INTERVIEW DE SALVATOR NAHIMANA, AUTEUR DU LIVRE YOBI, L’ENFANT DES COLLINES

 

Burundi news : Bonjour Monsieur Salvator Nahimana

 

S.N :  Bonjour.

 

B.N. : Vous avez écrit un livre ou un roman. Vous le terminez par ce passage : « L’histoire de Yobi que vous venez de lire est imaginaire. Toute ressemblance avec une personne existant ou ayant existé serait fortuite ou involontaire ». Après avoir lu le livre et connaissant l’auteur, on se demande si ce livre n’est pas l’autobiographie de l’auteur. Est-ce que Yobi n’est pas Salvator Nahimana ?

 

S.N :  Je vous réponds tout de suite non. Mais YOBI représente toute cette génération née dans les années cinquante qui a vu l’histoire du Burundi s’accélérer rapidement. Salvator Nahimana fait partie de cette génération bien sûr et il s’y retrouve. D’ailleurs, un collègue originaire de la Normandie [Région de la France pour nos ami(e)s qui ne le sauraient pas] qui a lu le roman m’a dit que l’histoire de YOBI lui a rappelé celle de son grand-père ! Quant aux jeunes Barundi qui ont lu le roman, ils m’ont avoué qu’ils comprenaient mieux leurs parents !

 

B.N. : Qu’est-ce qui vous a poussé à écrire ce livre ? La nostalgie du pays ou la volonté de transmettre votre culture à vos enfants ?

 

S.N : Beaucoup de facteurs ont contribué à l’écriture du livre :

- professionnellement, je travaille dans un milieu qui sort des livres régulièrement, donc j’ai fini par comprendre le secret de l’écriture ;

- également, j’ai lu beaucoup d’écrits sur le Burundi ces dix dernières années. Certains de ces écrits donnent l’impression que les Hutu et les Tutsi  ont toujours été des ennemis. Pourtant, tout instruit honnête sait d’où vient ce problème. A travers YOBI, L’ENFANT DES COLLINES, j’ai voulu montrer qu’il existe autre chose qu’on a tendance à oublier. Oui, j’aimerais que ce livre pousse mes enfants et d’ailleurs ceux des autres à se poser des questions sur l’avenir socio-économique du Burundi. Ayant travaillé une dizaine d’années au Burundi et autant en France, la nostalgie a rapidement cédé la place au réalisme. C’est une question d’âge peut-être.

 

B.N. : Dans votre livre, vous mettez en valeur la sagesse, ubushingantahe. Que reste-t-il d’ubushingantahe aujourd’hui ?

 

S.N : Personnellement, je pense que les valeurs citées existent toujours. Cependant, leurs voix ont été étouffées parce qu’elles n’arrangeaient pas les acteurs politiques. Qu’on le veuille ou non et cela prendra le temps qu’il faudra, il sera nécessaire d’aller puiser dans ces sources pour que le Burundi Etat  se retrouve dans le Burundi Nation. En effet, tous les acteurs politiques reconnaissent l’unicité du Burundi Nation mais ne s’accordent pas sur la manière de diriger le Burundi Etat. C’est une question de temps, le temps nécessaire que ces instruits réalisent qu’ils ne sont pas sur la bonne voix et arrivent à se poser les vraies questions pour ressouder le tissu socio-économique dans l’intérêt de tout le monde. Ce temps sera celui des compétitions de programmes de développement.

 

B.N : Dans le Burundi traditionnel, les rangs étaient déterminés en fonction d’âge et de sagesse, à savoir abashingantahe, abakungu etc… Vous évoquez les cas des instruits qui passaient directement du camp des bashingantahe sans être cooptés, kwatirwa. N’était-il pas le déclin de la culture ou le début des chocs des cultures à ce moment ?

 

S.N : Disons que cela a été la naissance d’autres structures. Mais celles-ci ont vite montré leurs limites. Justement ces limites correspondent à la période qui aurait dû plutôt être favorable à l’évolution harmonieuse du Burundi. En effet, les instruits qui connaissaient de nouvelles techniques, d’autres civilisations,…auraient dû les intégrer dans ces sagesses reconnues par leur société pour un développement durable. Aujourd’hui, ces instruits pourront-ils se ressaisir et en tirer des leçons ?

 

B.N. : En quoi l’arrivée de Yobi à Bujumbura ressemble de son arrivée en France d’autant plus qu’il s’agit dans les deux cas des nouveaux mondes ?

 

S.N :  Ces deux arrivées se ressemblent par cette découverte de l’inconnu.

 

B.N. : Yobi a été confronté aux problèmes hutu –tutsi. A-t-il pu se mettre en dehors de ces querelles grâce à l’influence de la culture de l’occident ?

 

S.N : Pas seulement même si l’occident y a contribué ! YOBI a appris à avoir un regard critique dès son jeune âge sur son environnement. Son grand-père l’a influencé ! Les choses évoluent, l’immobilisme tue.

 

 B.N : Yobi avait commencé à travailler jeune, à treize ans. Est-ce que vous laisseriez votre enfant travailler à treize ans pour gagner de l’argent ?

 

S.N :  Mes enfants travaillent pour avoir une bonne note. Ils ne sont pas dans les mêmes conditions que YOBI ! Le travail rigoureux doit être de mise quelque soit la récompense.

 

B.N. : Compte tenu des difficultés rencontrées par Yobi pour trouver du travail en dehors des connaissances. Croyez-vous que Yobi n’aurait pas eu du travail s’il était hutu et qu’il avait un ami ministre ?

 

S.N :  Pour toute personne qui connaît le Burundi, les connaissances facilitent des choses peut-être plus qu’ailleurs ! Aussi, le problème hutu-tutsi est simplifié : j’ai vu des hutu « pistonner » des tutsi  et vice-versa… La colline,  la région ou l'amitié est souvent plus importante que la supposée ethnie !

 

B.N. : Monsieur Nahimana, avez-vous l’intention d’écrire Yobi II ?

 

S.N :  YOBI II est en cours. Les idées se mettent en place petit à petit.

 

B.N. : Je vous remercie.

 

S.N :   C’est moi qui vous remercie. S’il y avait des lecteurs de votre site qui souhaiteraient acquérir le livre, ils peuvent me contacter par mél : samacala@wanadoo.fr