Source : burundi réalité
Soit vous fermez de votre propre gré, soit on vous y forcera par tous les moyens": Radio Isanganiro, cible d'une campagne agressive du parti au pouvoir
Source: Reporters sans frontières (RSF)
Bujumbura
- septembre 14, 2006
(RSF)
- (RSF/IFEX) - Reporters sans frontières exprime son inquiétude face
à l'hostilité croissante des partisans du Conseil national pour la défense de la
démocratie-Forces de défense de la démocratie (CNDD-FDD), le parti au pouvoir, à
l'égard de la radio privée Isanganiro. Le rédacteur en chef de la radio,
notamment, fait l'objet d'une campagne de calomnies et de menaces, tandis qu'un
de ses journalistes a été maltraité lors d'un meeting du parti présidentiel." A
défaut d'entendre nos appels au calme, le président Pierre Nkurunziza doit enfin
prendre conscience du mal que cette campagne agressive et absurde entretenue par
ses partisans cause à son pays. La violence verbale, les menaces et la haine
sont extrêmement dangereuses pour la démocratie. Radio Isanganiro et ses
journalistes ne font que leur travail et les accusations portées contre eux sont
infondées. Il est urgent que ce climat d'hostilité s'apaise", a déclaré
Reporters sans frontières.
English: Journalists receive death threats as ruling party supporters target
radio station in aggressive campaign
Pays/Sujet: Burundi
Date: 15 septembre 2006
Source: Reporters sans frontières (RSF)
Personne(s): Tatien Nkeshimana, Gabriel Nikundana
Cible(s): Rdacteur(s) , journaliste(s) , station(s) de radio
Type(s) d'infraction(s): agression , menace de mort , harclement
Niveau de priorité: Flash
Le 12 septembre 2006, un e-mail anonyme a été envoyé à l'adresse générale de la radio, qui diffuse aussi sur Internet. Selon le message, non signé et rédigé en kirundi, Isanganiro n'a "d'autres objectifs que de calomnier le nouveau régime issu des urnes". Le message intime à la radio de fermer son site web ( http://www.isanganiro.org ) : "Soit vous fermez de votre propre gré, ou on sera obligé de vous y forcer par tous les moyens. On vous demande maximum un mois, passé ce délai, gare à ce qui vous arrivera." Des menaces de mort y sont proférées à l'encontre des journalistes et de leurs familles, dont six sont nommément cités, leur conseillant de "se rappeler qu'ils sont encore sur terre, sinon, ils seront tués". L'expéditeur du message, "Burundi gov", utilise l'adresse intumwaburundi@yahoo.fr. "Intumwa" est le nom du journal animé par le premier conseiller de la présidence en charge de la communication, Willy Nyamitwe. Il est toutefois impossible d'identifier avec certitude l'auteur des menaces.
Depuis l'affaire du coup d'Etat qui aurait été déjoué au mois d'août, trois
radios privées, Isanganiro, la Radio publique africaine (RPA) et Bonesha FM,
sont régulièrement prises à partie par les partisans du CNDD-FDD (consulter des
alertes de l'IFEX des 23, 21 et 8 août 2006). Récemment, les actes menaçants à
l'encontre des journalistes d'Isanganiro se sont multipliés. Le 12 septembre,
par exemple, Tatien Nkeshimana, officiellement invité par le ministère des
Travaux publics à couvrir une intervention du chef de l'Etat, Pierre Nkurunziza,
au stade Saint-Augustin à Buyenzi, commune urbaine de Bujumbura, a été agressé
par des hommes en civil. Ces derniers lui ont interdit d'enregistrer ou de
prendre en note le discours du président et lui ont confisqué son carnet et son
matériel de reportage, ainsi que son téléphone portable. Son matériel lui a été
restitué plus tard après l'intervention d'un confrère de la télévision publique.
Gabriel Nikundana, rédacteur en chef de la radio Isanganiro, a été violemment
calomnié sur le site Internet du CNDD-FDD, Burundi Information, dans deux
articles en date du 3 et du 5 septembre, intitulés: "Le rédacteur en chef de
Isanganiro prend le large" et "Nikundana manque de visa, rentre et reprend son
poste". Accompagnés d'une photo, ces articles, le qualifiant de "journaliste
extrémiste" et faisant allusion à sa "petite taille", répandaient l'information
mensongère selon laquelle il avait échoué à s'enfuir au Kenya.
Le 3 septembre, le chef du parti au pouvoir, Hussein Radjabu, avait laissé
entendre, lors d'un meeting au stade Prince Rwagasore de Bujumbura, que les
journalistes critiquant le gouvernement verraient leur vie menacée (consulter
l'alerte du 6 septembre 2006). Cette violente intervention publique intervenait
quelques jours après que, le 24 août, Isanganiro avait jeté un pavé dans la mare
en diffusant une interview d'Alain Mugabarabona, un leader de l'opposition
incarcéré dans l'affaire du coup d'Etat, qui dénonçait un montage orchestré par
le CNDD-FDD, ainsi que les actes de torture dont il avait été victime en prison.
Isanganiro, créée en 2002 avec l'ambition de réconcilier par "le dialogue plutôt
que la force" (sa devise) les communautés du Burundi, a déjà été la cible de la
répression du précédent gouvernement. Le 13 septembre 2003, sa diffusion avait
été suspendue une semaine, sur ordre du ministre de la Communication, pour avoir
interviewé le porte-parole des Forces nationales de libération (FNL, un groupe
d'opposition armée) (consulter l'alerte du 16 septembre 2003).
Depuis le début de l'été 2006, les partisans du CNDD-FDD, dont on ignore s'ils
sont téléguidés ou non par le pouvoir, s'en prennent publiquement aux médias, en
mobilisant le lexique de l'opposition ethnique. Ainsi, le 24 août, une personne
se déclarant "citoyenne de Buterere, commune urbaine de Bujumbura" a envoyé une
lettre à la radio, dressant une critique vindicative en 15 points de la ligne d'Isanganiro.
Elle accuse la radio, dont le nom signifie "point de rencontre" en kirundi,
d'être devenue une "radio de la haine". La "citoyenne" s'en prend à toutes les
radios privées, qu'elle qualifie de "radios tutsies, ethnie minoritaire, proches
des partis d'opposition qui n'ont d'autres objectifs que de déstabiliser le
gouvernement".
Les journalistes de la presse publique ne sont pas épargnés. Ainsi le
correspondant à Kayanza (Nord) de l'Agence burundaise de presse, Aloys Kabura,
est détenu depuis le 31 mai à la prison centrale de Ngozi, pour avoir critiqué,
dans un bar de la ville, l'attitude du gouvernement dans un incident ayant
opposé la police, un député dissident du parti au pouvoir et plusieurs
journalistes. Il attend toujours l'issue de son procès, en délibéré depuis le 28
juillet. Régulièrement menacé par les services de sécurité, il était l'auteur
d'une enquête sur un trafic de sucre avec le Rwanda, dans lequel certains
policiers auraient été impliqués (consulter des alertes des 14 et 1 juin 2006).
D'AUTRES INFORMATIONS:
Pour tout renseignement complémentaire, veuillez contacter Léonard Vincent, RSF,
5, rue Geoffroy Marie, Paris 75009, France, tél: +33 1 44 83 84 84, téléc: +33 1
45 23 11 51, courrier électronique: afrique@rsf.org, Internet: http://www.rsf.org