Burundi news, le 18 septembre 2006

LETTRE OUVERTE A KABUTO

 Par Gratien Rukindikiza

Cher Monsieur  Kabuto,

Au cours de notre discussion à Bruxelles il y a un an, vous aviez soulevé beaucoup de manquements de votre parti CNDD-FDD. Vous me parliez même de certains « individus, bien placés, qui ont failli à leurs missions ». Je ne les citerai pas. Vous vous en souvenez je pense, d’ailleurs  je n’étais pas seul car il y avait aussi d’autres militants de la première heure du CNDD-FDD. Je dois dire qu’à cette époque, j’avais vraiment admiré votre franc-parler, votre  indépendance d’esprit. Le Kabuto que j’ai rencontré  à cette époque n’est pas le Kabuto d’aujourd’hui. C’est vrai, les hommes changent.  Et c’est triste. Mais c’est votre droit aussi de  retourner la veste. Vous n’êtes ni le premier, ni le dernier. Je me suis trompé sur vous.

Monsieur Kabuto, dans votre article sur la démission d’Alice Nzomukunda, toutefois une phrase m’a interpellé. Je vous cite : « De toute façon, jamais à cause de cette « ingratitude » d’aucuns vouent aux gémonies le Parti au pouvoir lorsqu’ils constatent que leur soif des honneurs ou des privilèges est poliment ignorée comme l’illustrent les cas du journaliste Alexis Sinduhije et de son oncle Gratien Rukindikiza ».

Je crois bien comprendre que mon neveu Alexis Sinduhije et moi serions déçus de ne pas avoir eu des postes au Burundi. Je ne suis pas le plus étonné. Radjabu et Karenga, vos maîtres à penser le sont plus que moi. Je peux comprendre, vous n’êtes pas dans les secrets et vous essayez d’inventer. Dur, dur le boulot d’un griot !

Je vais vous éclairer un peu . Les chefs de votre parti m’ont souvent demandé de rentrer pour les aider. J’ai toujours refusé cette offre pour plusieurs raisons que je vais vous citer :

La première fois que j’ai rencontré Radjabu, j’ai tenu à lui signaler deux choses :

J’ai fait deux demandes :

Voilà les préalables à notre discussion un an avant qu’ils accèdent au pouvoir. Ce n’est pas trahir notre  conversation car je ne parle pas de la teneur de notre discussion. Je tiens tout de même à vous dire la réponse qu’il m’a donnée : « Ah, vous êtes un révolutionnaire ».

Monsieur Kabuto, je pense que vous péchez par ignorance. Si vous pensez réellement que j’ai cherché des postes, informez-vous bien.

Quant à Alexis Sinduhije, vous ne le connaissez pas. Demandez à tous ceux qui le connaissent, même ses pires ennemis  vous diront qu’Alexis n’a pas soif de pouvoir . Il « n’a jamais demandé un poste de ministre » et même avec un pistolet sur la tempe, il n’accepterait jamais pareille offre. Alexis est un journaliste dans l’âme. Il aime passionnément  son métier. Il est à l’aise avec sa radio. Alexis Sinduhije a commencé à critiquer le pouvoir il y a moins de 7 mois. Or, il y a plus de 12 mois que le gouvernement a été formé. Pourquoi aurait-il accepté d’embaucher l’épouse de Karenga à la radio RPA s’il avait une dent contre le CNDD-FDD ?

Monsieur Kabuto, vous avez été au Burundi récemment.  Les « chercheurs » de  poste  de la diaspora, on les connaît.  Votre dernier « carnet de voyage » est d’ailleurs très révélateur. J’ai  eu pitié   pour vous en le lisant.

 Votre colère  pour n’avoir pas été reçu par  le président du Sénat (Il vous a ignoré  c’est d’ailleurs vous-même qui l’écrivez !) a montré votre petitesse. Maladroit,  vous avez déversé votre fiel sur lui, l’accusant de tous les maux. Même chose pour Alice Nzomukunda qui n’a pas trouvé le temps de recevoir le grand Kabuto.

  Cela ne va pas vous faire plaisir mais sachez que pour ma  part, j’ai rencontré les autorités que je voulais. Certaines ont souhaité me rencontrer et j’ai décliné l’invitation poliment pour des raisons diverses. Au moment où le président du Sénat passait à côté de vous sans vous dire bonjour, j’avais l’honneur de visiter le Parlement burundais.

J’ai eu  de la peine aussi de lire qu’après tant d’années d’absence de votre pays, vous avez dû quémander de l’argent auprès de ces deux « bienfaiteurs » Hollandais pour visiter votre pays. J’ai été très touché et je ne suis pas le seul.

Après tant d’années en Europe, vous n’étiez donc pas capable de payer votre billet d’avion. A la même période, j’étais au Burundi. Mais mon voyage n’était pas pour solliciter un poste. Je n’ai pas  sollicité non plus la générosité des européens pour rentrer  dans mon pays. J’en aurai besoin pour financer des projets de soins médicaux des Burundais et non pour financer mes voyages.

Monsieur Kabuto, vous êtes un compatriote. Vous chantez chaque fois l’honneur,  l’indépendance mais  vous mendiez un billet d’avion pour rentrer ! Cela n’honore pas la diaspora .On aurait pu cotiser pour payer votre voyage dans la grande discrétion. Il fallait le dire.

D’après certaines informations fiables chez vos compatriotes en Hollande,  vous partiez avec l’espoir d’occuper un ministère au Burundi pour « services rendus ». Comme d’autres qui ont mis leurs plumes  et leurs sites au service du parti. Je ne  désignerai pas le ministère  que vous avez « raté ». Vous aviez informé certains de vos amis. Vous n’avez pas encore compris que ce ministre qui vous avez promis un ministère est un menteur.  

 Et vous dites que je cherche les honneurs ! Celui qui cherche les honneurs est celui qui peut attendre des heures durant pour être reçu.

Le temps des honneurs est dépassé pour moi. J’aurais des honneurs le jour où le peuple Burundais pourrait se faire soigner sans problème, le jour où les Burundais seraient fiers de la bonne gestion de leur pays. Les autres honneurs ne m’intéressent pas. Je refuse ces honneurs qui consistent à dépouiller, à affamer  son peuple. Pour les privilèges matériels et financiers, ce n’est pas au Burundi de me les offrir. Il m’appartient plutôt de contribuer matériellement et financièrement au développement social et économique de mon pays.

 Cher Kabuto, dans les contes il  paraît   que les rois finissaient toujours par  remercier les griots zélés. Mais ça pouvait prendre du temps. Parfois aussi certains griots malchanceux tombaient sur des rois ingrats. J’espère que  les maîtres que vous glorifiez aujourd’hui ne sont pas de cette dernière catégorie. C’est pourquoi je vous souhaite beaucoup de courage  dans votre   dur travail de chanter les louanges des grands du moment.

Je terminerai en vous souhaitant un bon séjour en Hollande en attendant un poste  au Burundi.

Je vous prie d’agréer, Monsieur, l’expression de mes salutations distinguées.

GR

PS : N’ayant pas beaucoup de temps  ni de talent pour les polémiques stériles, je vous dis déjà que je ne répondrai plus jamais à vos basses attaques. Vous pouvez donc vous défouler à l’aise sur tous les sites du monde.