La rédaction :   Nous donnons la parole à un lecteur de notre site. Son article date du mois d'avril 2006 et il est encore d'actualité.

Burundi news, le 08/09/2006

J’ACCUSE…, par Bernard NZIBAREGA

 

Il y a 34 ans, mois pour mois, notre chère patrie s’enfonçait durablement dans la pire tragédie de son histoire. L’établissement de la vérité sur l’identité des commanditaires de ladite tragédie, le(s) mobile(s), leur impunité restent encore des sujets tabous ! Pourtant, toute personne sensée sait qu’il n’ y a pas de crime sans criminel.

 

Pourquoi alors cette inertie condamnable de BAGAZA, BUYOYA, NTIBANTUNGANYA, NDAYIZEYE, et NKURUNZIZA pour diligenter des investigations de nature à mettre à nue la vérité sur les événements de 1972 au Burundi ? Qui peut expliquer le silence assourdissant du CNDD-FDD au pouvoir actuellement et l’acceptation de la puanteur fétide de l’impunité dans laquelle s’étouffent à mort tous les Barundi ayant encore un minimum de dignité ?

 

Chère lectrice, cher lecteur de cette contribution au débat, je suis révolté, mais pas désespéré. Oui, j’accuse d’indifférence au sort du peuple dont est issu ce pouvoir que nous avons mis en place démocratiquement. Je le trouve trop coupable de s’ingénier à protéger durablement les auteurs présumés de crimes contre l’humanité, ce qui est un comble pour un pouvoir se disant démocratique !

 

SIMBANANIYE Arthémon ( Ministre Plénipotentiaire de l’époque ), MPOZAGARA Gabriel ( alors Ministre de la Justice ou Procureur Général ), MWOROHA Emile ( patron d’alors des milices sanguinaires dénommées JRR  ) et d’autres … sont présumés être des cerveaux de la tragédie qui a rendu orphelins le Président NKURUNZIZA et la plupart de nos élus actuels. Comment peut-on avoir la mémoire aussi  courte ?

 

La responsabilité de ce pouvoir est d’autant plus grande que, pour la première fois depuis 1972, il dispose de tous les moyens institutionnels nécessaires pour améliorer le sort du citoyen dans tous les domaines, notamment dans celui de la justice.

 

Malheureusement, après 8 mois de pouvoir, le bilan accuse des records dans les détournements des deniers publics, la corruption, le terrorisme, les violations massives des droits de l’Homme dont nous souffrions sous les régimes précédents (sauf du temps de NDADAYE) dont nous croyions débarrassés à jamais… et tout cela sur fond d’ amateurisme inquiétant couplé d’une incompétence notoire à tous les échelons.

 

S’il est compréhensible, pour un pouvoir, de tâtonner au début de son mandat électif, il est, par contre, inadmissible de naviguer à vue ou, pire encore, de prendre pour conseillers des présumés criminels de notoriété publique. La qualité d’un chef se mesure  à l’aune de la compétence et de l’efficacité de ses collaborateurs. Et en la matière, le Président NKURUNZIZA est vraiment très loin du compte. Vous allez me dire qu’il est plus facile de critiquer que de proposer autre chose : vous avez raison. Toute critique, de mon point de vue, n’a de sens qu’à condition qu’elle soit positive et débouche sur des propositions constructives. En voici donc quatre que je considère comme indispensables et urgentes :

 

1.      Organiser, selon des modalités à définir démocratiquement, un débat contradictoire radio - télévisé entre Burundais des 3 ethnies principales remplissant l’unique condition d’âge , c’est-à-dire celle d’être né(e) avant 1952, afin d’éclairer objectivement les auditeurs et téléspectateurs sur les différents protagonistes de 1972, les responsabilités respectives, etc… Ce débat historique pourrait constituer l’occasion unique de provoquer un véritable recensement serein de toutes les victimes de 1972 que certains redoutent pour des raisons inavouables. La vérité est, pourtant, à ce prix.

2.      Ouvrir, dans chaque commune, un registre de doléances où tout citoyen pourrait s’exprimer anonymement sur ses préoccupations d’ordre politique, social, économique et sanitaire. Ces doléances remonteraient régulièrement aux Assemblées nationales ainsi qu’à l’Exécutif de manière à alimenter les débats parlementaires avec un feed-back garanti à la population tous les 3 mois, par exemple.

3.      Mettre fin immédiatement à l’ostracisme criminel décrété contre Agathon RWASA  et son organisation politico-militaire en dépit du simple bon sens. En effet les militants et sympathisants de ce mouvement ont , eux aussi, le droit de s’exprimer, n’en déplaise à ceux qui les affublent de noms peu flatteurs voire blessants dont ils devraient s’appliquer eux-mêmes s’ils étaient un tantinet honnêtes.

4.      Décomplexer définitivement les citoyens ( par rapport aux ethnies qui doivent être perçues comme source d’enrichissement mutuel plutôt que de conflit permanent ) et abolir à jamais le système de quotas ethniques dans les institutions politiques. La démocratie est, après tout, incompatible avec le système de quotas ethniques . La « méritocratie » est plus démocratique que l’« ethnocratie ».

 

Tels sont, me semble-t-il, des bases d’une paix durable qui ne peut que générer justice et développement dont nous avons tous tant besoin dans un Etat de droit où personne ne sera plus au-dessus de la loi. Même les criminels présumés y gagneraient.

 

Face aux énormes défis qui se dressent sur notre route commune (problèmes d’habitat, d’analphabétisme, d’adduction d’eau potable, d’électrification du pays, de mortalité infantile et maternelle, de misère, de SIDA, etc…) quiconque prive le peuple de sa contribution au débat ( selon ses moyens) n’est q’un(e) pauvre lâche qui, malheureusement, renforce le système d’impunité qui nous a arraché et continuera de nous arracher tant d’êtres chers si nous ne faisons rien ! Que de vies humaines auraient pu être épargnées !

 

BUYOYA, BIKOMAGU, NGEZE, NTAKIJE, MUKASI, BARARUNYERETSE, KADEGE, BAYAGANAKANDI, NIBIZI, SIMBANDUKU et compagnie…, cerveaux ou exécutants présumés de la décapitation des institutions démocratiquement mises en place en juin 1993 ne couleraient pas des jours paisibles si la majorité des citoyens burundais ne se réfugiaient pas dans une lâcheté innommable ! Quelle honte !

 

Il n’est jamais trop tard pour bien faire. Si nous ne barrons pas la route à tous les  criminels présumés de la tragédie de 1972, puis à ceux de 1993 à aujourd’hui, ce sont eux qui se chargeront de faire durer notre calvaire. Qui a dit qu l’on a les gouvernants que l’on mérite ? Existe-t-il une véritable opposition au Burundi ? La fondation de celle-ci s’impose de toute urgence.

 

Chère lectrice, cher lecteur si vous trouvez mes propos dérangeants, ayez le courage de vos opinions et profitez de ce site pour vous exprimer vous aussi. Chez nous le silence tue depuis trop longtemps.  A quand la fin de l’impunité ? Je vous salue bien bas.