qu'il me soit permis de rappeler la définition du « rebelle ». Selon « Le Petit Robert », ce mot se définit comme « Qui ne reconnaît pas l'autorité du gouvernement légitime et se révolte contre lui ». Tant que le régime n'a pas prouvé sa légitimité de manière irréfutable -ce qu'il est incapable de faire – ICG ferait mieux de ne pas lui décerner une légitimité quelconque, sous peine de se mettre à dos les démocrates burundais. Mais je crains que ça ne soit déjà fait!

 

Mes recommandations s'adressent à quiconque peut encore raisonner les autorités autoproclamées de Bujumbura pour leur rappeler ceci:

 

1.   Acceptez de vous soumettre à la vérité du verdict populaire du 24/05/2010. S'il s'avère que vous êtes effectivement les vainqueurs, personne n'aura plus rien à redire. Si ce n'est pas vous, « rendez à César ce qui est à César »! Et ce dans les plus brefs délais.

2.  Si vous voulez encore garder le capital-sympathie dont vous jouissiez en 2005, ayez l'humilité de demander pardon pour tous les maux que certains de vos membres ont infligés au peuple burundais;

3.  Seule la VERITE vous libérera et soulagera vos consciences;

4. Dans le régime démocratique pour lequel vous vous étiez engagés avant d'en dévier, vous avez votre place aussi. Le verdict des urnes est seul juge.

5.  Votre régime pseudo-démocratique est unijambiste: pour avancer il faut 2 jambes, et vous n'avez pas d'opposition parlementaire. Donc rien n'avance!

6. Si vous vous entêtez, vous risquez de subir le même sort que Ben-Ali, Hosni MOUBARAK et d'autres à venir.......C'est ça que vous voulez ?

7.  Plus vous vous accrochez au mensonge, plus vous prolongez la souffrance du peuple qui ne vous le pardonnera pas .

 

A l'ONG  ICG, je recommande la traduction du rapport en Kirundi et en profite pour demander les avis de Mesdames  Simone VEIL et Christine OCKRENT, et de Messieurs Jacques DELORS et Michel ROCARD, mes illustres compatriotes et Conseillers de ICG.

 

Au peuple burundais, je recommande de rester toujours vigilant pour sauvegarder, par des moyens pacifiques, les acquis de la démocratie à laquelle nous avons goûté entre le 01/06/1993 et le 20/10/1993.

 

Mais si le régime NKURUNZIZA s'obstine à poursuivre la guerre contre les démocrates, ceux-ci n'ont d'autre choix que d' organiser une résistance populaire sur le modèle de ce qui s'est passé en Tunisie, continue  en Egypte actuellement et risque de  toucher d'autres peuples assoiffés de justice comme nous. L'entêtement à refuser le dialogue pour se dire LA VERITE débouche inéluctablement sur des affrontements dont les Burundais n'ont que trop longtemps fait les frais.

 

Aux membres des Forces de défense et de sécurité, la recommandation qui s'impose est  de leur rappeler qu'ils sont solidaires avec leur peuple, et que seul un régime démocratique leur permet , eux aussi, de vivre en paix.

 

Merci de m'avoir accordé votre aimable attention.