Burundi news, le 23/03/2011

Par Jean Marie NGENDHAYO

COMMENT LE BURUNDI POURRAIT-IL ETRE SOLIDAIRE D’ AVEC LE PEUPLE JAPONAIS

          Aujourd’hui, suite au séisme du début du 11 Mars 2011 d’une magnitude rarement atteinte (8,9 sur l’échelle de Richter qui compte 9 degrés au total !) doublé d’un tsunami d’une violence effroyable, le Japon est menacé d’une  catastrophe nucléaire dont on mesure difficilement les conséquences à moyen et à long terme. Le Japon est le seul pays au monde à avoir subi un bombardement nucléaire à la fin de la seconde guerre mondiale[1]. Un malheur ne venant pas seul, il a fallu qu’en moins d’un siècle son industrie atomique menace ce petit archipel dans ses fondements.       

          Voilà un pays qui, depuis les années soixante, n’a jamais cessé de contribuer à l’essor du continent africain. Le Japon a accompagné nos indépendances dans le respect et la discrétion qui caractérisent si bien sa culture. Que ce soit au niveau bilatéral ou par le truchement du multilatéral, l’empire du Soleil Levant n’a jamais cessé de se préoccuper du développement de l’Afrique et du renforcement de ces institutions démocratiques. Si ce pays a certes connu une période impérialiste et brutale en Asie, on ne lui connaît aucune guerre coloniale ou post coloniale sur notre continent. Bien au contraire, l’Afrique dans son ensemble a eu jusqu’ici à se féliciter de l’apport en technologie et en savoir-faire du peuple nippon.

          Et pourtant, face au malheur qui frappe le peuple japonais pas une déclaration digne de ce nom, pas un geste ne fût-ce que symbolique en provenance du continent africain ! Que sommes-nous devenus pour faire preuve d’une telle insensibilité ? Que nous est-il arrivé pour faire montre d’une telle ingratitude ? Nonobstant la crise en Côte d’Ivoire, en Libye, au Soudan et en Somalie il nous faut rester à l’écoute du monde. Non pas seulement pour tendre la main ou ouvrir la bouche pour geindre sur notre destin si souvent meurtri, mais bien pour participer activement à l’édification de la civilisation universelle. Cet édifice se construira avec nous si nous agissons comme des hommes et des femmes préoccupés du sort des autres. La fameuse solidarité africaine ne s’arrête pas à la case du voisin ; elle doit aller au-delà des frontières et des mers. Elle doit s’adresser aux confins du globe là où il y a une présence humaine. Mieux, là où il y a ou peut y avoir une vie. Ignorer les autres et la nature, c’est s’ignorer soi-même ; c’est s’isoler et se positionner en paria. Et finalement devenir par option  ce que Frantz Fanon nommait des « damnés de la terre »[2].

          Sans entrer dans la polémique au sujet de l’exploitation ou non de l’énergie nucléaire, il faut savoir que le danger ne concerne pas uniquement le monde industrialisé. Le nucléaire est présent sur notre continent officiellement et officieusement. Des centres nucléaires fonctionnent en Afrique du Sud et dans d’autres pays du continent. Rien ne nous dit qu’un malheur ne pourrait pas les toucher un jour. A cause de dirigeants véreux et criminels, certains déchets radio actifs sont enfouis dans nos sols et nous n’en savons rien ou presque. Quid du jour où un tremblement de terre surgira ? Quid d’un glissement de terrain au mauvais endroit? Quid d’un acte terroriste de grande ampleur ? Un débat profond sur cette question s’impose car si tous nous ne mourront pas, tous serons-nous frappés tels les animaux par la peste dans la fable[3].

          N’en déplaise à ceux qui pensent se développer sans l’Afrique, n’en déplaise aux tyrans africains croyant se soustraire à la gestion globale du monde ; nous sommes tous embarqués sur un même bateau et chaque membre d’équipage est responsable de tous les passagers à bord. Faisons preuve de courage, de solidarité et de créativité face à l’adversité. Nous pouvons nous sauver et sauver les générations à venir si nous nous préoccupons de toute l’humanité en toute équité. Il me semble que face à la catastrophe alimentaire et humanitaire en perspective au Japon, il serait bon de faire preuve de solidarité à notre humble niveau ici à Bujumbura. Pourquoi, par exemple, ne pas organiser un mois dédié au Japon ? Cette période pourrait servir à animer des conférences débats sur ce que le Burundi et l’Afrique pourraient apporter comme contribution matérielle et morale au peuple japonais. On pourrait proposer comment permettre à certains fermiers des régions affectées la façon de délocaliser leur savoir faire  dans des régions plus clémentes comme l’Afrique dans un partenariat équitable avec les producteurs et les investisseurs locaux. Il serait judicieux d’imaginer une nouvelle coopération entre la Communauté Est-Africaine et le Japon à l’aune des nouvelles réalités socio économiques configurées par cette catastrophe naturelle et nucléaire.

          Ma proposition vaut ce qu’elle vaut, mais vous avez compris ma préoccupation : il faut agir et agir vite au nom de la fraternité humaine qui lie notre destin commun sur cette terre.

 

 

JEAN-MARIE NGENDAHAYO

Bujumbura, le 23 Mars 2011


 

[1] Les retombées des essais nucléaires, que ce soit sur les atolls du Pacifique ou dans certaines régions « désertiques », nécessitent encore une évaluation objective par des études indépendantes.

[2] « Les Damnés de la Terre » , 1961, Paris, Maspero.

[3] Lire la fable de La Fontaine intitulée : « Les Animaux malades de la peste ».