SOURCE : ARIB
Les dessous de l’« Affaire Interpetrol » suite :
Interbank Burundi : Un Etat dans l’Etat ?
Pourquoi l’IBB et son ADG bénéficient-ils d’un traitement de faveur de la part des pouvoir publics ? Seraient-ils au dessus de la Loi ?
Depuis quelques temps, l’ARIB.INFO vous propose une série d’articles résultant de nos investigations sur place autour d’affaires politico-financières qui secouent actuellement le Burundi.
Depuis l’emballement médiatique autour de l’« Affaire Interpetrol », nous avons voulu savoir ce qui se tramait exactement derrière les rideaux, loin des micros et caméras, dans les coulisses. C’est ainsi que nous avons envoyés nos investigateurs sur place pour creuser plus profondément dans ce dossier. Ils ont mis à jour plusieurs ramifications à cette affaire et qui étaient jusqu’ici inconnues du public et que nous appelons : « Les dessous de l’Affaire interpetrol ».
Pour rappel, depuis la divulgation de cette affaire au grand public, un seul nom avait retenu l’attention des médias : celui de Mme Denise SINANKWA, ministre des Finances à l’époque des faits, qui avait ordonné le décaissement en faveur de la société Interpetrol. Elle fut aussi accusée d’avoir procédé à la fermeture de comptes spéciaux à cet effet.
A partir de nos investigations, nous avons pu éclairer le public sur l’implication d’autres personnalités publiques et privées, et qui n’étaient pas encore inquiétées. Nous avons aussi montré que la fermeture des comptes dits spéciaux n'avait rien de répréhensible, mais rentrait dans le cadre d'une politique enclenchée depuis 2006 par le Gouvernement burundais sur recommandation du FMI et de la Banque Mondiale.
Nous avons été les premiers à parler de l’implication dans l'affaire du Gouverneur de la BRB, Isaac BIZIMANA, et les événements qui ont suivi ont prouvé à suffisance que nous étions sur la bonne piste.
Un autre nom, et pas des moindres, est souvent revenu lors de nos investigations : celui du 2ème Vice-président de la République, M. Gabriel NTISEZERANA. Dans une livraison antérieure, nous avons déjà eu l’occasion de nous pencher en détails sur les agissements plus que troublants de la troisième personnalité de l’Exécutif burundais : Le non-dit sur l’« Affaire Interpetrol » suite : Le cas Gabriel NTISEZERANA (CLIQUEZ ICI).
Depuis, nos recherches se sont poursuivies sur cette personnalité troublante, et nous pouvons d’ores et déjà vous annoncer la parution prochainement d'un article sur « Les dessous de l’échec de la vidéoconférence entre le 2ème Vice-président Gabriel NTISEZERANA et le FMI ».
En effet, comme promis, nous continuerons nos investigations jusqu’au bout, et vous livrerons au fur et à mesure les résultats de nos enquêtes qui touchent actuellement non seulement l’affaire Interpetrol, mais aussi plusieurs autres dossiers.
Notre soucis étant de contribuer à faire éclater la vérité et à confondre toutes les personnes, quel que soit leur rang, impliquées de près ou de loin dans ces malversations, tout en espérant voir le Burundi revenir dans le droit chemin et pourquoi pas récupérer ses avoirs.
Autopsie de l’Interbank Burundi
Rappelons que, selon nos enquêtes, c’est au moment du règlement des opérations de recouvrement fiscal de l'Interbank Burundi (IBB) que l’emballement médiatique autour de l’« Affaire Interpetrol » a pris de l’ampleur. Nous nous sommes alors intéressés aux liens qui unissent cette Banque avec certaines personnalités impliquées dans ce dossier.
Nous découvrirons ainsi que le 2ème Vice-président Gabriel NTISEZERANA, impliqué dans l’affaire, travaillait chez Interbank Burundi avant d’être nommé Gouverneur de la Banque centrale (BRB) puis 2ème Vice-président de la République. Idem pour le Directeur des Impôts M. Valère BIZIMANA, nommé en février 2007 par le président de la République sur recommandation expresse du 2ème Vice-président NTISEZERANA. A noter que M. Valère BIZIMANA n’est autre que le Conseiller fiscal de l’IBB lors du contrôle fiscal de 2006. On parla alors d’« agent double » et de « fiscalité parallèle ».
C’est ainsi que nous allons nous intéresser à l’ADG de l’Interbank Burundi, M. Callixte MUTABAZI, derrière lequel se trouve en réalité l’homme d’affaires rwandais Tribert RUJUGIRO, en train d’acquérir des parts dans plusieurs sociétés burundaises, avec l’aide de certains hommes politiques véreux et corrompus, parmi lesquels le 2ème Vice-président NTISEZERANA.
Du communiqué de l'Interbank Burundi
Acculée par toutes ces révélations dans les médias, l’Interbank Burundi a réagi par communiqué de presse interposé, signé par son avocat Maître Tharcisse NTAKIYICA, communiqué que nous avons publié dans nos colonnes.
Dans ce communiqué, dont aucun Administrateur de la Banque n’a voulu prendre la responsabilité de signer et d’en assumer ainsi le contenu, nous avons relevé plusieurs incohérences qui nous ont poussés à poursuivre encore plus loin nos investigations pour en savoir d’avantage. Voici les premiers résultats de nos enquêtes sur les agissements de M. Callixte MUTABAZI et Interbank Burundi.
« La rumeur colportée par certains médias affirme que l’INTERBANK BURUNDI aurait un "contentieux lourd" et que ce serait là la vraie origine de ce que l’on appelle aujourd’hui "l’affaire INTERPETROL" », dit l'Interbank Burundi dans son communiqué, traitant ainsi comme rumeur les informations diffusées à son encontre.
Cette affirmation de la Banque est loin de la réalité. En effet, selon un document reçu par nos enquêteurs sur place et que nous avons déjà publié, la présidence de la République a, en date du 27 avril 2007, ordonné au Ministre des Finances d’« exiger le paiement de tous les impôts et taxes dus par certaines sociétés au trésor public notamment la BRARUDI, IBB et AFRICELL », estimant que « l’ampleur de leurs arriérés est très inquiétante ». (Pour l’intégralité de cette lettre : CLIQUEZ ICI)
En outre, la fiche de transmission à la Direction des Grandes entreprise (DGE), datée de décembre 2006, dont nos enquêteurs ont pu se procurer une copie et que nous avons déjà publié, montre qu’après négociations entre le conseil fiscal de cette Banque et les services des Impôts, le montant final négocié et signé fut de 2.775.101.770. (Pour l’intégralité de ce document : CLIQUEZ ICI)
Pour rappel le conseil fiscal de cette banque n’était autre que M. Valère BIZIMANA devenu par après l’actuel Directeur des impôts.
On peut alors se demander si des arriérés d’un montant de 2.775.101.770, qualifiés « d’ampleur très inquiétante » par la présidence de la République, ne constituent pas un « contentieux lourd » entre cette Banque et l’Etat burundais, comme le prétend le communiqué de l'Interbank Burundi. Aux lecteurs d’apprécier.
« La rumeur voudrait que l’INTERBANK BURUNDI accuse une dette fiscale de 2.7 milliards de FBU. Cela est complètement faux. A ce jour, notre banque a réceptionné un Avis de Mise en Recouvrement (AMR) de 1.4 milliards FBU correspondant a la vérification de 4 exercices fiscaux (2001 à 2004) », écrit la Banque dans ce communiqué.
Devrions-nous rappeler aux responsables de cette Banque que nous sommes bien en 2007, et non en 2004 ! Selon nos investigations, nous pouvons préciser que la fiche susmentionnée, qui est authentique, porte sur les exercices 2002, 2003, 2004 et 2005. Maître Tharcisse NTAKIYICA devrait trouver d’autres arguments pour défendre son client.
« Les éléments rapportés dans le présent communiqué de presse confirment par ailleurs, s’il en était besoin, que la santé financière de la banque est plus que satisfaisante », conclut entre autres le communiqué. Nous voulons bien le croire, mais nous nous interrogeons sur le non paiement des arriérés dus à l’Etat par cette Banque et des protections dont elle bénéficie au plus haut niveau des pouvoirs.
Laissons de côté ces quelques points parmi les nombreuses incohérences contenues dans le communiqué de l’IBB et intéressons nous aux zones d’ombres qui entourent les activités de cette Banque.
Les manipulations des différents pouvoirs
Selon nos investigations, confirmées par d’autres publications, depuis plusieurs années l'Interbank Burundi, une banque à 100% privée, détient le monopole des comptes de l’Etat sur les recettes, les impôts et les douanes, ce qui lui garantit confortablement plusieurs milliards de dépôts non rémunérés (sans payer des intérêts dessus), un manque à gagner considérable - estimé à plusieurs milliards à un taux d'environ 12% sur plusieurs années - pour l'Etat du Burundi, le troisième pays le plus pauvre de la planète.
Pour rappel, l’Interbank Burundi possède entre autre un guichet à l'intérieur même du Ministère des Finances, ce qui fait que l'argent des contribuables passe d'abord par l'Interbank Burundi - institution privée qui fait des intérêts dessus - avant que les contributions n'arrivent au Compte du Trésor public.
On s’interroge sur l’opportunité d’offrir à une Banque totalement privée de telles sources de revenus au moment où les autres Banques qui ont une certaine participation de l'Etat dans leurs capitaux ont des difficultés à pouvoir trouver des dépôts aussi colossaux.
Transfert illicite de devises
Selon nos sources auprès de la Banque centrale (BRB), aucune autre Banque au Burundi n’est autorisée à transférer des devises sans ouverture préalable de licences à la Banque centrale, sous forme de Lettre de crédit documentaire (Crédoc). Ce qui constitue, lors de toute importation de marchandises, une garantie pour le fournisseur et son client.
D’après les informations recueillies sur place, il s’avère que seule l’Interbank Burundi se permet de déroger à cette règle et de transférer directement les devises de l’Etat sans qu’il y ait importation. Selon des experts, ce genre d’opération s’apparente à du blanchiment d’argent.
Des responsables d’autres Banques de la place se plaignent de ce traitement de deux poids deux mesures. Car, selon nos sources, deux autres Banques s’y seraient essayées, mais ont directement reçu une lettre d’avertissement de la part de la Banque centrale.
Le non-dit de l’Affaire Kasubutare
Pour rappel, la famille KASUBUTARE, détient un champ de caféiers dans le secteur de Rubirizi, sur la route Bujumbura-Muzinda. Pendant la guerre, les Forces armées burundaise (FAB) et la rébellion se sont affrontés dans ce secteur, causant des dégâts au champ de la famille KASUBUTARE.
Sur instigation de M. Callixte MUTABAZI, le Gouvernement NDAYIZEYE décida par après d’indemniser cette famille. A la surprise générale, les dégâts furent estimé à 1,3 milliards, une surévaluation selon plusieurs experts. C’est bien plus tard qu’on va comprendre ce qui se cachait en réalité derrière cette surévaluation sans aucune mesure.
En effet, il s’avérera que la famille KASUBUTARE devait de l’argent à Interbank Burundi, et qu’en outre cette dernière devait à cette époque de l’argent à l’Etat. D'après plusieurs sources concordantes, une opération de compensation fut alors montée entre les trois protagonistes.
Selon l’opération de compensation montée par M. Callixte MUTABAZI et sa Banque, les créances de Interbank Burundi à ce moment envers l’Etat burundais furent couvertes par l’indemnisation de la famille KASUBUTARE, qui à son tour vit sa dette envers Interbank Burundi effacée. Etrangement tous ces montants concordaient au centime près. Drôle de coïncidence !
Selon les experts, cette opération est jugée illégale car frappée d’une faute lourde vis-à-vis de la Loi sur la comptabilité publique, selon laquelle il n’y pas de compensation entre dépenses et recettes de l’Etat.
En outre, cette opération recouvre une manipulation politique, car bizarrement le gouvernement NDAYIZEYE a décidé d’indemniser une seule famille sur tout le territoire national, alors qu'on connaît les dégâts qu'ont subit tous les Burundais durant la guerre. Plus est, cette indemnisation a été surévaluée. Voici donc le non-dit de l’« Affaire KASUBUTARE », derrière laquelle on retrouve, encore une fois, un certain Callixte MUTABAZI.
Aujourd'hui c'est ce même Callixte MUTABAZI qui se retrouve dans la Commission économique et sociale dernièrement mise en place par le Chef de l'Etat. Plusieurs observateurs se demandent ce que cet « affairiste » va conseiller aux dirigeants de ce pays.
Le nom de Callixte MUTABAZI apparaît dans nombreuses autres affaires, jusqu’ici non divulguées à l’opinion publique. Nos investigations continuent.
Affaire à suivre …