INTERVIEW DE PRIME NYAMOYA, ADMINISTRATEUR DIRECTEUR GENERAL DE LA BANQUE DE CREDIT DE BUJUMBURA (BCB)
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Profitant de la rencontre à Paris lors de la présentation des produits de mobilisation d’épargne des burundais de l’étranger animée par Prime Nyamoya, notre rédaction a tendu le micro à ce banquier reconnu et grand professeur d’économie à l’université du Burundi.
Très posé et souriant, il a répondu à nos questions.
Burundi News : Bonjour Monsieur Nyamoya, vous êtes le directeur général de la BCB. Vous êtes venu à Paris pour rencontrer les burundais de France pour leur exposer votre produit de mobilisation de l’épargne des burundais de l’étranger. Quelles sont vos impressions concernant cette rencontre ?
Prime Nyamoya : Mes impressions sont largement positives dans la mesure où la réaction des participants m’a encouragé à explorer davantage ce gisement d’épargne qui me paraît considérable. Nous avons une expérience de BCB Investissement qui est un produit de caisse et qui a été vraiment pour nous une surprise agréable. A moins de 15 mois, nous avons réussi à mobiliser autour de 3 milliards de Francs Burundais.
Je me suis dit que pour les burundais de l’étranger, compte tenu de leurs niveaux élevés de revenus, nous pouvions mobiliser bien d’avantage. En parcourant les statistiques des burundais résidant à l’étranger, je me suis rendu compte qu’il y a quand même autour de 10 000 à l’intérieur de l’Union européenne et parmi les 10 000, il y a au moins 1 000 personnes qui ont une profession, qui sont capables de faire une épargne significative et en contrepartie de cette épargne, nous serons en mesure de leur offrir des services.
Burundi news : Quelle est la contrepartie ou la plus value que vous allez apporter à quelqu’un qui est ici, qui ferait de l’épargne et qui voudrait construire sa maison au Burundi par exemple ?
Prime Nyamoya : Voilà la piste immobilière me paraît la plus féconde dans la mesure où tout burundais qui réside à l’étranger souhaite un jour rentrer dans son pays. Je voudrais lui permettre l’accès au logement, d’acquérir un appartement, un duplex par exemple en préparation de sa retraite. Il aura fait un investissement considérable. Par conséquent, cet investissement lui permettra d’avoir un supplément d’épargne.
Burundi news : Justement à propos de cela, il paraît qu’on peut ouvrir un compte en devises au Burundi, quelles sont les démarches à faire pour l’ouverture de ce compte ?
Prime Nyamoya : Aujourd’hui, nous avons des instruments électroniques, celui ou celle qui veut ouvrir un compte, il suffit d’envoyer un e-mail, vous avez vu les formulaires qu’on a distribués et puis, vous vous adressez aux deux responsables que vous avez vus. En retour, nous allons vous envoyer le numéro de compte sur lequel vous pouvez verser votre épargne.
Burundi news : Votre actionnaire principal est la Belgolaise, les gens disent que c’est l’Etat burundais qui a le dernier mot dans la nomination du dirigeant de la BCB. Est-il vrai ?
Prime Nyamoya : Je crois que ça va changer et cela a déjà changé. La Belgolaise a quand même son mot à dire dans la nomination du directeur général en concertation avec l’Etat majoritaire qui ne l’est plus par ailleurs.
Burundi news : Les taux d’intérêts sont élevés au Burundi. Pourquoi l’Etat, la banque centrale, ne veut pas les baisser actuellement pour relancer l’économie ?
Prime Nyamoya : L’Etat ne peut pas baisser les taux, il n’a pas la faculté de les baisser. S’il le fait, il le fait artificiellement, c’est-à-dire en dehors des forces du marché qui fait que les taux varient. Aujourd’hui, nous avons au niveau du secteur bancaire un niveau de liquidités assez élevé, par conséquent, les taux d’intérêts vont baisser. Il y a deux ans, c’était l’inverse. S’il y a un excès de liquidités, forcément les taux d’intérêts vont baisser. Quand il y a peu de liquidités, naturellement, les taux vont dans le sens contraire. Le plus gros emprunteur sur le marché financier est l’Etat lui-même. Quand l’Etat vient sur le marché avec ses gros besoins de financement, forcément, les taux auront tendance à la hausse.
Burundi news : On parle de la relance économique. Le Burundi vient de sortir de la guerre civile mais il y a aussi la guerre économique à affronter. Quelles sont les mesures à prendre actuellement pour la relance économique par le secteur privé et par le pouvoir politique?
Prime Nyamoya : Je pense qu’il faut attendre l’arrivée du nouveau gouvernement qui va définir les nouvelles orientations. Aujourd’hui, nous sommes dans une période de transition, il me semble peu approprié que le gouvernement définisse une politique économique à long terme.
Burundi news : Si le nouveau gouvernement vous contactait pour vous demander des conseils concernant la relance économique, quelles sont les grandes pistes que vous donneriez ?
Prime Nyamoya : Je pense que l’essentiel de la relance économique est déjà connu par les gens de la profession. Il va falloir les réunir, les mettre au travail en disant, voilà maintenant, vous savez ce qu’il faut faire, vous avez le gouvernement qui est derrière vous. Nous savons également que les bailleurs de fonds sont là, qu’ils attendent le nouveau pouvoir pour effectuer les versements. Aujourd’hui, nous sommes dans une situation où on ne peut rien faire puisqu’on attend l’issue des élections et ensuite le nouveau gouvernement va définir une politique économique. En ce cas, nous sommes disposés à l’épauler.
Burundi news : Au cours de votre exposé, vous avez parlé des dépôts en majorité composés par des fonds de l’ONUB et des ONG. Si ONUB et les ONG quittent le Burundi les mois à venir à la fin de leurs missions, quelles sont les mesures que vous comptez prendre pour pallier la baisse des liquidités ?
Prime Nyamoya : C’est pour cela que nous avons envisagé que les dépôts dans le futur viennent de la production plutôt que d’une présence étrangère assez aléatoire. Comme vous le dites bien, si demain les troupes des Nations Unies partaient, il y aura moins de dépôts, par conséquent, il peut y avoir hausse des taux d’intérêts. Aujourd’hui, heureusement, on constate une baisse des taux d’intérêts. C’est très remarquable, le taux d’escompte des bons de trésor qui à peine il y a 2 ans et demi était à plus de 16, 50%, même à 20% à un certain moment, aujourd’hui, il oscille autour de 11%. Il y a un mouvement de repli des taux d’intérêt vers la baisse.
Burundi news : Le Burundi news vous remercie.
Prime Nyamoya : Je vous remercie aussi.