Burundi news, le 12/03/2010

SOUS-REGION: Kidnaping de Déo Mushayidi, complicité ou impuissance des services burundais?

Vendredi, 12 Mars 2010 13:58, écrit par Antoine Kaburahe

Déo 
Mushayidi ©Collection Privée

 
 

 

 

 

 

Déo Mushayidi, un opposant au régime du président Kagame a été enlevé à partir de Bujumbura. Les informations filtrent très peu. Du côté des officiels burundais et des services de sécurité, le silence est de rigueur. En recoupant plusieurs sources en Europe et dans la sous-région, Iwacu  tente de donner quelques  clefs pour comprendre cette affaire entourée par le plus grand secret au nord et au sud de la Kanyaru.

Chronologie de son kidnapping du jeudi 04 au 05/03/2010
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Selon des sources proches de l’ancien journaliste, jeudi le 4 mars 2010, monsieur Déo Mushayidi  été arrêté par des policiers tanzaniens dans la Ville de BUKOBA en Tanzanie. Il a été conduit à la frontière du Burundi à Kobero. La Police des Airs, des Frontières et des Etrangers (PAFE) l’a transféré dans la capitale burundaise, jeudi soir.
- Vendredi le 5 mars 2010 vers 10h, M. Mushayidi a réussi à téléphoner à ses collègues du Pacte de Défense du Peuple (PDP) résidant en Europe. Il leur a expliqué sa situation. Ses collègues ont réussi à joindre quelques responsables policiers burundais à qui ils ont expliqué la qualité d’opposant politique de Mushayidi. Selon lui, les responsables burundais lui avaient assuré de lui apporter l’aide nécessaire en sa qualité d’opposant politique. Apparemment, ils savaient qui il était. Ils pouvaient donc évaluer les risques de perdre non seulement sa liberté mais aussi sa vie  au Rwanda.

Vendredi 5 mars 2010 vers 15h, ses collègues du PDP en Europe ont perdu tout contact téléphonique avec lui. Ils se sont inquiétés et ont commencé à appeler les responsables de la PAFE. Mais personne n’a voulu décrocher le téléphone et répondre à leurs nombreux appels. A partir de cet instant plus aucun policier ou agent de l’immigration n’était joignable jusqu’au moment où un article du News Times de Kigali a mentionné la capture de Déo Mushayidi et sa déportation à Kigali.

Nervosité à Kigali


ArrestationSelon plusieurs sources, avec la campagne des élections présidentielles actuellement en cours, le régime resserre un peu plus le vis, surtout  vis-à-vis de l’opposition. Mais en fait, comme l’attestent plusieurs connaisseurs de ce pays, le Rwanda  n’a jamais été facile pour les  opposants. En 2003,   le  seul candidat, Faustin Twagiramungu, qui avait alors osé apporter la contradiction au président par intérim d'alors, Paul Kagame, n’a pas eu la tache facile. Selon des témoignages concordants, tous les moyens de l'État étaient mobilisés au service du candidat officiel. Selon le professeur André Guichaoua, qui suit la politique rwandaise depuis plusieurs années, « Faustin Twagiramungu se retrouva très vite dans l'impossibilité de facto de mener toute campagne électorale : arrestation de membres de son équipe de campagne, impossibilité de se déplacer et de tenir des meetings, menaces diverses envers ceux qui y participaient. »
Le même scénario semble devoir se répéter en 2010. Il y a quelques semaines, avec les attentats à la grenade et les accusations officielles dénonçant les "Interahamwe", synonyme de "génocidaires",  un nouveau pas avait été franchi dans les attaques visant la candidate de l'opposition, Victoire Ingabire, et les observateurs étrangers n’excluaient plus que la présidente des FDU ( Forces Démocratiques Unifiées du Rwanda) soit arrêtée et, au mieux, expulsée.  Le parti au pouvoir ne supporte pas  toute forme de déviance qui, au-delà de la sphère politique, concerne tous les domaines de l'activité sociale .

Kigali adresse un message fort envers les opposants


Selon plusieurs sources fiables, Déo Mushayidi, à la différence des opposants expatriés de Bruxelles, avait décidé de s'implanter à proximité du Rwanda et circulait fréquemment entre la Tanzani et l'Ouganda. Il bénéficiait de ce fait d'un ancrage et d'une crédibilité non négligeables. D’après nos sources, son enlèvement, décidé après la fuite du général Kayumba Nyamwasa en Afrique du Sud alors que ce dernier menaçait de rendre public « les secrets » du régime, est un message qui lui est personnellement adressé ainsi qu'à tous les autres dissidents pour leur signifier que personne n'est à l'abri des commandos des services de sécurité rwandais, où qu'il soit et quel qu'il soit.

Obéissance du régime burundais à Kigali


Jusqu'à preuve du contraire, il ne s'agit pas d'une extradition, mais d'un enlèvement ce qui est très différent. En se refusant à indiquer selon quelle procédure Déo Mushayidi a été livré aux agents rwandais présents à Bujumbura et en ne protestant pas ensuite contre ce qui peut être considéré alors comme une procédure extrajudiciaire, les autorités burundaises accréditent, en pleine campagne électorale nationale, l'idée d'une complicité ou de leur impuissance. L'accusation serait particulièrement grave s'il était prouvé, comme le déclare le porte-parole du PDP-IMANZI, que Déo Mushayidi s'était rendu à « Bujumbura pour y rencontrer des officiels burundais avant de gagner Kigali pour y mener campagne ».