Burundi news, le 16/03/2008

INTERVIEW D’ALICE NZOMUKUNDA, 1ère VICE PRESIDENT DU PARLEMENT

Bonjour Honorable Alice Nzomukunda

AN : Bonjour

BN : Je vous considère toujours comme la 1 ère vice-président de l’Assemblée Nationale. Ai-je tort ?

AN : Non vous n’avez pas du tout tort parce que ma destitution a été illégale et irrégulière, ce qui fait que même maintenant, l’Assemblée Nationale ne s’étant pas encore régulièrement réunie, tout sera remis en cause jusqu’à ce que le groupe qui a régulièrement violé la loi revienne à la raison pour que seule la loi soit notre seul cheval de bataille. 

BN : Pourquoi le congrès du CNDD-FDD vous a-t-il renvoyé du parti ?

AN : Le Congrès du Parti m’a illégalement exclu et en mon absence, pour la simple raison qu’il n’y avait pas moyen de convaincre les congressistes de me renvoyer si j’étais sur place pour m’expliquer sur une quelconque accusation qu’ils auraient portée contre moi. Sinon pour la raison, c’est uniquement parce que je n’accepte pas le dictat que veut nous imposer Jérémie et sa clique alors que nous sommes maintenant dans une ère démocratique.

J’ai régulièrement dénoncé et condamné les actes de terrorisme qui s’observent à gauche, à droite, les violences faites aux femmes, la corruption et les malversations par les hautes autorités, l’appauvrissement presque total de la population, les massacres des populations innocentes, les incarcérations arbitraires, la brutalité qu’on observe dans le règlement de certains dossiers, l’intolérance envers les autres partis politiques, l’instrumentalisation des corps de police, bref je  n’ai jamais  voulu cautionner l’impunité délibérée qui s’installe de plus en plus au pays.

BN : Pouvez-vous nous parler de cette attaque à la grenade à votre domicile ?

A.N. C’étais vers 19 heures quand je rentrais chez moi, en franchissant le portail d’entrée que j’ai vu courir dans tous les sens les personnes qui étaient chez moi. Mais comme j’écoutais les infos de 19 heures et que les vitres de mon véhicule étaient fermées, je n’avais pas entendu l’explosion. Quand j’ai garé le véhicule, ils se sont tous précipités sur moi pour voir si je n’avis rien eu. Et heureusement je n’avais rien eu car la grenade a atteint un autre véhicule qui était garé à l’intérieur de la parcelle, mais la chance que nous avons eu, c’est que notre maison est très éloignée de l’entrée principale sinon les dégâts auraient été plus nombreux.

Aussitôt que l’attaque a eu lieu, nous avons entendu d’autres grenades exploser partout et c’était chez d’autres parlementaires que ça se passait. Les journalistes sont venus, nous avons fait tous les interviews nécessaires et ce n’est qu’après 22heures que nous avons appris qu’il y avait des policiers en nombre très important (plus ou moins une trentaine) qui demandaient à entrer. J’ai demandé qu’ils déclinent leurs identités ou qu’ils demandent à celui qui les envoie de me téléphoner et me confirmer leur présence. Ils ont refusé et bien évidemment je ne pouvais pas les laisser  entrer vu les temps qui courent où chaque matin on nous rapporte que des gens sont assassinés par des personnes en tenues militaires ou policières. Seule la tenue ne suffit plus pour croire à une vraie police loyale. Le lendemain matin, trois Officiers de Police se sont présentés et ont fait leur travail sans aucun problème, bien que cela  n’a pas empêché Mme Hafsa Mossi, Porte Parole du Gouvernement, de dire dans son Communiqué que jusque-là ils n’ont pas pu entrer chez moi pour faire le constat.

Mais je n’ai pas été étonnée vu le mensonge que Mr Bunyoni, Ministre de la Sécurité, sans froid aux yeux,  venait de servir à l’opinion sur la Télévision Nationale concernant ma garde.

BN : Le pouvoir est entrain de dire que vous avez organisé vous-mêmes et les autres députés ces attaques ? Qu’en est-il ?

A.N. Dans ce cas, je serais moi-même auteur du retrait de ma garde pour préparer cette attaque ! Et je serais donc moi-même l’auteur des attaques de l’année dernière aux Parlementaires et dont les enquêtes n’ont jamais abouti ! Non c’est juste pour simplifier l’affaire.

Si vous avez lu les écrits sur les sites du CNDD-FDD, et si vous avez entendu les déclarations de certaines autorités issues du CNDD-FDD, c’est beaucoup révélateur. Seulement, en montant cette version, ils n’avaient pas prévu qu’un des lanceurs de grenades allait être attrapé et interrogé. Maintenant, ils ne savent plus comment s’en sortir et les empêchent de parler. Les organisations des Droits de l’Homme n’ont pas eu le droit de leur parler en privé ! Comment se fait-il qu’une semaine plus tard, on ne sache rien de leur témoignage ! C’est parce qu’ils cherchent encore comment accréditer la thèse qu’ils avaient déjà planifié auparavant, mais cela ne tiendra pas debout. D’ailleurs, pour éviter qu’ils les fassent évader, qu’ils prennent toutes les dispositions qui s’imposent pour renforcer la garde là où ils sont.

Évidemment nous sommes entrain de préparer une plainte où nous demandons une enquête indépendante parce qu’en accusant le Gouvernement, il ne peut pas les mener car il devient juge et partie. Et de toutes les façons, d’expérience, d’autres enquêtes qui ont été terminées, étaient faussées. Ex. Le Pseudo-Putsch qui avait conduit en Prison deux éminentes personnalités, ceux qui étaient accusés à tort d’avoir lancé les grenades l’année dernière, viennent d’être libérés, la couverture ayant permis au Colonel Vital Bangirinama de s’évader, le dossier d’assassinat de la Jeune Française Madame Agnès Bury où l’on vient de libérer les personnes qui avaient été injustement incarcérées etc.

BN : Depuis ces attaques, avez-vous reçu un message de soutien du président du parlement ? Quelle a été l’attitude des autres partis politiques ?

A.N :  Non pas du tout, il n’a jamais daigné m’exprimer sa compassion. Ils étaient tous plutôt déçus de m’avoir ratée et leurs déclarations et les rumeurs qu’ils ont directement fait courir, prouvent à suffisance ce comportement qui manque d’humanisme et leur cynisme a même conduit Jérémie à non pas compatir mais plutôt à proférer des menaces contre ceux qui critiquent son Parti.

Tous les autres Partis, sauf le CNDD-FDD bien sûr, se sont exprimés, nous ont beaucoup soutenus et ont condamné ces attaques et ont demandé la rapidité des enquêtes et la publication des résultats.

BN : Vous avez été exclue du CNDD-FDD. Certaines rumeurs disent que vous voulez créer un parti politique. Si oui, pourquoi un parti politique ?

A.N : Oui bien sûr que je compte créer un parti politique parce que  beaucoup de Burundais qui croient encore en l’avenir de notre pays me l’ont demandé. Il me faut créer un Parti politique parce que j’ai un idéal à défendre et qu’ils partagent et que je dois donc créer un  espace pour le réaliser.

BN : Avez-vous une sécurité actuellement ?

A.N: Non, je n’en ai pas et ils ont refusé de me retourner les militaires que j’avais auparavant alors qu’une lettre de demande leur avait déjà été adressée.  Mais je compte encore formuler une autre demande auprès de S.E. Mr le Premier Vice-Président de la République, lui qui a en charge les services de sécurité pour garantir que des ordres cette fois-ce ne viennent d’un endroit inconnu, et  j’espère qu’il réagira en toute impartialité parce qu’en matière sécuritaire,  on a le choix de qui vous sécurise.

BN : Qui veut votre peau ?

A.N : Celui qui veut ma peau, c’est celui-là qui ne veut pas un débat contradictoire, c’est celui-là qui ne veut pas un Etat de droit, c’est celui-là qui m’avait lancé une roquette en 2006 et qui m’avait raté, c’est celui-là qui m’a retiré dernièrement ma garde tout en sachant que j’y avais droit et que je l’avais eu sur ma propre demande. C’est le Pouvoir du CNDD-FDD qui veut ma peau. Je l’ai dit et je le répèterai jusqu’à preuve du contraire.

BN : Que pensez-vous du pouvoir actuel du CNDD-FDD ?

A.N : C’est la médiocrité. C’est un pouvoir dictatorial qui n’a rien de la démocratie. A voir les souffrances que connaît actuellement la population burundaise, les tueries, violations des droits de l’homme, la corruption et les malversations économiques institutionnalisées au moment où la population s’appauvrit de plus en plus, les viols faits aux femmes et aux enfants, etc. dans une totale impunité et insouciance d’autant plus que les autorités ne cessent de clamer cyniquement que tout va bien.

BN : Je vous remercie.

A.N : C’est moi qui vous remercie