LES DESSOUS DE LA GUERRE DANS LE KIVU

 Burundi news, le 04/10/2017

Par Gratien Rukindikiza

Si la région des Grands Lacs est riche, elle est riche des tragédies, des guerres, de l'insécurité des peuples. Une région instable depuis le génocide au Rwanda. Un seul pays s'embrase et les autres suivent. Les peuples doivent être solidaires car la contagion ne les épargne pas. Après le génocide rwandais, le Kivu au Congo a été secoué par une vague des migrations jamais vue en Afrique quand presque tout une population se déplace par des millions. Parmi ces réfugiés, il y avait des génocidaires et qui tenaient à reprendre le pouvoir à Kigali. Le Kivu inaugurait ainsi une longue période de malheur, de guerre.

Le glissement politique au service de la guerre

Il peut manquer le développement, la justice, la démocratie mais il ne peut pas manquer d'ingéniosité chez les dictateurs. Le Président Kabila ne peut pas se faire réélire pour un troisième mandat. Maudit troisième mandat! Kabila n'a pas organisé les élections à la fin de son mandat mais il a trouvé un nouveau terme à savoir le glissement. Il glisse son mandat, pardon, sa présidence ni vu ni connu. Quand on glisse, il est difficile de mettre une limite. Kabila va terminer un an de glissement et il n'est pas prêt à organiser des élections auxquelles il ne pourra pas participer.

C'est ce glissement qui provoque l'insécurité au Congo et qui sera un drame pour ce peuple congolais. Beaucoup d'opposants ont fui le pays en raison de ce glissement. Katumbi, très populaire au Katanga, a fui le pays. Le beau-fils de l'ancien Président angolais Dos Santos, Sindika Dokolo,  a fui vers l'Angola et l'Angola était le grand pilier de la sécurité du RD Congo. Aujourd'hui, les relations diplomatiques  sont tendues.

A l'Est, les relations avec le Burundi sont ambiguës. Quant au Rwanda et l'Ouganda, malin sera celui qui pourra les caractériser.

La guerre du Congo et les enjeux régionaux

Les Congolais attendent celui qui peut arrêter le glissement de Kabila. Les évêques n'y sont pas arrivés. Les manifestations non plus. Certains sont tentés par les armes.

A l'Est de la République démocratique du Congo, il y a une ethnie de tradition guerrière, les Mai-Mai. Ils ont participé à plusieurs guerres et sont maîtres de leur territoire avec les armes à la main. Pourtant, en mars 2013, le chef d'une rébellion des Mai Mai portant le nom de William Amuri alias Yakutumba, s'était rendu aux forces armées congolaises.  Il a été intégré dans l'armée pour pacifier sa région. Quelques années après il est reparti dans la rébellion. C'est le même Yakutumba qui revient. Cette fois-ci avec beaucoup de forces car il aurait appris les leçons de son échec.

 

L'attaque de ces derniers jours dans le Kivu était d'une autre ampleur car elle a menacé la vile d'Uvira. Elle a inquiété le pouvoir de Kabila car Goma et Bukavu n'étaient pas loin des rebelles.

Qui a armé les rebelles du général Yakutumba? Quelle coalition?

Une guerre cache une autre. Des fois on peut dire qu'une guerre avale une autre ou deux font une. Probablement que c'est ce qui se fait au Congo.

Les M 23 ont constaté que leur guerre aura du mal à dépasser le cadre ethnique Banyamulenge. Yakutumba a compris aussi que la guerre des Mai Mai n'a plus de sens. Le Président Kabila, sans le savoir été le fédérateur des mécontents. Une alliance s'est nouée. Contrairement à ce qui se dit, il ne s'agit pas d'une guerre des Mai Mai mais des mécontents, groupes rebelles de l'Est qui ont mis de côté leurs guéguerres entr'eux. Cette rébellion est composée de tout ce qui est groupe armé de l'Est du Congo. La puissance du feu et du mouvement des premiers jours laisse penser que cette rébellion bénéficie des soutiens régionaux.

Une guerre à l'Est du Congo a plusieurs enjeux pour les pays voisins de l'Est du Congo. Toutefois, ces enjeux varient du fait qu'on est parrain, soutien ou pas. Dans la région des Grands Lacs, tu es avec moi ou tu es contre moi. On dirait que la neutralité est un mot tabou.

Nkurunziza a cherché Yakutumba pour en faire son ami. Les démarches n'ont pas abouti car Yakutumba a vite compris les limites du prétendant. Ainsi, Nkurunziza n'a pas aidé ce mouvement et ses troupes ne sont pas passés par le Burundi. Ce sont plutôt des bateaux militaires congolais qui ont utilisé la zone lacustre burundaise pour attaquer les rebelles à Uvira.

Le pouvoir de Bujumbura s'est rangé derrière Kabila après avoir échoué à nouer des relations avec le rebelle Yakutumba. Bujumbura a apporté son soutien à l'armée congolaise. Quant aux rebelles, la Tanzanie et le Rwanda n'ont pas apporté leur concours. Sans doute, ces pays ont voulu se tenir à l'écart. Le Président Magufuli est plus occupé dans les dossiers tanzaniens qu'il a horreur des dossiers internationaux qu'il aborde souvent maladroitement. Pour le Rwanda, probablement qu'il a préféré observer ce qui se passe car demain il peut être médiateur car le Président Paul Kagamé sera le Président en exercice de l'Union Africaine pendant l'année 2018. L'Ouganda est le pays qui héberge les rebelles du M23 qui ont fui après leurs défaites. Est-ce que le Président ougandais Museveni a laissé sortir ces rebelles sans qu'il soit au courant? Cela peut être possible car quand on reste au pouvoir longtemps, un système de commandement parallèle se met en place. Toutefois, rien n'indique le vrai parrain de cette rébellion. L'armée congolaise est le grand pourvoyeur des armes de cette rébellion. Beaucoup de militaires passent aussi du coté de la rébellion.

Cette guerre à l'Est du Congo vient au moment où la colère gronde dans ce pays. Le Président Kabila ne veut pas partir.  Il n'est pas exclu que d'autres guerres naissent au Sud, sans oublier une révolte de sa propre armée. La course a déjà commencé. Qui va faire tomber Kabila en premier? Les rebelles ou l'armée?

La grande question à l'Est est de savoir si la position adoptée est la meilleure. Faut-il soutenir les rebelles en misant sur leur future victoire? Faut-il se ranger derrière Kabila au cas où il pourrait glisser vers l'infini? Les plus malins cherchent à être amis avec les rebelles et le pouvoir. Une position intenable.

Il est difficile de prévoir si cette rébellion est battue ou s'elle ne se réorganise pas en vue d'une vraie guerre qui risque de durer longtemps. La région des Grands Lacs nous réserve des surprises.