INTERPETROLE ET LES AMBITIEUX DU DEUXIEME VICE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE NTISEZERANA

Par Gratien Rukindikiza

 Burundi news, le 19 août 2007

L'affaire Interpetrole réserve des surprises aux Burundais. Je parie que les années à venir, cette affaire fera l'objet des travaux de mémoire des étudiants en économie, en droit et en sciences politiques si cette faculté est créée. Au départ, il s'agissait d'Interpetrole qui a reçu deux fois, voire trois fois le paiement de ses factures par l'Etat. Face aux contradictions du régime, surtout à la cacophonie du ministre de la bonne gouvernance qui disait qu'il ne voulait pas que l' ancien ministre Sinankwa quitte le pays alors qu'elle avait l'autorisation du Président de la République. Dans cette affaire, selon les informations provenant de la Présidence, le Président de la République n'a pas cru aux accusations de Ntisezerana, deuxième vice-Président de la République. La justice a hésité et Denise Sinankwa a fait demi-tour de Nairobi alors qu'elle rentrait suite aux injonctions de certains ministres pour qu'elle ne rentre pas.

Le gouverneur de la BRB a été emprisonné suite à cette affaire. Est-il en prison que pour cette affaire ou pour d' autres magouilles? Denise Sinankwa est sereine et affirme qu'elle a tous les documents juridiques qui justifient ses actes. Le public sait qu'elle a payé 8 milliards à Interpetrole. Cependant, on ne dit pas qu'  elle a payé aussi 37 milliards aux autres entreprises privées selon les directives du FMI pour redynamiser le secteur privé. Quant à la fermeture des comptes spéciaux, nous y reviendrons dans un autre article.

Le 2é è vice-Président de la République a voulu s'associer à un pétrolier kenyan. Mais ce dernier a compris qu'il est incapable de faire concurrence à Interpetrole. La condition pour venir travailler au Burundi était de casser Interpetrole. En effet, Interpetrole achète le carburant à la source sans intermédiaire et dispose des bateaux pour le transporter; d'où ses prix bas qui maintiennent le marché du carburant burundais à des prix raisonnables par rapport aux cours mondiaux. L'autre crime de lèse majesté d'Interpetrole est de travailler avec la BCB, une des banques , si non la meilleure des banques burundaises. Celle-ci est l'ennemi juré d'Interbank, le patron officieux du 2 è vice-Président de la République Ntisezeranwa. Ce que veut Interbank, Dieu veut. Interbank a pu faire nommer aux impôts son conseiller fiscal en tant que directeur des impôts avec une mission d'effacer la dette de plus de 2 milliards de frs Bu que cette société devait à l'Etat. L'opération est passée comme une lettre à la poste et le trésor public a perdu ainsi un montant proche de 3 milliards.

D'autre part, Gabriel Ntisezerana n'était pas ami à Denise Sinankwa, ministre des finances. Elle voulait  fermer le guichet d'Interbank au sein du ministère des finances. Du jamais vu! Une banque qui collecte les fonds du Trésor public en prélevant des commissions. Ntisezerana avait l'intention de la virer mais le Président de la République s'y opposait. Selon un conseiller à la Présidence, Denise Sinankwa pouvait rester ministre des finances si elle était au Burundi à la formation du gouvernement. La dualité de pouvoir au sommet ne profite pas au Président de la République. Ses directives sont ignorées par le 2 è vice-Président de la République. Deux exemples suffisent pour expliquer l'insubordination. Le Président a dit à la radio burundaise RTNB que les maisons en construction à côté du monument de l'unité doivent être arrêtées. Le 2 è vice-Président a continué et il termine bientôt sa maison. Le Président avait écrit un document que nous avons publié, sommant les impôts de recouvrer les impayés de la banque Interbank,  la Brarudi et Tercel. Le 2 è vice-Président a nommé un directeur des impôts chargé d'effacer la dette d'Interbank que le Président demandait d'encaisser. 

Le dossier Interpetrole est assez compliqué. Il a aussi un volet secret d'Etat. Au commencement, il y avait un embargo après la prise de pouvoir de Buyoya II contre Ntibantunganya. Les pays de la sous-région ont condamné le Burundi et l'ont mis sous embargo. Or, le Burundi enclavé peut s'étouffer économiquement sans importation, surtout du carburant. En cette période, le gros consommateur de carburant était l'armée qui était en guerre. Les autres voitures ne circulaient pas beaucoup en raison de l'insécurité dans le pays. L'armée était en guerre contre le CNDD de Nyangoma. Elle avait besoin de transporter les hommes, le matériel et le ravitaillement des militaires. Si l'armée manquait de carburant, personne ne sait si elle aurait tenu face aux combattants qui se cachaient dans la population.  Le Président Buyoya a confié la mission à Interpetrole d'importer le carburant coûte que coûte pour éviter des ruptures de stocks à l'armée. Pour faciliter la tâche de la société Interpetrole qui était en position de force, le pouvoir lui a accordé certains avantages à savoir qu'en cas de litiges, seul un tribunal d'arbitrage était compétent et que la société Interpetrole pouvait prélever 20 francs par litre pour corrompre les pays voisins. L'Etat devait payer aussi les différentiels de change en cas de retard de paiement. Le dossier a été transmis au Président de la République Nkurunziza et il a été aussi analysé à la permanence du parti CNDD-FDD, de sources sûres.

La saisie des camions d'Interpetrole sans fermer la société vise à l'amener à abandonner ses activités. La sortie d'interpetrole aura pour conséquence l'augmentation des prix car il s'approvisionne  à la source alors que d'autres s'approvisionnent chez les intermédiaires. Le pouvoir risque de perdre ce procès. Il serait catastrophique, non seulement pour le gouvernement mais aussi pour l'économie du pays car les investisseurs n'auront plus confiance au pays. Ce comportement du pouvoir me rappelle cet investisseur que j'ai rencontré, qui voulait fournir de l'électricité au Burundi, suffisante pour les besoins du pays par d'autres moyens modernes. Tenant compte de la situation politico-économique du pays, il a préféré chercher d'autres marchés ailleurs. En attendant, les Burundais manquent d'électricité sans savoir pourquoi.