INTERVIEW DU MUSICIEN EVODE NTAHONANKWA

Par Gratien Rukindikiza

Burundi news, le 14/09/2009

B.N. : Monsieur Evode Ntahonankwa, bonjour,

E.N. : Bonjour Monsieur Rukindikiza

B.N: Vous êtes musicien et vous vivez en Hollande. Nous avons voulu interviewer un artiste pour donner la  parole aux autres Burundais qui s'expriment par la musique. D'abord, pouvez-vous vous présenter ?                                                                                                                                                       

E.N:  Je m'appelle  Evode Ntahonankwa. Je suis né d'une famille modeste, au sud du Burundi à Makamba. Je suis marié père de 2 enfants. Maintenant      j' habite en Hollande il y a 6 ans, je poursuis ma carrière musicale.

B.N: Quand est-ce que vous avez commencé la musique?

E.N: Il m'est difficile de vous préciser la date sinon l'heure, mais je crois que c' est depuis mon enfance. Je me rappelle quand Maman me trouvait seul dans ma chambre entrain de chanter, elle laissait échapper une légère exclamation de surprise, et puis elle me demandait si j' étais malade ou pas.      Comme j'étais encore très petit, je ne  lui répondais rien, mais je riais. Mes regards se reposaient sur  sa physionomie souriante. C'était à partir de 8ans. Mais sinon,  mon 1er Album <Mireille> que beaucoup de Burundais ont aimé, a passé sur les ondes de la radio et télévision nationale en 1991 . Il est vrai qu,au début, ce n'était que pour tromper la solitude d'enfant unique mais aujourd'hui c'est devenu une véritable passion parce que jusqu'à présent je suis capable de suivre mon inspiration comme je la sens et c'est une chance inouïe et mon but est de continuer ainsi le plus longtemps possible.

B.N: Est-ce que vous arrivez à vivre de la musique?

E.: Malheureusement jusqu'a présent non. Mais moi je fais parti de ces gens qui croient que l'on peut forcer le destin par le courage, la persévérance et le travail.  Et puis j'ai appris à accepter de la vie ce quelle m'offre, à m'adapter aux circonstances contrairement à ceux qui sont continuellement angoissés et qui sont d'une nature inquiète et insatisfaite.

 Je sais que je finirai par vivre seulement de ma musique et j'en serai fier et content.

B.N.: Peut-on dire que les musiciens jouent le rôle des autres artistes comme les humoristes? Comment jugez-vous la société burundaise? Et la politique?

E.N: Sans fausse modestie, je pense que oui. Le musicien c'est quelqu'un qui a une forme d'esprit qui consiste à dégager les aspects plaisants et insolites de la vérité ou la réalité avec un certain détachement. Exactement comme un humoriste c'est quelqu'un qui s'exprime et qui exprime ce que pensent les autres qui n'ont pas d'occasions de le dire ou tout simplement qui ont peur de le dire.

Quant à la société burundaise, elle est unique même à l'étranger. Elle mène une vie en symbiose, elle s' investit de l',idéal de l' Ubushingantahe, elle a une sérénité et de l' unité ,en résumé, elle fascinante merveilleuse et pacifique. Quant à  la politique burundaise, je vous dirai que c'est un domaine que je ne maitrise pas, qu'il faut que je le laisse à ceux qui le maitrisent.  

Je vous ai dit que j'aime la lecture, un jour j'ai lu cette phrase d' un écrivain français J.J.Rouseau. Je site: "Ce n'est pas la masse qui gouverne. Si la masse suffisait pour légitimer un pouvoir, à quoi nous a servi l'école qui nous a formé  pendant longtemps et à grand frais" ou encore celle-ci: "Si le pouvoir est fort il nous écrase mais si il est faible nous périssons". Ca, je n' ai rien compris et j' ai décidé de ne plus jamais chanter la politique qui varie alors que l'œuvre musicale reste la même à jamais. Mais je garde toujours mon principe qui dit que rien n' est au dessus de la réalité ou la vérité.

B.N: Au niveau de la musique, combien de CD avez-vous déjà sortis? Quels sont les thèmes de votre musique?

EN : A mon pays, j'en ai produit 2: "Mireille et Mpanagura amarira".Ici je viens d'en sortir un " K I R I M A".

Mes œuvres ne sont pas autobiographiques mais elles partent de ma propre vie, de mes rapports avec les  autres, la difficulté d'entrer en communication, des histoires vécues en faite.

B.N: Justement vous venez de sortir un très bon album poétique KIRIMA, pouvez vous nous en parler?

E.N: Il s'agit d'un très simple Album de 12 titres dont quelques remix comme : Mireille,Ntahirize,Nyegera ntite...et bien d'autres nouvelles. Ce n'est pas extraordinaire mais c'est une musique profonde et d'expression qui est bon d'avoir le CD chez soit. Rappellez-vous des chants traditionnelles "imvyino" , poésie pastorale "ibicuba", Hymne nationale. Il suffit d'écouter mon récent album KIRIMA pour connaître la vraie histoire de Kirima et du prince louis Rwagasore ...

B.N: Peut- on dire que le musicien burundais est ignoré par le pouvoir? Que peut faire le pouvoir pour soutenir la musique?

E.N: Moi je ne parlerais pas d'ignorance, mais, peut être d'oubli et de la non tenue de promesse.

 Il n'existe aucune école de musique au Burundi jusqu'à présent. Avec l' arrivée des studios modernes, il y a des musiciens qui font passer leurs messages d' une manière désordonnée selon la règle de musique et de notre culture. Ca, ce n'est pas bon pour notre jeunesse de demain. Il faudrait nous rappeler que l'enfant n'est pas une tête à remplir mais plutôt une lampe à allumer. La loi sur les droits d'auteur a été signée mais n'est  jamais entrée  en vigueur. Il faudrait tenir la  promesse.

B.N: Pouvez-vous nous parler de votre  musique en Hollande ?

E.N: Ce n'est pas extraordinaire mais  je parviens à montrer à la face du monde ce dont je suis capable. En 2007, un concert a été diffusé en direct à la Télévision, à  l' occasion du nouvel an,  accompagné par l'orchestre nationale des Pays-Bas à Amsterdam. En 2008, j'ai été le gagnant du troisième prix au concours de la chanson Alliance française des Pays –Bas. Maintenant je suis entrain de réaliser un 2 ème album dans mon petit studio et tout avance normalement.

B.N: Comptez-vous retourner au Burundi pour chanter?

E.N: Je crois que oui car je sais que mon public  m'aime bien et a envie encore de me voir sur scène, bien qu'il m'écoute sur des ondes des radios et me voit surtout à  la télévision Renaissance.

B.N: Avez -vous un message à communiquer?

E.N: Ce n'est même pas un message, mais peut -être un engagement, une promesse à mon public. J'essayerai de ne jamais vous décevoir, je suivrai mon style, mes compositions poétiques et aussi  ma carrière musicale jusqu'à la dernière goutte de mon encre.

B.N: Je vous remercie.

E.N: C'est moi qui vous remercie.