Burundi news, le 02/07/2009

INTERVIEW D’ANDRE NKESHIMANA, PRESIDENT DE L’ASSOCIATION IZERE

 

Bonjour André Nkeshimana

Bonjour Gratien.

 

Burundi News : Vous êtes le président de l’association Izere. Certains ne la connaissent pas. Pourriez-vous la présenter en quelques mots ?

 

A.NK: IZERE est une Organisation de Burundais et de Néerlandais vivant aux Pays-Bas. Elle a vu le jour en 1997 sous trois motivations: création d'un cadre de rencontre et de discussion de nos problèmes en tant que Burundais réfugiés vivant sur une terre étrangère, informer l'opinion internationale et hollandaise en particulier sur le situation globale du Burundi; et enfin venir en aide aux plus démunis par rapport à nous.

Après les élections de 2005, faisant suite à l'appel lancé par le Gouvernement Burundais à tout Burundais de l'intérieur comme de l'extérieur de contribuer à la reconstruction du pays, IZERE a revu ses objectifs en ajoutant les aspects économique et social; insistant principalement sur les projets visant la réconciliation et le développement.

 

B.N. : L’association Izere était connue pour ses conférences débat avec les Burundais de la diaspora. Vous avez conduit des missions d’hommes d’affaires au Burundi. Mais, les gens se demandent s’il y a eu des résultats. Combien d’hommes d’affaires ont investi au Burundi après vos visites ?

 

A.NK: IZERE organise chaque année des rencontres sous forme de conférences débats sur les thèmes d'actualités en vue d'échanger sur l’évolution socio-économique et politique du pays. Notre objectif a toujours été de participer au débat sur la reconstruction du pays et le processus de paix en cours depuis les négociations d'Arusha.

Quant aux résultats de nos missions au Burundi et aux Pays-Bas,  elles ont abouti à des contrats de collaboration dans différents secteurs sous forme de partenariats entre Burundais et Hollandais et c’est d'ailleurs dans ce cadre que nous avons organisé notre mission chirurgicale Izere-Interplast Holland dans le domaine de la santé. D'autres projets sont en cours de réalisation sur base des accords signés entre différents partenaires: les coopératives locales de production à Gitega et à Ngozi, les projets d'investissement dans les PME, un projet bancaire visant le développement du pays, un projet d'une briqueterie moderne, etc.

 

B.N. : Vous vous lancez actuellement dans le domaine médical. Vous venez d’effectuer une mission au Burundi avec une délégation  des chirurgiens hollandais pour opérer au Burundi. Comment est-ce que cette mission s’est déroulée ? Quel est le bilan ?

 

A.NK: Comme vous le dites, une délégation des chirurgiens Hollandais vient d'effectuer une mission chirurgicale au Burundi en partenariat avec IZERE. Cette mission se situe dans le cadre de notre projet global sur la santé des personnes les plus défavorisées et très souvent marginalisées qui ne peuvent pas facilement être opérées par les médecins Burundais et qui finalement n'ont aucun espoir de s'épanouir dans la société Burundaise.

En effet, plus de 110 patients souffrant des maladies diverses dont les fentes labio-faciales, les becs de lièvres, les tumeurs, les brûlures et les malformations de tout genre ont été opérés gratuitement pendant deux semaines au centre Hospitalo-Universitaire de Kamenge, CHUK

La mission médicale était composée de trois chirurgiens et un anesthésiste ainsi que trois assistants qui ont mener des opérations côte à côte avec les médecins et infirmiers Burundais.

 

Je dois dire que le bilan est très positif. Oui, nous n'avons pas pu aider tous les malades parce qu'ils étaient très nombreux alors que la mission n'était que de deux semaines mais nous avons quand-même pu rendre la dignité et la fierté de vivre comme toi et moi à pas mal de Burundais. Les chanceux qui ont été opérés se promènent aujourd'hui avec de petits miroirs pour se regarder car ils ne réalisent pas encore les changements morphologiques intervenus.

 

 

C'est un honneur et une fierté pour IZERE d'avoir réussi à rendre le sourire à ces gens en leur créant encore de la place dans la société Burundaise. Ce qui constitue sans nul doute de l'espoir pour cette catégorie de gens parfois négligés et oubliés suite à leur malformation.

 

B.N. : Comptez-vous refaire cette mission compte tenu des succès et surtout des besoins énormes de la population burundaise ?

 

A.NK: Les besoins sont effectivement très enormes: ce n'était qu'une goutte d'eau dans un océan si je me réfère aux différents malades qui se sont présentés et qui malheureusement ne pouvaient pas être aidés.

Nous comptons refaire cette mission en mars prochain pour deux semaines à Bujumbura et à Ngozi. Nous avons déjà visité l'hôpital de Ngozi et nous allons bientôt amorcé le dialogue avec les autorités de cet hôpital en vue de préparer notre prochaine mission chirurgicale.

 

B.N. : Comptez-vous faire d’autres actions dans le domaine de la santé ?

 

A.NK: Pas mal d’activités sont en cours au profit de l’hôpital central de Gitega où nous allons bientôt remettre un lot de couvertures aux patients. Nous sommes entrain de faire le suivi de la dernière mission aux pays-Bas du médecin directeur de cet hôpital dont une assistance technique qui a été promise par les médecins et les hôpitaux Hollandais.

Nous avons décidé de concentrer nos efforts sur cet hôpital le plus sollicité de l'intérieur du pays.

 

B.N. : Certaines associations de la diaspora éprouvent des difficultés quand il s’agit des actions humanitaires au Burundi. Avez-vous rencontré des problèmes ? Lesquels ?

 

A.NK: Je ne peux pas parler des problèmes majeurs, mais il ya eu de petites difficultés liées notamment à la communication entre les Médecins Burundais et Néerlandais, ces derniers ne parlant principalement que l'anglais. Si non tout le groupe est rentré satisfait de l'encadrement et de la collaboration avec les différents partenaires locaux que je remercie vivement pour leur services.

 

B.N. : Est-ce que derrière ces projets, André Nkeshimana n’a pas d’ambitions politiques ? Et si le pouvoir vous proposait un poste ministériel, diriez-vous non ?

 

A.NK: Vous semblez insinuer que je me rends au Burundi pour solliciter un poste! Ce n’est pas dans mes  ambitions. Je voudrais plutôt évoluer dans ma carrière bancaire et je pense que le fait que  nous vivons à l’extérieur du pays devrait constituer un atout pour notre Burundi. Nous pouvons être plus utile et mieux servir le pays sans devoir nécessairement occuper un poste politique. Je reste convaincu que nous sommes vous et moi en bonne position pour mieux servir le peuple burundais.

 

B.N. : Vous connaissez la diaspora et vous allez souvent au Burundi. Compte tenu de la pauvreté de plusieurs millions de Burundais, que pourrait-être le devoir de la diaspora ? Qu’est ce- que vous pouvez recommander à la diaspora ? 

 

A.NK: Je suis effectivement en contact avec la diaspora et je visite souvent notre pays. Cela me permet de voir la réalité à laquelle fait face la population burundaise au quotidien. C’est aussi une occasion de faire le suivi nos différentes initiatives notamment des coopératives populaires, les petits projets au niveau du secteur privé ou les projets relatifs à la reconciliation du peuple Burundais.

 

Le Burundi est en effet un pays qui doit être aidé pour sortir de cette pauvreté les millions de Burundais:

“une paix durable ne me semble pas possible au Burundi aussi longtemps que le situation économique restera alarmante et que les premières préoccupations de la population n'auront pas trouvées de solutions”.

La diaspora devrait comprendre que la lutte contre la pauvreté est un facteur déterminant pour une paix durable au Burundi et qu'elle a un rôle important à jouer dans le processus de reconstruction économique.

 

Je recommanderais à la diaspora de s'organiser davantage pour pouvoir contribuer efficacement à travers l'entreprenariat et l'investissement dans les différents domaines.

Actuellement les enjeux économiques liés à l'adhésion du Burundi au sein de l'EAC sont très importants face aux géants Tanzaniens, Ougandais et Kenyans: il suffit de penser au sort de nos PME's, nos petites banques et institutions financières, la non-certification des produits d'exportation qui sont actuellement exportés comme produits semi-finis et parfois avec un cachet étranger, ...? Il y a risque d'interpréter l'adhésion du Burundi au sein de l'EAC comme une menace plutôt qu'un atout pour l'économie burundaise.

 

Enfin je recommande une action concrète qu'il faudra initier en vue de servir de moteur pour le développement du pays. La construction d'une école technique me semble une bonne proposition si on veut effectivement contribuer au développement durable de notre pays.

 

Je termine en vous lançant un appel, un cri d'alarme, surtout vous médecins Burundais (spécialistes ou pas) pour venir en aide à votre peuple parce que les cas pathologiques sont innombrables. Je ne pouvais jamais m'imaginer qu'autant de cas de pareilles maladies pouvaient exister dans notre pays. Je vous invite à visiter le pays et à découvrir vous-mêmes le fin fond du pays ainsi que ses réalités quotidiennes.

 

B.N. : Je vous remercie beaucoup.

 

A.NK:  C'est moi qui vous remercie.