Burundi news, le 21/06/2009

 

Source : Burundi transparence

Les lamentations d’un ex-combattant du Cndd-Fdd
 Le 20 juin 09

Après une longue période d’hésitation, je me suis résolu de passer à l’action pour porter à la connaissance de l’opinion nationale et internationale ma désolation sur les prestations de mon parti d’origine à la veille des prochaines échéances électorales. Je vais orienter mon appréhension sur la seule chose qui peut lier un Chef d’Etat à un simple citoyen comme moi. C’est à travers ces lignes que je vais essayer d’exprimer mes inquiétudes eu égard à la situation actuelle de notre bien commun à savoir le parti Cndd-Fdd et la Nation burundaise.

Je ne voudrais pas revenir sur l’historique de ce bijou de jadis pour ne pas accentuer mon chagrin, mais permettez-moi de rappeler ce que fût la fierté d’un bon nombre de combattants qui, comme moi ont décidé de prendre les armes et d’autres qui, non seulement nous ont rejoints sur le champ de bataille, mais aussi y ont laissé leur vie et que Dieu ait leurs âmes. Nous luttions pour des valeurs nobles, les seules qui malheureusement nous font défaut aujourd’hui, bientôt cinq ans après la prise du pouvoir par notre parti. C’était la "JUSTICE", la "DEMOCRATIE" et le "DEVELOPPEMENT" pour tous les habitants de ce petit et joli pays à la forme d’un cœur, placé justement au cœur de l’Afrique. Au départ, tout le monde nous taxait d’extrémistes hutus à tort et à travers. Plus tard, le temps nous a donné raison. L’extrémisme nous collé s’est transformé en nationalisme et le peuple nous a cru en plaçant toute sa confiance en nous. Nous lui promettions monts et merveilles et notre projet de société était sans égal. A notre arrivée, je me rappelle combien la salle de l’hôtel Méridien était pleine à craquer. Tout le monde nous prenait pour des messies. Il nous considérait comme des rédempteurs et il y croyait fermement. Le peu de temps qui restait à la transition fût longue pour eux. Tellement les burundais espéraient nous voir à l’œuvre du changement qu’ils s’en impatientaient.

Brusquement, une petite année après, tout a basculé. Tous les espoirs se sont envolés et spontanément, l’obscurité mêlée à un brouillard ont fait place au beau temps. Le parti pronostiqué favori pour des décennies fût scindé en deux blocs antagonistes qui se regardent en chiens de faïence. Nos amis de lutte d’hier sont devenus les "BAGIGIZA et TALIBANS" d’autrefois. La date fatidique du 07/02/2007 restera inoubliable dans la mémoire des gens avec qui nous avons partagé la lutte. A ce jour, nous avons détruit nous-mêmes l’œuvre qui nous a coûté plus que cher. L’erreur est humaine dit-on, et je suis convaincu que mieux vaut tard que jamais de se relever. Les scènes auxquelles nous assistons sont très décourageantes. Quand nous avons quitté le maquis, j’avais le grade de sergent. Aujourd’hui, je suis un officier. Dieu seul sait si j’en suis fier ! A notre passage, c’est la désolation totale. Nous sommes hués, dénigrés et les gens parlent de nous avec réserves. Des pleurs, des lamentations et parfois des injures retentissent de partout et nous accompagnent. Nous n’inspirons plus confiance. A la place, c’est la peur et le désespoir qui se sont installés.

Pourtant à Dar Es Salam, la communauté nationale et internationale nous a applaudies espérant que nous étions à la hauteur de la tâche qui nous attendait. Je me rappelle de la fierté que nous avions à l’époque devant nos parents, nos frères et sœurs qui nous traitaient auparavant de malades mentaux ! Pensons aux encouragements des ténors de la planète qui étaient sur place, le cœur palpitant fortement à l’idée qu’ils avaient du sort que nous allions réserver à notre patrie. Je revois les Présidents Clinton et Mandela exhiber toutes leurs dents après la signature des accords d’Arusha. Rappelez-vous chers combattants des malheurs connus ensemble au front ! La faim, le froid, la mort, AGAFUNI et le sang de vaillants combattants tel que feu NGURUBE qui a été versé pour le bonheur des burundais ! Rappelez-vous de la pate au poulet (ISOMBE) que nous partagions dans des cases fabriquées à la termitière ! Souvenez-vous des efforts déployés par la population pour nous nourrir, de leurs enfants dont elle n’avait pas peur de nous livrer malgré le danger qui les guettait ! Au Président de la République, je lui demanderais de daigner avoir le courage d’observer sa cicatrice à la jambe qu’on allait lui amputer chaque fois que l’occasion se présente ainsi que toute l’histoire qui entoure ce miracle divin ! Je me souviens des vies humaines sacrifiées par nous-mêmes et nos anciens adversaires, pour se retrouver là où nous en sommes maintenant !

Aujourd’hui, c’est le gâchis total et la consternation qui planent sur le Burundi du nord au sud, de l’est à l’ouest. Les gens à qui nous promettions le changement meurent comme des mouches. L’insécurité s’est installée et en grande partie par nous-mêmes, la famine bat son plein, l’économie nationale est au bas de l’échelle, l’injustice est devenue un mode de gouvernement pour mâter tous ceux qui, par amour ou pas, nous font un clin d’œil. La corruption à tous les niveaux se répand à un rythme exorbitant. Notre politique de soins de santé et de scolarisation gratuits est tombée à l’eau faute d’une gestion équitable du gâteau national. Les grèves répétitives plongent le pays dans un état mort figé et c’est l’économie nationale qui en pâtit. Nos amis d’hier sont devenus des ennemis et la liste ne fait que s’allonger au jour le jour. Bref, rien ne va au pays et nous nous condamnons à l’exclusion sans nous en rendre compte.

Le parti Cndd-Fdd n’a pas gagné les élections pour imposer au peuple burundais la dictature. Tous les courtisans qui grouillent autour du Président de la République ne font que l’enfoncer irréversiblement. Pour satisfaire leurs intérêts sectaires, ils lui donnent des conseils suicidaires, l’accompagnent vers sa déchéance certaine, tout en lui leurrant des espoirs et des éloges sans fondement. Pour sucer la sève nationale seuls, ces cajoleurs l’écartent de ses amis et il se crée des ennemis inutilement. Par leurs conseils malencontreux, notre Président viole l’inviolable et piétine même son bouclier qu’est la Constitution. C’est très grave pour le Père d’une Nation qui est entouré par des parasites qui le poussent à paralyser l’Etat dont il a la charge de diriger.

Si par hasard je parle dans un langage qui vous déplait, Monsieur le Président, daignez m’en excuser car, la vérité n’est pas toujours facile à digérer, mais elle aide les gens à se ressaisir. Ne pas la dire serait une trahison de ma part à l’égard du peuple et de nos frères qui sont tombés sur le champ de bataille, puisqu’il est dit : "celui qui commet une injustice, celui qui l’y aide et celui qui l’accepte sont tous les trois des associés, des complices".

Les observations que je fais ici sont une autocritique sur la situation qui prévaut au Burundi. Sans compliments, sachez-le, le pays va très mal, plus qu’il ne l’a jamais été d’ailleurs. La santé politique, sociale et économique tend vers le négatif. Tels sont les faits qui m’encouragent à oser dire ce que ses protégés préfèrent lui cacher pour allonger provisoirement leur période de gloire. Au parti comme au gouvernement, le Président de la République est entouré par des arrivistes qui n’ont aucune vision objective de la Nation. Ils l’anesthésient avec des louanges et l’accompagnent sciemment vers sa chute certaine. Notre Président a foulé au pied le projet de société du Cndd-Fdd et s’est piégé en s’engageant dans des problèmes géopolitiques qu’il ne maitrise pas.

Au stade où se trouve le parti, une réforme profonde et urgente s’avère plus que nécessaire. Des hommes et femmes honnêtes, intègres et compétents, dévoués à l’idéologie du parti et à la cause nationaliste seraient d’une importance capitale. Le dialogue et la concertation avec tous les partenaires seraient salutaires pour redorer l’image du pays ternie par les bavures successives qu’on observe ici et là sous l’étiquette du parti au pouvoir. Les jeunes "IMBONERAKURE" sont formés en une milice à l’image des formations génocidaires que la région a connues. C’est en quelque sorte une façon de les envoyer à la potence comme si tel était le programme leur réservé dans notre projet de société. En qualité d’officier conscient de ma mission et de mes devoirs envers ma chère patrie, je les combattrai de toutes mes forces comme des ennemis à mon peuple car, je suis au service de la nation et non d’un parti quel qu’il soit.

A l’Assemblée Nationale, les députés sont réduits aux simples fonctionnaires du parlement. Le mode de gouverner a réduit les dimensions de leurs attributions que le peuple et la Constitution leurs confèrent. Au lieu de jouer le contrepoids, le Président de cette chambre basse transformé en torchon, nettoie et cautionne toutes les souillures de l’Exécutif en violation flagrante du bréviaire qu’est la Constitution. Sous les injonctions de l’Exécutif, il va jusqu’à démettre 22 députés élus par le peuple juste pour faire de cette institution une boite de résonnance du parti au pouvoir et du gouvernement. Quelle invraisemblance quand on sait que l’Assemblée Nationale a pour rôles principaux de contrôler l’action du gouvernement et de voter les lois !

Au gouvernement, le Président de la République devrait prendre son temps pour analyser ses ministres. Beaucoup d’entre eux sont des « BAGABO N’IRYO ». Ils ont le verbe de Lucifer, chantent et dansent quand le peuple agonise, lui disent que tout va bien quand rien ne marche et applaudissent si bien même il rate une marche en qualifiant le geste de volontaire et d’élégant. Ce sont des pique-assiettes au vrai sens du terme. Des aménagements à ce niveau sont plus qu’imminents. Si pour le bonheur du peuple il faut remanier le gouvernement cent fois au cours d’un mandat, qu’importe, pourvu que la volonté de vos mandants soit exaucée.

Dans les forces de défense et de sécurité, la situation est catastrophique surtout au niveau de la police nationale. Les dirigeants du parti Cndd-Fdd en ont fait une milice à leur solde. Certains membres de ce corps sont commandés par ces derniers et les aident à violer les textes et lois réglementant le fonctionnement des partis politiques dans un Etat à régime multipartite. Cette façon de les manipuler pousse un bon nombre parmi eux de se conduire comme des délinquants et figurent dans les groupes terroristes qui endeuillent le pays tous les jours. C’est une honte pour la nation et pour le Commandant Suprême des forces de défense et de sécurité. Toutes ces bavures qu’ils commettent s’inscrivent sur son palmarès. Elles souillent son nom et il faut qu’elles s’arrêtent immédiatement. Primer ou donner des promotions aux membres du corps de sécurité qui ont brillé dans le vol du patrimoine de l’Etat et dans le viol des libertés et des droits de paisibles citoyens est un signe très éloquent qui prouve aux yeux du monde qu’ils sont soutenus au plus haut niveau et de surcroît remerciés.

Le corps de justice excelle dans sa disqualification comme organe indépendant dans sa prise de décisions. Au lieu de dire le droit, de servir impartialement la nation, certains de ses membres sont aux commandes de l’Exécutif et condamnent sans scrupules des innocents pour gagner les faveurs de ce dernier. Bref, ils sont corrompus jusqu’à la moelle épinière et discréditent le Burundi au concert des nations en matière du respect des droits de l’homme et de la démocratie.

La liste des manquements sous le règne du Cndd-Fdd est longue pour dire que le fardeau que ce parti porte est très lourd de conséquences. Avant de terminer mon message que les dignitaires du parti au pouvoir auront le courage de lire en entièreté je l’espère, permettez- moi d’émettre un vœu de les voir à l’œuvre entrain de rectifier ces délits aussitôt, de la même manière qu’ils procèdent pour planter les avocatiers partout dans le pays. Ils auront relevé un défit et honoré tous les combattants qui ont péri pour la noble cause ci-haut citée. La satisfaction du peuple dont nous avons le devoir de servir sera une fierté à nous tous qui avons survécu.