INTERVIEW DE RWASA, CHEF DU FNL

 Burundi news, le 02 février 2006

Burundi news/ Gratien Rukindikiza : Agathon Rwasa, bonjour,

Rwasa : Bonjour.

Burundi news : Je vous remercie de m’accorder cette interview. La première question est de savoir où vous êtes à ce moment.

Rwasa : Comme toujours je suis au Burundi, ma patrie.

Burundi news : Le gouvernement burundais affirme que vous avez fait une alliance avec le FDLR(mouvement rebelle rwandais). Qu’est ce que vous en dites ?

Rwasa : Que le gouvernement burundais affirme gratuitement ceci ou cela, c'est une de ses mauvaises habitudes. Nous n'avons aucune alliance avec une quelconque rébellion rwandaise. Tout ce que nous pouvons dire à propos de ce genre d'affirmation du régime burundais, c'est que chaque fois qu'il envisage un génocide, il prépare l'opinion d'avance pour détourner son attention et lui éviter de chercher à comprendre ce qui se passe réellement. Ainsi par exemple en 1972, une campagne diplomatique tous azimut a précédé le grand carnage qui fondit sur le peuple burundais dès le 29/04/1972. Le pouvoir affirmait sans se gêner- à qui se laissait faire- que le Burundi allait être attaqué par des rebelles communistes Mulelistes. Il s'en suivit le génocide des Bahutu qui emporta en quelques mois plus de 10% de la population…En 1988, lors de l'incorporation de nouveaux sous-officiers à Bururi, le samedi 23/07/1988, le major-président Pierre Buyoya affirma que son prédécesseur Bagaza et une poignée de Barundi allaient attaquer le Burundi à partir de l'extérieur, et rassura ses troupes qu'elles allaient gagner cette guerre-là comme elles avaient gagné les précédentes! Pourtant tout le monde savait et sait que ces guerres-là dont parlait Buyoya n'avaient jamais pris cours! La suite on la connaît, c'est le génocide de Ntega-Marangara.

Burundi news : Vous avez refusé de négocier avec le gouvernement CNDD-FDD, allant jusqu’à refuser de le reconnaître. Aujourd’hui, vous acceptez de négocier avec le dit gouvernement. Qu’est-ce qui a changé ?

Rwasa : Le problème majeur qui entrave l'avènement de la paix au Burundi est qu'il y a une certaine oligarchie qui croit à tort qu'elle imposera toujours son diktat au peuple burundais. Cette oligarchie qui pêche toujours dans l'eau trouble fait tout pour gâcher toute occasion susceptible de raviver l'espoir de paix! Par abus de langage on parle de l'existence d'un gouvernement Cndd-Fdd. Je dis bien par abus de langage parce que le régime burundais a été imposé malicieusement de l'extérieur par certaines capitales qui lui dictent de facto leur volonté. Nous pensons que tout le monde constate bien cela et nous en appelons à tous les Barundi à être courageux et accepter que nous nous asseyons ensemble pour remédier à la situation: c'est ce que nous avons toujours proposé aux régimes de Bujumbura et au peuple Burundais en réclamant la tenue d'une conférence nationale cela déjà durant les années quatre vingt! C' EST LA SEULE  VOIE  D'ISSUE.

Burundi news : Plusieurs massacres vous ont été imputés notamment celui des banyamulenge à Gatumba. Est-ce que vous serez prêt, vous Rwasa, de répondre devant la justice burundaise de vos actes ou vous demanderez l’amnistie comme les autres anciens rebelles burundais ?

Rwasa : J'ignore ces"Plusieurs massacres". Quant à répondre devant la justice burundaise, je crois qu'il est plus que temps d'éviter les spéculations: comment répondrais-je devant une justice qui n'en est pas une? S'il existait une justice au Burundi, il n'y aurait pas eu tant de bains de sang, et le régime actuel comme ses prédécesseurs ne s'acharnerait pas contre le peuple qui ne réclame que ses droits fondamentaux tel que le droit à la vie, le droit à la citoyenneté, le droit à la propriété…Et si vraiment on tient à la justice, pourquoi la chercher uniquement pour les banyamulenge et l'éviter pour les millions de réfugiés Bahutu massacrés à Tingitingi, Mbandaka, Kalima…au Congo, ou ceux massacrés au Rwanda en 1994 par le FPR et ses alliés, ceux massacrés à Kibeho par le FPR en 1995? Et que dire des trois millions et demi de Zaïrois ou Congolais tués de 1996 à 2003 par les armées burundaise, ougandaise et rwandaise? Tant que la justice sera l'instrument du pouvoir pour annihiler une partie de la population burundaise, il n'y aura pas de paix dans ce pays: que cette justice-là fasse la lumière sur les tragédies de ne fut-ce que depuis 1965 à ce jour, et on pourra la saisir pour toute autre affaire! Quant à l'amnistie, comment peut-on demander une amnistie à des génocidaires légendaires? Je crois plutôt que la meilleure solution est de les écarter des institutions et de libérer par ce fait même l'appareil judiciaire!

Burundi news : Le Palipehutu suppose par son nom que les hutu sont à libérer. Croyez-vous que ce nom est toujours d’actualité d’autant plus que maintenant, il n’y a aucun tutsi qui a le pouvoir de bloquer les hutu ? Les hutu et les tutsi sont ensemble au gouvernement et les hutu dirigent la Présidence de la république, l’Assemblée nationale, le Sénat, la police, les renseignements. Pourquoi faut-il les libérer ? Avez-vous l’intention de changer de nom ?

Rwasa : La libération des Bahutu et de tous les opprimés s'impose d'elle-même, ce n'est pas question de "supposer". Comme je l'ai dit plus haut, les soi-disant hommes forts de Bujumbura sont sous la houlette des capitales étrangères notamment rwandaise et ougandaise pour être plus précis. Par ailleurs, ceux qui manipulent les commandes sont ceux-là qui ont toujours fait la pluie et le beau temps au Burundi. Donc, les patrons des diverses institutions constituent tout simplement une carte de visite et sont là pour camoufler les mauvais desseins de certaines capitales à l'endroit des peuples des Grands Lacs. Partant, l'injustice est toujours reine au pays et ses victimes sont surtout les Bahutu. Quant à la question du changement de nom, je pense que les Barundi ne doivent pas avoir peur du mot "Hutu" et s'acharner toujours à le faire disparaître du vocabulaire couramment utilisé. Pourquoi avoir des frissons devant ce mot, alors qu'on en a pas quand il s'agit de "Tutsi": il y a la Région Bututsi, l'Avenue Bututsi, le Projet Bututsi et je ne sais quoi encore. Quand va-t-on dénommer autrement cette région-là, cette avenue-là …?

Burundi news : A écouter certains de vos collaborateurs, la globalisation domine les discours. Les hutu auraient fait ces massacres, les tutsi auraient fait ces massacres. Vous préconisez un pardon mutuel après une reconnaissance des faits. En quoi moi, puis-je être coupable d’un acte que je n’ai pas commis ?

Rwasa : En principe, personne ne peut être victime d'un acte qu'il n'a pas commis. Néanmoins, au Burundi on ignore presque toujours les principes, et la solidarité négative étant ce qu'elle est, on devient victime d'une vision simpliste des choses en ignorant que le monde est dynamique. Si tel ou tel autre régime a commis des crimes graves au nom d'une ethnie quelconque, pourquoi le petit citoyen s'évertuerait-il à couvrir le potentat responsable de la tragédie? Si les Batutsi ont été manipulés par l'un ou l'autre régime contre les Bahutu ou si aujourd'hui il y a des gens qui sont manipulés par le pouvoir en place pour exterminer les membres et sympathisants du PALIPEHUTU-FNL, pourquoi ne pas dénoncer les abus de ces régimes-là et se désolidariser de ces irresponsables pour se sentir libre et pas se croire victime de la globalisation?

Burundi news : Si les négociations aboutissent, vos combattants seront intégrés à l’armée et dans les institutions. Croyez-vous que l’intégration va bien se passer comme celle du CNDD-FDD s’est déroulée ?

Rwasa : A mon avis, il n'y a pas eu d'intégration mais plutôt juxtaposition de deux ensembles de gens tous enclins à répandre le sang des citoyens innocents, la preuve en est que la torture redouble d'intensité, la criminalité reste d'actualité, tandis que le terrorisme d'Etat et l'injustice deviennent plutôt l'idole des hommes au pouvoir.

Burundi news : Quelles seront les revendications principales lors des prochaines négociations ? Allez-vous exigé des postes ministériels ou des places au Parlement ?

Rwasa : Je pense que tout honnête citoyen burundais est d'avis qu'il faut un changement profond et radical de la société burundaise pour garantir un avenir meilleur à la génération en devenir et celles à venir. L'occupation des postes ici et là n'est pas notre priorité car la dignité et la sécurité pour tous valent mieux  que ces postes-là.

Burundi news : Qu’est-ce que le FNL pourra apporter au peuple burundais dans la reconstruction du pays ?

Rwasa : L'apport principal du PALIPEHUTU-FNL au peuple burundais est que au bout du parcours les Barundi seront libérés de leurs complexes respectifs(de supériorité pour les uns et d'infériorité pour les autres), ainsi que le dépassement de soi en brisant les barrières du refoulement et de la résignation collectives qui font que des barons de la criminalité se croient aujourd'hui intouchables et, toujours mus par leurs instincts de destruction, règnent par la terreur à la place du droit et de la justice.

Burundi news : Quelles sont vos relations avec les chefs du parti CNDD-FDD ? Si vous aviez à faire des alliances avec les partis burundais, lesquels vous semblent proches ?

Rwasa : Permettez-moi que je rigole un peu! Quelles peuvent être nos relations avec ceux qui ont juré et promis à la communauté internationale d'annihiler le PALIPEHUTU-FNL? Les patrons du Cndd-Fdd exécutent un génocide contre nous depuis qu'ils ont signés leurs accords à Pretoria et Dar es Salaam en 2003. Que tout Burundais prenne acte des faits car tôt ou tard, les responsables de ce génocide en cours en répondront! S'agissant de faire des alliances avec des partis burundais, nous n'en voyons pas la possibilité, puisque ces partis-là courent derrière les postes pour remplir les poches comme les autres au détriment des petits citoyens qui sont abandonnés à eux-mêmes.

Burundi news : L’armée est composée à 50 % de hutu et 50% de tutsi selon les accords. Est-ce que cette représentation vous semble correcte ?

Rwasa : Il faut être médiocre en calcul pour saluer cette élucubration purement politicienne. D'ailleurs nous n'étions pas là quand ils ont concocté cette histoire d'où nous n'en connaissons pas les tenants et aboutissants: tout ce qui est évident c'est que les tares de l'armée burundaise d'hier le restent et s'aggravent même.

Burundi news : La rédaction de Burundi news vous remercie beaucoup.

Rwasa : C'est moi qui vous remercie!