QUEL JEU DU PRESIDENT NKURUNZIZA?

Burundi news, le 21/04/2014

Par Gratien Rukindikiza

Les élections de 2015 suscitent beaucoup d'inquiétudes. Il y a plusieurs façons de préparer les élections. Comme dirait l'autre, dis-moi comment tu prépares les élections, je te dirai qui tu es. Le pouvoir burundais prépare les élections à la Mugabe. Le Président Nkurunziza a choisi la force à la place des urnes. Le système se met en place, les armes sont distribuées, les renforts viennent du Congo etc....

Le jeu est trouble de Nkurunziza. Est-il conscient de ses responsabilités?

La Documentation continue d'armer la milice Imbonerakure

Après la sortie du fameux rapport secret des Nations Unies sur l'armement de la milice imbonerakure, les Burundais pensaient que la distribution des armes serait arrêtée. Pas plus tard que dans la nuit du samedi, dix véhicules de la Documentation (Services de renseignement) ont distribué des armes à la 5 è avenue de Gihanga. Trois personnes se présentaient chaque fois pour recevoir ces armes, pour ne pas éveiller les soupçons. Deux véhicules ont pu être identifiés de marque Carina avec des immatriculations CA9697 et CA0756.

Si le pouvoir continue à distribuer les armes coûte que coûte, c'est qu'il a un vrai plan de violence. Il pourrait déclencher des tueries à grande échelle; voire un génocide après avoir lancé une fausse rébellion qui tuerait un ou deux hauts responsables du CNDD-FDD. Le pouvoir pourrait sacrifier un général et un haut cadre du parti CNDD-FDD pour lancer le génocide sous forme de la colère. Exactement le scénario du Rwanda. Les miliciens seraient prêts pour commencer le sale boulot. Ils seraient épaulés par les anciens interahamwe rwandais qui ont eu des facilités pour entrer au Burundi. Certains disposent déjà des cartes d'identité burundaise.

FDLR et CNDD-FDD, quelle mission commune?

La géopolitique de la Sous région a beaucoup changé avec le discours du Président Kikwete à l'Union africaine quand il a invité le Président Kagame à négocier avec les FDLR et le Président Museveni à négocier avec sa rébellion. Ce discours a déclenché une crise dans la sous région. L'East Africa est entrée dans une phase critique. Chacun a choisi son camp. Le Kenya, l'Ouganda et le Rwanda ont fait une alliance qui avance sur plusieurs projets. Le Burundi a été invité à rejoindre cette alliance et il a choisi la Tanzanie. Dans l'esprit de cette géopolitique, la Tanzanie a envoyé une force pour combattre le M23, mouvement congolais ayant des liens avec le pouvoir de Kigali.

Au Congo, cette force d'intervention des Nations unies composée des Tanzaniens, Sud africains et malawites a la mission de combattre toutes les rébellions à l'Est du Congo. Signalons que les deux premiers pays ont des problèmes diplomatiques avec le Rwanda. Cette force a combattu avec tous ses moyens le M23 et l'ADF. Ces deux rébellions ont été défaites. C'était le tour des FDLR. Certains estiment que ce mouvement a des liens avec la Tanzanie et la RDC. Cette force était dans l'embarras pour les combattre. Que faire? Une désinformation a été lancée portant sur son acceptation de déposer les armes. Personne n'a vu ces armes déposées. Il fallait aussi quitter les zones d'occupation en RDC.

Les FDLR devaient alors quitter la partie congolaise en gardant intact son armement et ses troupes. Les pays d'accueil n'étaient pas nombreux. A exclure le Rwanda, l'Ouganda. La Tanzanie est trop loin du Kivu et aussi une attaque à partir de la frontière tanzanienne dans l'Akagera est loin des bases de recrutement en RDC. Il avait été question aussi de la RCA (Centrafrique). Voilà le Rwanda qui offre un geste de bonne volonté à la France d'envoyer un bataillon à Bangui. Ce geste a étonné. Comment les Rwandais peuvent-ils  intervenir dans une zone où les intérêts français sont menacés? Certains pensent que le Rwanda a plutôt voulu devancer les FDLR  qui pouvaient se rabattre sur ce pays en décomposition. En étant à Bangui, les Rwandais peuvent contrôler les mouvements d'éventuelles infiltrations des FDLR ou des jonctions avec les anti- balaka en Centrafrique.

Le pays qui offre une bonne opportunité est le Burundi. Il y a déjà des entrainements au Congo. Le territoire burundais pourrait offrir un passage aux FDLR vers le Rwanda après un génocide au Burundi. Les FDLR seraient d'un grand renfort pour les imbonerakure car la stratégie d'affrontement avec les ex -FAB en cas de génocide est en réflexion. Les FDLR trouveraient aussi un repli pour permettre aux Tanzaniens de ne pas se battre contre ces rebelles rwandais en RDC.

Qui entretient les imbonerakure en entrainement au Congo?

 Burundi News est en mesure de livrer des informations bien vérifiées sur la logistique de plus de 250 miliciens imbonerakure basés au Congo qui se préparent à un génocide au Burundi.

Ces miliciens sont payés 100 $ par mois sur les fonds de la Documentation. Ils ont les tenues militaires que portaient les anciens FAB fabriquées par le Cotebu. Rappelons que l'Armée actuelle porte des tenues militaires confectionnées en Chine.

En date du 4 février 2014, le major Shingiro, G2 (chef de renseignement et ex FDD) de la 1 ère région militaire, a signé une décharge à la brigade de la logistique de la base des FDN de 250 tenues de combat, anciennes tenues de la FDN(modèle 1) pour le compte de la 1 ère région militaire. Or, ces tenues ne sont plus portées par l'Armée. En plus, officieusement, c'est le commandant de la 1 ère région militaire qui commande aussi les 250 miliciens imbonerakure basés au Congo RDC. Ces tenues ont franchi la frontière pour équiper les 250 miliciens.

Le ravitaillement de ces 250 miliciens est assuré par le camp Muha, commandé par un ex FDD. C'est ce camp qui envoie en RDC du riz, du haricot et de la viande. C'est un véhicule de type un pic up qui est souvent utilisé pour ces ravitaillement. Comme il faut chouchouter ces miliciens, le camp Muha a envoyé deux bœufs pour fêter le nouvel an. Pourtant, l'armée n' a pas eu la même chose. Quelle est la vraie armée alors?

Est-ce que le ministre de la Défense, le général Gaciyubwenge est au courant? La réponse est oui. Que fait-il? Il ferme les yeux. Je parie que le général Niyoyankana n'aurait pas gardé le silence.

Le Président Nkurunziza rencontre les responsables des imbonerakure

Nous voici devant un cas d'école. Le Président de la République qui rencontre la milice qui se prépare à commettre un génocide. Après tout, c'est lui qui les arme car c'est la Présidence qui les arme à travers le SNR (Documentation) qui dépend de la Présidence.

Qu'est-ce qu'il a dit aux imbonerakure? En tout cas, pas une demande de désarmer car même le lendemain, des armes étaient distribuées à Gihanga. Le message pourrait être de garder la vigilance, d'être discrets pour arriver au jour J dans la grande surprise.

Un Président de la République, qui doit être le pacificateur, le garant de l'unité nationale, qui rencontre les responsables de ces milices, démontre bien qu'il n'a pas compris sa mission. Soit, il est responsable du pays; soit il est responsable de la milice imbonerakure. Imbonerakure dépend du parti CNDD-FDD qui est au pouvoir. Au lieu de les rencontrer, il pouvait demander aux responsables de sécurité de faire des enquêtes et de les arrêter. Quel honneur aux miliciens imbonerakure? Etre reçus par le Président! Y-a-t-il un autre signe d'encouragement au delà du geste?

Il rencontre aussi les officiers supérieurs de la police et armée, des ex FDD, la totale!

Le Président de la République est le commandant suprême des forces armées. Par principe, il ne peut faire de la discrimination au sein de l'armée et de la police. Du jamais vu au Burundi, le Président invite des officiers supérieurs ex- FDD à une réunion à huis clos. En d'autres mots, le Président Nkurunziza rencontre les forces armées hutues. Il faut appeler un chat un chat.  Même le ministre de la Défense n'est pas invité. Il ne faut pas qu'il soit au courant de ce qui se trame. Cela ne gêne pas! Que dirait-il si un politicien rencontrait les ex-FAB seulement?

Après avoir rencontré imbonerakure, le Président rencontre les ex- FDD de l'armée, de la police et aussi des démobilisés. Voilà l'axe du mal alors constitué. Est-il en train de former une autre armée en dehors de cette armée recomposée à partir des ex FAB et ex-FDD? Le Président Nkurunziza vient d'envoyer un message clair et net, il se trame quelque chose de très dangereux pour le pays. Il le fait au vu de tout le monde. Les militaires ex-FAB s'inquiètent. Le ministre Gaciyubwenge ne fait rien pour les rassurer. Qu'est-ce qu'il attend pour démissionner? La honte ou tout simplement un génocide commis devant ses yeux s'il n'est pas emporté le premier.

Cette rencontre a scellé la division au sein de l'armée et de la police. Désormais, il y a ceux qui diront qu'ils peuvent rencontrer le Président sans que leur hiérarchie soit informée. Or, jamais dans l'armée, un subalterne ne pouvait se présenter dans une réunion sans que son chef direct ne soit au courant. La participation du chef direct est toujours une obligation. Or, il suffit de se mettre dans la peau de celui qui commande une région militaire dont son officier est appelé à participer dans une réunion avec le Président alors que le commandant de la région n'a même pas le droit de savoir ce qui se dit. On ne pouvait pas faire mieux pour casser l'armée.

Les preuves

Lors de la conférence de presse des trois ministres de la Défense, de la justice et de la sécurité publique, le ministre de la Défense nationale s'est hasardé en avançant sur un terrain inconnu. Avait-il reçu un texte à réciter qu'il lisait? Le ridicule ne tue pas. Il a apporté deux critiques sur le rapport des Nations Unies. L'officier visé par le rapport natif de Bururi ne pourrait pas organiser des réunions de déstabilisation dans sa province. Le ministre de la Défense a la mémoire courte. Qui est le mieux indiqué pour mobiliser chez lui que ce soit en négatif ou en positif? Le ministre nous dit que le général de brigade Nduwumunsi ne pouvait pas organiser une telle rencontre dans son hôtel. Bien sûr que oui car il n'aurait pas d'autres intermédiaires pour plus de confidentialité. Nos confrères Iwacu ont apporté les témoignages.

Il est incompréhensible que trois ministres se présentent pour démentir une information et reconnaître en même temps ne pas avoir fait des investigations. Ces mêmes ministres refusent une commission d'enquête internationale. Voilà une preuve que les faits sont là.

Au Rwanda, le pouvoir a armé la milice Interahamwe. Aujourd'hui, tous ceux qui ont participé à la préparation de cette milice sont traqués, d'autres en prison. Ils ont perdu tout au Rwanda. Au Burundi, le même scénario peut se répéter. Le qui fait quoi ne posera pas de problème.

Que ce soit les politiciens du CNDD-FDD et  les responsables de la sécurité au Burundi, y compris le ministre de la Défense Nationale, ils ne pourront pas dire qu'ils n'étaient pas au courant. La justice internationale pourrait sévir et personne ne serait à l'abri.