L'INFLATION QUI VA SOULEVER LES BURUNDAIS

Burundi news, le 18/07/2011

Par Gratien Rukindikiza

L'économie burundaise vit au rythme de la politique burundaise. Cette dernière est souffrante, voire moribonde, l'économie est elle aussi à l'agonie. La paupérisation du peuple est inquiétante, sauf qu'elle ne soulève pas des interrogations des nantis du pouvoir. Ces nantis vivent de la corruption, de la contrebande et des détournements pour échapper à ce fléau de la pauvreté.

Ce n'est pas la guerre des années 2000 à 2005 qui est la cause de la misère. 6 ans après, c'est cette fin de guerre qui aurait été le moteur du développement, de l'enrichissement du peuple à travers la reconstruction. La fin de guerre est synonyme de projets économiques, des affaires. Or, au Burundi, l'argent de la reconstruction a construit les villas des anciens maquisards et leurs courtisans. La misère a augmenté.

La pauvreté des Burundais a plusieurs causes : L'inflation, la sous production agricole, l'absence d'une politique de développement et la faiblesse du secteur privé. Nous ne traiterons que l'inflation dans notre article.

Les causes de l'inflation

Les économistes évoquent trois sortes d'inflation : L'inflation importée, l'inflation par la demande et l'inflation intérieure par les coûts de production.

L'inflation importée qui est souvent évoquée au Burundi n'en est pas une. Ces dernières années, à part l'essence qui a peu augmenté, les autres produits ont vu ses prix baisser. Les vêtements, les chaussures, les ordinateurs etc... sont parmi les produits occidentaux dont les prix ont baissé grâce à la mondialisation et l'entrée de la Chine sur le marché mondial. Les Burundais s'approvisionnent en Chine directement; donc là où les prix sont moins chers qu'en Europe.

Les coûts de transport n'ont pas augmenté pour autant. Le billet d'avion n'a pas augmenté ces dernières années depuis la fin de l'embargo. Certaines compagnies proposent des prix inférieurs à 1 000 € pour Bujumbura-Bruxelles ou Paris. Les prix cargo ou du transport maritime n'ont pas doublé comme d'autres prix des produits importés. Qu'est- ce qui peut expliquer cette idée d'inflation importée? Le marché burundais fonctionne comme dans un système monopolistique. Les importateurs s'entendent sur des prix planchers de vente. En clair, ils s'interdisent la concurrence. Or, ces prix s'entendent avec des marges très élevées.

Un autre facteur explique cette idée. Les douaniers sont corrompus et pour faire passer la marchandise, il faut payer. C'est finalement le consommateur final qui paie la corruption du douanier.

Inflation par la demande

Nous sommes en face d'un peuple pauvre, qui a un pouvoir d'achat faible. La loi de l'offre et de la demande se retrouve dans son exception. Les demandeurs consentent à acheter à un prix élevé et l'offreur vend au prix élevé. On préfère fournir celui qui peut payer plus en dégageant une bonne marge plutôt que de vendre à un maximum de clients avec une petite marge. Personne ne peut nier l'effet de la loi de l'offre et de la demande. La production agricole est faible, l'industrie est inexistante. Par ailleurs, la demande est aussi faible.

La masse monétaire burundaise n'a pas suivi la production. Elle a augmenté plus vite que la production des biens et services. Si l'Etat crée de la monnaie pour financer ses déficits, c'est une partie de la monnaie qui ne finance pas l'économie et qui vient aussi amplifier cette inflation.

Inflation par les coûts

En raison de l'inexistence d'industrie, cette inflation ne se conçoit pas au Burundi. A moins que la Brarudi augmente son coût de revient de la bière.

Il faut un revenu de 2 millions de francs bu  par ménage pour vivre comme un fonctionnaire moyen de 1992

Selon les chiffres publiés par la FAO, le prix moyen du riz est passé de 150 frs bu en 1996 à 950 frs bu en 2008. Pour les haricots, le prix moyen par kilo est passé de 100 frs à 800 frs bu pour la même période. Le manioc est passé de 120 frs bu à 800 frs bu. En moyenne, les prix des produits agricoles ont augmenté de 6 fois en 12 ans.

Le salaire du fonctionnaire n'a pas augmenté de 50%, si on ne parle pas des magistrats, policiers, militaires, enseignants et ministres. Pardon, j'allais oublier le Président qui a eu une augmentation record comme les magistrats.

Une famille qui gagnait 100 000 frs en 1993 ne peut maintenir le même standing de vie qu'avec un revenu mensuel de 2 millions de francs bu. Le loyer a augmenté considérablement, la bouteille de bière, le ticket de bus. Or, jamais l'Etat burundais ne pourra payer ses fonctionnaires un million de francs, à moins de payer en monnaie de singe. Le Président zimbabwéen paie ses fonctionnaires en milliards de dollars zimbabwéens mais ils achètent avec des millions de dollars zimbabwéens un kilo de riz. Ce n'est pas ce que veulent les Burundais.

L'inflation burundaise poussera le peuple à la révolte. L'arrogance des nantis du pouvoir est une des causes de cette révolte. Ces nantis veulent doubler, voire tripler le prix de l'électricité et de l'eau. Cependant, ils ne paient pas l'eau et l'électricité. C'est le Trésor public; donc le contribuable qui paie les factures de l'eau et de l'électricité de ceux qui affirment que le prix est trop bas. Si le prix est trop bas, pourquoi les ministres, les présidents des chambres du parlement, les militaires etc... ne paient-ils pas leurs factures de l'électricité?

Si des mesures ne sont pas prises pour renverser la tendance, cette inflation va déclencher une révolte. Un peuple n'accepte jamais de  mourir de faim si les dirigeants manifestent une telle arrogance et continuent à la priver du minimum de moyens pour vivre à travers le pouvoir d'achat et le niveau des prix.

La valeur de la monnaie burundaise, un malade au coma

Les spécialistes de la monnaie pourraient s'étonner sur la valeur de change de la monnaie burundaise. Cette monnaie se maintient malgré l'inflation record et la sous production. Il convient de se demander ce que représente cette monnaie qui n'est ni défendue par la production, ni par une politique monétaire adaptée à la situation.

La monnaie burundaise varie en fonction des variations du dollar américain et devient comme un malade mis au coma qui dépend des équipements branchés pour le maintenir en vie.

La dévaluation est un terme qui n'existe plus actuellement. Les Américains pressent les Chinois à réévaluer le yuan alors que dans les années 80, les institutions de Bretton wood poussaient les pays à dévaluer leurs monnaies. Nous sommes dans la mondialisation. Les dévaluations sont considérées comme des dumpings et chacun veut vendre plus. Peu de pays choisissent actuellement la dévaluation.

Si le Burundi dévaluait aujourd'hui sa monnaie, les prix pourraient doubler du jour au lendemain et le pouvoir n'en profiterait pas parce qu'il n' y a plus de devises à la banque centrale pour tirer profit de l'effet mécanique de la dévaluation sur les devises détenues.

Les Burundais pouvaient acheter une bouteille de bière avec moins de 100 frs bu en 1992. Aujourd'hui, le prix de la bouteille de bière est environ de 1 400 frs. 10 frs d'aujourd'hui valent en réalité 1 frs de 1992. La bière burundaise est l'indicateur de cette inflation. Si le prix de la bière augmente, beaucoup d' autres produits augmentent aussi par effet d'entrainement.