Burundi news, le 30/04/2008

INTERVIEW DE RWASA, PRESIDENT DU PALIPEHUTU-FNL

 

Burundi News: Agathon Rwasa, bonjour.

Bonjour Monsieur Gratien.

Burundi News: Je vous remercie de m’accorder cette interview. La première question est de savoir où vous êtes à ce moment.

Pour le moment je suis à Dar es Salaam depuis fin janvier oừ j’ai été invité pour la relance du processus de négociations avec le gouvernement burundais.

Burundi News : Monsieur Rwasa, vous venez de reprendre la guerre. Pourquoi avez-vous choisi cette voie ?

Nous n’avons pas choisi cette voie de la guerre, mais plutôt elle nous a été imposée par le pouvoir burundais et ses soutiens. Depuis la signature des accords du 07/09/2006, le gouvernement burundais n’a cessé de nous provoquer par des arrestations arbitraires, la torture et les exécutions sommaires sans oublier les menaces et le terrorisme de la force dite africaine dont notre délégation au MCVS fut les frais. Parallèlement à cela le gouvernement et la médiation sud africaine s’employaient à anéantir le PALIPEHUTU-FNL en créant de toutes pièces ce qu’ils ont appelé une dissidence. Lorsque ce plan ne réussit pas, en plus des provocations le gouvernement poussa plus loin et déclara la guerre via son ministre de la défense. Il s’en suivit un renforcement des positions en armes et en personnel ainsi que des ordres de combats. Malgré notre retenue, deux de nos combattants furent tués sur la RN1 en décembre 2007, en mars dernier, plus de 15 personnes furent massacrées à Gatumba et l’armée cria victoire sur le PALIPEHUTU-FNL…Le discours belliqueux a aussi été enregistré de la part du premier vice-président burundais et du chef d’Etat-major Général de l’armée en mars dernier. Et tout en multipliant les menaces, le gouvernement continua d’armer ses milices essentiellement composées de démobilisés qui sèment la terreur et la désolation. Et pour hâter les choses, le gouvernement alimenta la rumeur et installa ses batteries d’artilleries autour de la capitale et déploya ses blindées. Et comme chaque chose a des limites, la patience a les siennes elle aussi, et nous avons droit à la légitime défense car nous ne pouvons pas nous laisser massacré et exterminé tout bonnement. 

Burundi News : Le gouvernement burundais affirme que vous avez fait une alliance avec le FDLR (mouvement rebelle rwandais). Qu’est ce que vous en dites ?

Cette stratégie de manipulation et de désinformation n’est pas une première pour le gouvernement burundais, elle est plutôt une tare : lorsque le régime Micombero se préparait au génocide de 1972, il déploya des émissaires en occident pour solliciter son soutien au projet macabre. Une fois que cet Occident avait adhéré à la thèse d’une invasion communiste au Burundi, il avalisa la barbarie du régime de Bujumbura qui reste toujours de triste mémoire, car la tragédie qui s’en suivit emporta plus de 10% de la population burundaise en moins de trois mois. De même, quand le régime Buyoya envisageait de rééditer le génocide hutu, le major Buyoya, dans son discours adressé aux militaires à Bururi le samedi 23/07/1988, affirma que Bagaza et une poignée d’autres burundais allaient attaquer le pays. Il exhorta l’armée à combattre vaillamment tout en les rassurant de la victoire, car comme disait-il, ladite armée avait gagné la première guerre qui n’avait jamais eu lieu ! Donc le discours et les affirmations du gouvernement ne tiennent pas debout et n’ont d’autres intentions que légitimer l’intervention des armées rwandaise et ougandaise pour massacrer les populations innocentes au Burundi comme elles l’ont fait au Congo voisin ou elles tuèrent plus de 5.200.000 dont 1.750.000 réfugiés hutu. Comprenez donc que nous n’avons aucune alliance et même pas un simple contact avec  un mouvement rebelle rwandais. 

Burundi News : Pourquoi avez-vous lancé des bombes sur la nonciature à Bujumbura. Est-ce le fruit du hasard ou un calcul politique ?

Nous n’avons jamais ciblé la nonciature de Bujumbura et nous ne ciblerons jamais une mission diplomatique quelconque, car nous n’avons rien à faire avec. L’incident auquel vous vous referez ne résulte d’aucun calcul politique.

Burundi News : Plusieurs massacres  vous ont été imputés notamment celui des banyamulenge à Gatumba. Est-ce que vous serez prêt, vous Rwasa, de répondre devant la justice burundaise de vos actes ou vous demanderez l’amnistie comme les autres anciens rebelles burundais ?

Si la justice burundaise était digne de son nom, le Burundi n’aurait pas sombré dans la tragédie qui ne finit toujours pas. Personne n’a peur de la justice si cette dernière est saine. Ici alors se pose la question de savoir si la justice burundaise aussi manipulée et instrumentalisée par chaque régime à Bujumbura serait fiable pour tous ceux qui ont été lésés et qui le sont aujourd’hui. Quant à l’amnistie, dans mon entendement, c’est une mesure qui provient d’une décision sereine de dirigeants qui oeuvrent pour l’édification de la paix sociale. Partant, ce n’est pas le persécuté qui demande l’amnistie, mais plutôt le tortionnaire qui doit revenir à la raison et comprendre que tout le monde a le droit à la dignité dans sa société et sa nation.

Burundi News : Le PALIPEHUTU-FNL suppose par son nom que les Hutu sont à libérer. Croyez-vous que ce nom est toujours d’actualité d’autant plus que maintenant, il n’y a aucun Tutsi qui a le pouvoir de bloquer les Hutu ? Les Hutu et les Tutsi sont ensemble au gouvernement et les Hutu dirigent la Présidence de la république, l’Assemblée Nationale, le Sénat, la police, les renseignements. Pourquoi faut-il les libérer ? Avez-vous l’intention de changer de nom ?

Sans beaucoup discourir à propos de l’origine de l’appellation du Parti, il importe de remarquer que le PALIPEHUTU-FNL est né en 1980 à cause de la politique ségrégationniste et oppressive de l’Uprona. Si aujourd’hui il y a de ces Hutu dans diverses institutions nationales, c’est justement quelque résultat de notre combat contre l’exclusion et la ségrégation ethnique ainsi que toute sorte d’injustice sociale. L’oppression reste toujours d’actualité, la persécution  et la ségrégation sont une réalité qui crève les yeux malgré tout cet échafaudage calculé de partage de pouvoir entre les Hutu et les Tutsi qui ignorent d’une façon aussi irresponsable que même les Twa sont des citoyens burundais à part entière. Pour me résumer donc, on a encore beaucoup à faire pour que ces injustices sociale, politique et économique, ainsi que l’oppression soient abolies. Le Burundi reste toujours placé sous le joug de la dictature et de la terreur, c’est pour cela que notre lutte pour la libération des opprimés (dont la majorité sont des Hutu) reste non seulement un devoir moral, mais aussi civique pour nous et pour tous ceux qui sont épris de paix. S’agissant du nom, il pourra changer quand tous les Burundais seront réellement réconciliés et se seront convenus ensemble de comment leur nation sera gérée à la satisfaction de tous ses fils et filles.

Burundi News : À écouter certains de vos collaborateurs, la globalisation domine les discours. Les Hutus auraient fait ces massacres, les Tutsi auraient fait ces massacres. Vous préconisez un pardon mutuel après une reconnaissance des  faits. En quoi moi, puis-je être coupable d’un acte que je n’ai pas commis ?  

J’ai peur que ce phénomène de globalisation ne soit plutôt un vice de la classe politique burundaise, lequel vice est véhiculé par la propagande politique de plusieurs décennies et a déjà contaminé la plupart des Burundais. Mais qu’à cela ne tienne, il est du devoir de tout un chacun, politicien ou pas, de comprendre qu’il est plus qu’urgent que l’histoire de notre pays soit dite et écrite telle qu’elle a été afin que les esprits soient libérés et les haines dépassées, ce qui permettra à tous les citoyens de s’investir pour la reconstruction nationale et la dynamisation de l’économie nationale. Il est vrai que nous proposons qu’il y ait un pardon mutuel, mais cela n’est possible que quand on reconnaît les faits. Partant, nul ne peut être inquiété s’il n’a pas commis un quelconque acte ; que votre esprit se tranquillise donc !

Burundi News : Si les négociations aboutissent, vos combattants seront intégrés à l’armée et dans les institutions. Croyez-vous que l’intégration va bien se passer comme celle du CNDD-FDD s’est déroulée ?

Je juge que c’est une erreur que de dire que l’intégration du CNDD-FDD est une réussite car, comme je l’ai dit plus haut, la dérive dictatoriale à laquelle fait face notre pays est une honte à la démocratie et à l’esprit pacifique que le peuple burundais recherche toujours. Les corps de défense et de sécurité, au lieu d’inspirer la confiance, ils oeuvrent pour terroriser la population et ainsi s’inscrivent en faux contre la mission supposée leur être assignée. C’est pourquoi l’intégration du CNDD-FDD ne peut pas nous servir de modèle car notre société réclame une armée et une police nationales et non des corps de défense et de sécurité à la solde du régime, d’un parti politique, d’une région ou d’une classe, ou d’un quelconque groupe ethnique ou clanique...

Burundi News : Quelles seront les revendications principales lors des prochaines négociations ? Allez-vous exigez des postes ministériels ou des places au Parlement ?

Comme vous le savez, nous avons deux accords avec le gouvernement, lesquels accords demeurent inapplicables tant qu’ils ne seront pas approfondis et détaillés aux fins d’être réalistes et pratiques. La première préoccupation est donc de déduire desdits accords un accord politique et un accord technique des forces. Il s’avère aussi important que la constitution soit révisée ainsi que bien d’autres lois qui sont de nature à discriminer l’une l’autre personne morale ou physique afin d’éviter que les lois biaisées n’alimentent de nouvelles crises dans l’avenir. A propos des institutions, je juge que c’est notre droit d’en faire partie pour que nous puissions nous aussi nous préparer sérieusement aux prochaines élections, car la situation actuelle réclame en réalité une transition.

Burundi News : Qu’est-ce que le PALIPEHUTU-FNL pourra apporter au peuple burundais dans la reconstruction du pays ? Quel est votre programme politique ?

L’apport du PALIPEHUTU-FNL pour la reconstruction du Burundi est avant tout une vision de la nouvelle société burundaise. Les temps réclament de véritables changements pour que notre pays devienne un Etat moderne en lequel chaque citoyen jouira pleinement de ses droits et participera réellement à la gestion du pouvoir et du patrimoine national. Le point de départ dans cette nouvelle direction c’est la conclusion du contrat social que les citoyens, toutes tendances et catégories confondues, élaboreront eux-mêmes et qui inspirera la vie nationale dans tous les domaines. Nous envisageons d’œuvrer au changement de la mentalité politique de depuis des siècles selon laquelle les autorités ont confondu et confondent l’exercice du pouvoir avec l’enrichissement illicite et démesuré. L’autorité et le pouvoir doivent être au service du citoyen et non l’inverse : de la sorte, la bonne gouvernance et la paix ne seront plus de vains slogans, mais une réalité à travers des réalisations quantifiables et appréciables. Nous envisageons des réformes dans divers secteurs pour que chaque citoyen s’épanouisse culturellement, économiquement, politiquement et se sente responsable de sa sécurité et de la sécurité de son concitoyen et de sa nation. Il appartient à tous les citoyens de construire une image positive de notre pays dans notre région, sur notre continent et dans le monde entier. C’est pour cette raison qu’un encadrement civique est d’une impérieuse nécessité pour que tout citoyen soit fier de sa nation et se donne corps et âme à son développement.   

Burundi News : Mr Rwasa, avez-vous des Tutsi dans votre mouvement ?

Oui nous en comptons dans toutes les régions du pays.

Burundi News : Quelles sont vos relations avec les chefs du parti CNDD-FDD ? Si vous aviez à faire des alliances avec les partis burundais, lesquels vous semblent proches ?

Nos relations avec le CNDD-FDD ont toujours été et restent toujours tendues avec tous les ingrédients de méfiance et parfois d’inimitié.

Burundi News : L’armée burundaise est composée à 50% de Hutu et 50% de Tutsi selon les accords. Est-ce que cette représentation vous semble correcte ?

Cette composition ne peut pas du tout nous satisfaire puisque c’est une fuite en avant devant le problème que tout le monde connaît du rôle historique de ce corps dans la tragédie qui a tant endeuillé notre pays. C’est une erreur monumentale de tout se partager entre Hutu et Tutsi en minimisant et en ignorant les Twa, je trouve que c’est même irresponsable. A mon avis, je pense que ce qui importe c’est d’affronter le problème de face et mettre sur pied une armée réellement nationale et non un corps instrumentalisé par et pour le pouvoir.

Burundi News : La rédaction de Burundi News vous remercie beaucoup

C’est moi qui vous remercie.