ET SI LES SALARIES DES ENTREPRISES BURUNDAISES ETAIENT INTERESSES

Par Gratien Rukindikiza

 Burundi news, le 02 octobre 2005

Le Burundi souffre de sa faiblesse du secteur privé. Ce secteur a été négligé par les dirigeants burundais et les intellectuels burundais s’intéressent plus aux centaines de postes « juteux » afin de mener une vie facile. Aujourd’hui, le défi est immense. L’Etat seul ne pourra pas développer le pays. Le secteur privé est aussi indispensable sur le plan économique et politique. Le jour où les intellectuels burundais sauront que ces postes sont moins intéressants que la création d’entreprises ou la participation dans le secteur privé, le peuple sera sauvé. Il y aura moins de haine liée à la mauvaise répartition de ces quelques postes.

Développer le secteur privé n’est pas seulement  permettre à quelques pionniers d’amasser de la richesse sur le dos des salariés. Le secteur privé doit profiter à tout participant à sa réussite. Le bénéfice de l’entreprise revient normalement aux associés qui ont apporté  le capital et une partie à l’Etat qui a entretenu l’environnement propice à la réalisation de ce bénéfice. On oublie souvent un facteur important. L’entreprise a trois capitaux : Le capital financier, le capital matériel et le capital humain. Les deux premiers sont rémunérés par les dividendes, le troisième est rémunéré au moyen des salaires. Cependant, le salaire est déterminé sans connaître la valeur ajoutée qui sera apportée par ce capital humain.

Les bénéfices des entreprises dépendent sans aucun doute de la productivité des salariés. Les salariés peuvent travailler sans motivation et ce comportement lèse les intérêts des associés. Les associés, la direction et les salariés sont liés par un contrat de travail, officiellement et par un contrat moral, officieusement. Ils doivent tous considérer la société comme leur deuxième famille. Peut-être que je suis en train de raisonner à la japonaise. Mais demander aux salariés de s’impliquer dans la productivité de l’entreprise sans qu’ils obtiennent un intéressement est hasardeux. Les salariés pourront même être intéressés par une situation de faible rentabilité qui ne poussent pas l’employeur à fermer l’entreprise  mais qui lui prive de gros bénéfices.

Au Burundi, le pouvoir peut imposer par une loi un système de participation des salariés aux bénéfices de la société.

 Au nom de quelle loi les salariés resteraient-ils  pauvres alors que les associés  deviendraient  riches grâce au travail des salariés ? Si une loi oblige les salariés à se partager 10% des bénéfices avant impôt des entreprises privées, les salariés seraient motivés et augmenteraient la productivité. De même, l’Etat en bénéficierait car l’employeur ne pourrait pas trafiquer les comptes pour payer moins d’impôts du fait que les salariés seraient aussi lésés et seraient poussés à dénoncer une telle tricherie. Les entreprises seraient aussi amenées à publier leurs bilans approuvés par des commissaires aux comptes selon la taille des sociétés. Le système de participation ou d’intéressement augmenterait aussi le pouvoir d’achat des salariés qui pourraient augmenter leurs consommations. Comme la consommation est le moteur de la croissance, si et seulement si la production suit, cette participation ferait d’une pierre deux coups.

Ce système existe en France dans des sociétés de plus de 50 salariés. Je connais une société qui n’est pas obligée de mettre en place ce système mais qui l’a mis en place. Les salariés ne tolèrent plus un gaspillage. Tous pensent à une bonne rentabilité de la société. Quand il y a 100 euros gaspillés, ils pensent à leur 10 euros perdus. L’entreprise est devenue la leur car ils ont 10% des bénéfices sans avoir apporté le capital.

Les salariés du secteur public ne devrait pas être ignorés par cette participation. Une prime de bonne participation pourrait être introduite. Elle serait basée sur un travail de tout un ministère avec des critères stricts comme l’absence de corruption, la satisfaction des usagers, le respect du matériel à sa disposition. Comme la prime serait collective et d’un même montant, les salariés seraient vigilants par rapport à ceux qui gaspillent ou ceux qui détournent des fonds. Ils seraient dénoncés pour ne pas perdre leur prime.

Dans tout travail, il est indispensable qu’il y ait une motivation. Pour développer un pays, les citoyens doivent être motivés. Il appartient à l’Etat de déterminer les formes de motivation. La participation en est une et elle ne peut être que bénéfique qu’aux trois parties en présence à savoir l’Etat, l’employeur ou l’associé et les salariés. Contrairement à certaines croyances, les trois ont des intérêts convergents. Si le salarié est motivé et s’ il comprend que la société est sa deuxième famille, il est prêt à s’impliquer au profit des associés dont les dividendes ne feront qu’augmenter.

L’augmentation des revenus des salariés et des bénéfices profite aussi à l’Etat qui collecte son impôt sur les revenus et les bénéfices. L’Etat en profite aussi à travers la TVA si la consommation augmente.

Le Burundi doit innover, répartir correctement la richesse. Créer des grands riches à côté des grands pauvres ne fera qu’accentuer l’insécurité et les divisions. Les revenus doivent être répartis au profit de ceux qui les génèrent.

Le nouveau gouvernement ne peut pas se permettre d’assurer les affaires courantes comme les gouvernements antérieurs. Il doit produire de nouvelles idées pour relancer l’économie, combattre la pauvreté, réformer le secteur social notamment les retraites et la santé. Le peuple ne jugera jamais un ministre pour avoir été un bon militant du CNDD-FDD mais sur ce  qu’il aura  apporté en plus-value par rapport au passé. Le discours politique est bon pour la campagne. Après les élections, seuls les actes comptent.