Burundi news, le 04/02/2009

INTERVIEW DE L’ANCIEN PRESIDENT PIERRE BUYOYA

Burundi News: Monsieur le Président, bonjour

B.N. : Depuis que vous avez quitté le pouvoir, vous voyagez beaucoup. Qu’est ce qui vous fait tant voyager ?

P. Buyoya : Depuis que j’ai quitté le pouvoir, j’ai eu la chance et le privilège d’être sollicité par un certain nombre d’organisations régionales et internationales pour effectuer des missions à leur compte : les Nations Unies, l’Union Africaine, l’Organisation Internationale de la Francophonie, la CEEAC, et bien d’autres. J’ai aussi participé à plusieurs conférences et fora internationaux. En plus, j’ai été plusieurs fois invité pour donner des conférences dans les Universités et autres Institutions.

B.N. : Vous êtes actuellement plus apprécié à l’étranger qu’au Burundi compte tenu des responsabilités qui vous sont confiées en Afrique, comment pouvez-vous l’expliquer ?

P. Buyoya : Je crois qu’il s’agit ici de votre appréciation personnelle dans la mesure où personne n’a mesuré le niveau de mon appréciation au Burundi. Je crois personnellement sans pouvoir avancer un chiffre qu’il y a beaucoup de burundais qui apprécient ce que j’ai fait pour notre pays. Bien sûr il y en a aussi ceux qui n’apprécient pas, chose normale dans un pays qui se veut être démocratique. Peut être que vous écoutez plus ce dernier groupe.

B.N. : On connaissait le Président Buyoya qui aimait le pouvoir, est ce qu’il vous tente toujours ? Seriez-vous candidat de l’Uprona en 2010 si ce parti en exprimait son souhait ?  

P. Buyoya : Encore une fois vous devez ne pas connaître le Président BUYOYA. Dites-moi par exemple combien d’autres Président Africains ont quitté le pouvoir volontairement à deux reprises alors qu’ils avaient la possibilité de s’accrocher. Concernant les élections de 2010, je me suis déjà exprimé plusieurs fois dans le sens de dire que je ne serai pas candidat. Si quelqu’un à l’UPRONA ou ailleurs aurait peur que je prenne sa place, qu’il soit tranquille.

B.N. : Pourquoi le nom de Pierre Buyoya est-il  souvent évoqué chaque fois qu’on parle des rumeurs de putsch ?

P. Buyoya : Il  ne m’appartient pas de répondre à cette question, il faudrait identifier ceux qui propagent ces rumeurs et leur poser la question. Je pense pour ma part que ce genre de rumeurs est en perte de vitesse, comme les putschs eux-mêmes

B.N. : Est-ce que, en tant qu’ancien Président de la République, vous êtes en contact avec le Président Nkurunziza ? Quelle est votre impression sur sa politique ?  

P. Buyoya : Ce  n’est pas dans mes habitudes de faire des commentaires sur mes relations avec le Président en exercice ni sur sa politique d’une façon générale. Par contre si vous me posez une question précise sur la politique du pays, je répondrai.

B.N. : Quelle est votre analyse de la situation burundaise ? Pensez-vous que la période électorale sera à risque au niveau de la sécurité ?

P. Buyoya :  LA période électorale peut être à risque si on ne prend pas garde. Les exemples ne manquent pas en Afrique. On peut même affirmer que dans la plupart des pays africains la période électorale est toujours à risque. Il faut prendre des mesures adéquates pour éviter les débordements. Il faut tout faire pour organiser des élections libres et transparentes. Au Burundi nous avons cette expérience. A deux reprises 1993 et 2005, nous avons organisé des élections libres et transparentes. Aujourd’hui il n’est pas trop tard pour bien faire. Au lieu de prévoir la catastrophe, il faut se mettre à la tâche et bien préparer les élections en commençant par la mise en place d’une CENI qui soit le fruit d’une concertation de la classe politique.

B.N. : La radio RPA avait beaucoup commenté l’affaire Kassy Malhan. Aujourd’hui, les condamnés dans cette affaire ont été libérés suite à leur appel. Sinduhije, ancien directeur de la RPA, se retrouve en  prison pour un motif politique. Est-ce que cette situation vous paraît normale ?

 P. Buyoya : L’affaire Kassy Malhan est dossier judiciaire qui a été jugé en appel au niveau de la Cour Suprême du Burundi. Malgré que mon nom ait été mêlé à un moment ou un autre à ce dossier, je n’ai pas de commentaires personnels à faire à ce sujet. De même je ne vois pas la liaison avec l’affaire SINDUHIJE. Concernant l’emprisonnement de ce dernier, je suis comme beaucoup de burundais, contre l’emprisonnement de qui que ce soit pour délit d’opinion. C’est une démarche incompatible avec l’évolution de la Démocratie dans notre pays. La démocratie c’est d’abord la libre expression comme droit fondamental.

B.N. : Vous avez été dans l’armée, vous l’avez dirigée en tant que commandant suprême.  Quel est votre jugement sur sa recomposition actuelle ?

 P. Buyoya : Mon jugement est que le processus d’intégration dans l’armée s’est très bien passé. Il se poursuit. Je souhaite que les choses continuent à aller de l’avant et qu’à terme on ait une armée véritablement républicaine. Ce sera un gage de stabilité pour le pays.

BN : Monsieur le Président, ne croyez-vous pas sincèrement que le manque de préparation de la neutralité de l’armée lors  des élections de 1993 a été néfaste pour le pays ?

P. Buyoya : Le temps de préparation des élections 1993 n’a été suffisant ni pour les partis politiques, ni pour les électeurs, ni pour les institutions en place, ni pour personne. Nous avons fait ce que nous avons pu dans les délais qui étaient les nôtres. N’oubliez pas que beaucoup dans les jeunes partis politiques étaient pressés d’en découdre. Peut être que si nous avions eu plus de temps l’attitude des politiciens vis-à-vis de l’armée aurait évolué, de même avec la compréhension de la nouvelle donne démocratique par l’armée.

BN : Monsieur le Président, votre directeur de cabinet en juillet 1993 avait participé dans une tentative de putsch contre le Président Ndadaye élu mais sans être en fonction. Vous étiez encore au pouvoir, comment pouvez-vous expliquer comment un directeur de cabinet du Président sortant peut tenter un putsch contre celui qui n’est pas encore investi en laissant au pouvoir celui qui est sortant ? N’était-il pas au juste le signe annonciateur du putsch du 21 octobre 1993 ?

P. Buyoya : C’est vrai mon Directeur de Cabinet NINGABA, a participé à une tentative de déstabilisation des institutions dans la période où le Président NDADAYE était élu et que j’étais encore en fonction. La tentative a été déjouée pendant que les insurgés n’avaient pas encore exprimé leurs intentions. Je ne peux donc pas savoir le sort qu’ils réservaient et au Président sortant et au Président élu. La réalité est que quand j’ai été mis au courant des préparatifs de la déstabilisation et des personnes impliquées, j’ai tout de suite ordonné leur arrestation et leur mise à la disposition de la justice. Mon Directeur de Cabinet n’a pas eu de traitement de faveur. Toutes les mesures que j’ai prises, je les ai prises en concertation étroite avec le Président élu. Comme tout le monde le sait, j’ai remis le pouvoir au Président NDADAYE le 10 juillet 1993. Ce qui s’est passé plus tard, notamment le 21 octobre 1993, je ne suis pas le plus qualifié pour le commenter.

BN : Vous n’avez pas voté la Commission Electorale Nationale Indépendante au Sénat comme les autres sénateurs qui ne sont pas du CNDD-FDD. Quelles sont les raisons de ce refus de voter cette composition de la CENI ?

P. Buyoya : Je commencerais par dire que ce n’est pas la première fois que le Sénat refuse une liste présentée par l’Exécutif. Peut être que c’est un signe que la démocratie s’enracine petit à petit au Burundi. Dans le cas présent, les raisons du vote négatif sont bien connues de l’opinion publique. Un certain nombre de sénateurs, comme l’opinion publique en général, estiment que la mise en place de la CENI est une question très importante pour la bonne réussite des prochaines élections, lesquelles élections sont elles-mêmes un tournant décisif dans la vie politique du Burundi. Il faut pour cela une CENI acceptable par la majorité de la classe politique burundaise. L’absence de concertation des partenaires politiques est donc à la base du rejet du projet de l’Exécutif. Je vous informe à toutes fins utiles que le vote au Sénat est secret pour ce genre de dossier.

BN : Je vous remercie