LA JUSTICE BURUNDAISE TOMBEE SUR SA TETE
Burundi news, le 19/06/2011
Par Gratien Rukindikiza
Il manque des fois des mots pour décrire des actions inimaginables. Le cas le plus récent est celui de la justice burundaise. Une séance à la cour suprême de la République a défrayé la chronique. Cette séance était dirigée par le président de la cour suprême en personne. Il devait entendre au cours de ce procès les avocats des intervenants dans le dossier Interpetrole et aussi le procureur général de la République. Un invité de trop était le maître d'œuvre de cette séance à savoir l'avocat général du gouvernement.
L'avocat du gouvernement contre le ministère public sur encouragement de la ministre de la justice
L'avocat du gouvernement avait porté plainte contre la décision du procureur général de la République il y a quelques mois. Cet avocat a retiré sa plainte en déclarant que son dossier manque de preuves. Voilà le même avocat qui revient avec le même dossier et le même problème de manque de preuves.
Au niveau de la forme, c'est en principe le ministère public qui accuse dans ce genre de dossier. Cette fois-ci, c'est l'avocat du gouvernement qui porte plainte en citation directe. Le ministère public se retrouve sur les mêmes bancs que les accusés. On se retrouve dans une situation où deux avocats d'un même client s'affrontent devant les juges, l'un disant qu'il n'a aucune raison de continuer le procès et l' autre affirmant détenir des preuves et continuant à défendre le dossier vide.
Du jamais vu dans le monde judiciaire au Burundi. Le ministre de la justice avait donné son accord pour classer le dossier sans suite. De sources sûres, le Président Nkurunziza avait aussi avalisé le classement du dossier sans suite. Le même ministère de la justice pousse l'avocat général du gouvernement à porter plainte en citation directe. Le procureur général, défenseur des intérêts de l'Etat se retrouve accusé d'avoir commis une faute en classant sans suite le dossier. Le procureur général de ce moment serait en tort, le ministre de la justice aussi sans oublier le Président Nkurunziza.
Le dossier Interpétrole classé sans suite après les conclusions d'une commission paritaire
Ce dossier a été analysé par une commission paritaire composée par des représentants de la Présidence et des représentants de la société Interpetrole. Sur base de ce document, le procureur général de la République a classé le dossier sans suite. Le dossier en soi devait être clôturé sans un jugement. Le recours en justice était définitivement abandonné. Cependant, il restait toujours le fameux chèque de caution. Ce chèque attise la convoitise. La décision de la commission paritaire est un document qui risque de se retrouver dans les instances judiciaires internationales. Le Burundi sera largement perdant.
Si Interpetrole gagne le procès dans un tribunal arbitral international à Paris ou à Washington, c'est la Banque mondiale qui paiera à la place du Burundi. En effet, le Burundi est classé parmi les pays insolvables. La Banque mondiale paiera et le montant sera ajouté à la dette burundaise.
Le procès comédie dirigé par le président de la cour suprême
La séance a été magnifique en matière de comédie. Le président de la cour a commencé par dire que tout avocat représentant une personne absente n'a pas droit à la parole. La parole a été donnée à l'avocat du gouvernement. Il a parlé des rapports sur ce dossier. Il a joué le rôle du procureur général se trouvant à côté de lui. Quand les avocats de la défense ont voulu poser des questions, le président de la cour a dit qu'ils n'auront pas la parole. Isaac, accusé aussi dans le dossier, n'a pas eu droit à la parole.
Le président de la cour suprême a demandé au procureur général de la République de s'exprimer sur ce dossier. Ce dernier a expliqué que le ministère public a travaillé pendant 3 ans sur ce dossier et qu'il a pris la décision de le classer faute d'éléments de culpabilité. Il a dit que pour lui, le dossier est vide.
Le président de la cour, sans donner la parole aux prévenus et à leurs avocats, a clôturé la séance et aussi le procès en attendant sa délibération.
La cour n'a pas besoin de délibérer car elle a écouté que l'accusateur.
Les dessous du dossier Interpetrole
Pourquoi le dossier revient dans une telle forme lamentable? Quelles sont les motivations de la ministre de la justice? Qui est avec qui? Qui est contre qui?
Le dossier revient parce qu'un tandem s'est formé composé par la ministre de la justice, le gouverneur de la BRB et le Président Nkurunziza. Le gouverneur de la BRB demande depuis plusieurs mois 10 % de ce chèque de caution de 5 milliards de francs bu. Il a convaincu la ministre de la justice pour composer ce tandem. Les deux ont convaincu le Président Nkurunziza de relancer le dossier pour tenter de gratter en peu de sous sur ce dossier. Le Président Nkurunziza pousse le dossier en justice malgré la forme lamentable et la violation du droit.
La ministre de la justice a pu obtenir le limogeage du procureur général de ce moment Elysée Ndaye. Devenu président de la cour des comptes, Ndaye n'est pas à l'abri des missiles de la ministre de la justice. En relançant ce procès, la ministre de la justice veut régler les comptes à l'ancien procureur général de la République.
Ce dossier divise les dignitaires du pouvoir. Certains estiment qu'il est déjà clos et que sa réouverture ne fait qu'empirer le mauvais climat des affaires au Burundi. Ces gens sont opposés au trio cité ci -haut.
Le Président Nkurunziza n'a pas raté une occasion de se ridiculiser. Après avoir donné son aval pour clôturer le dossier sans suite, le voilà poussant l'avocat du gouvernement de porter plainte contre la décision prise sur aval du même Président Nkurunziza.
On aura tout vu au Burundi.