LETTRE OUVERTE A MON AMI CADRE DU CNDD-FDD

 Burundi news, le 20/10/2014

Par Gratien Rukindikiza

Cher ami,

Le temps passe et ton silence m'interpelle. Votre parti traverse une période difficile en raison de la mauvaise gouvernance du pays. Je me rappelle de nos souvenirs communs, de notre combat commun pour un Burundi meilleur, un Burundi prospère, démocratique et qui lutte contre la pauvreté et l'insécurité de tout citoyen. Tu avais cet idéal depuis l'école secondaire quand on s'est connu. Tu avais gardé cet idéal quand le CNDD-FDD se battait contre le pouvoir en place. Il n' y a aucune bataille sans idéologie. L'ancien Président Sankara disait qu'un militaire sans formation patriotique est un criminel armé.

Mon cher ami et cher frère, après l'assassinat du Président Ndadaye, tu avais décidé de participer à une rébellion. Tu n'as jamais cessé de me dire au téléphone  depuis les maquis que votre arrivée au pouvoir signifiera la fin de la chasse aux sorciers, la fin de la pauvreté, de la corruption, bref un Burundi meilleur. Dieu soit loué, tu es sorti des maquis vivant malgré les souffrances que votre mouvement a connues. Des milliers de combattants sont morts, d'autres sont dans des chaises roulantes pour ceux qui ont eu la chance de les avoir. Cher ami, au nom de quoi ces Burundais sont-ils  morts et d'autres  blessés? Dans les deux camps adverses, il y avait des Burundais, tous des fils et filles de la nation burundaise. On ne fait pas la guerre pour s'amuser. Il y avait des causes objectives selon tes dires.

Cher frère, aujourd'hui vous êtes au pouvoir. Tu as été parmi les chanceux. Manassé s'était battu avec conscience et courage. Il est en errance dans la sous région pour fuir ses anciens compagnons. Radjabu, la tête pensante et chef du mouvement est en prison depuis plusieurs années. A Muyinga, des cadavres des membres du FNL étaient retrouvés sur la Ruvubu, tous tués par le pouvoir que tu sers. A Gatumba, le pouvoir dont tu te réclames n'a pas hésité à massacrer leurs jeunes du parti dans le but de les mettre sur le dos de l'opposition. Après les tricheries électorales de 2010, des dizaines de milliers des militants du FNL de Bujumbura rural, Bubanza et Cibitoke ont été tués par les services de renseignements burundais. Pour tout couronner, le pouvoir que tu soutiens vient d'assassiner trois religieuses européennes venues pour aider les Burundais. Quelle sauvagerie cette découpe à la machette de ces religieuses de plus de 70 ans!

Sur le plan économique et malversations, le pouvoir est plus que glouton. Quelques individus aspirent les caisses de l'Etat comme si le trou noir dans l'atmosphère était basé au Burundi. Tout marché est précédé par des commissions que se partagent le Président de la République et son directeur de cabinet Bunyoni. Les deux vendent tout ce qui est vendable et qui appartient au peuple burundais. Ils sont assis sur une fortune immense alors que le peuple agonise dans une misère immense.

Cher ami, j'aimerais te demander si tu te retrouves dans tes idéaux. J'aimerais savoir si nous avons encore les mêmes idéaux. As-tu trahi tes idées? As-tu trahi les milliers de morts, morts pour rien? Est-ce que tu arrives à dormir tranquillement devant un tel constat? Cher ami, je sais que tu dois le vivre mal et tu ne peux pas t'exprimer car les traîtres sont partout, prêts à aller vendre leurs amis, leurs collègues pour avoir quelques miettes. Tu as raison de te taire mais tu as tort de ne pas agir dans la discrétion. Le pays se meurt et tu le laisses sombrer. Tu n'es pas seul dans une telle situation. Comme Lénine  titrait son livre : Que faire?

La situation est grave. Le trio Nkurunziza-Bunyoni-Adolphe Nshimirimana conduit le pays dans un gouffre. Toi et tes amis assistent et font semblant d'être impuissants. On ne peut pas être impuissant face à une tragédie. Le sursaut patriotique interpelle. Ce sursaut est au dessus de la peur. Le sursaut patriotique ne doit pas être du seul ressort des cadres du CNDD-FDD ou de l'opposition ou de la société civile. C'est une sursaut national. Il demande et exige l'unité des patriotes burundais. Trois hommes ne peuvent pas mettre à genou tout un peuple. On sait que l'Akazu rwandais du temps de Habyalimana a conduit ce pays vers un génocide.

Cher ami, la période électorale approche. Le Président Nkurunziza va se présenter pour un troisième mandat illégalement. Il sera candidat Président à vie. Pour tous ceux qui espèrent se présenter aux élections présidentielles de 2020, ils devront patienter jusqu'à la mort de Nkurunziza; soit de vieillesse ou emporté par sa folie. S'opposer au troisième mandat est aussi s'opposer à une présidence à vie. Mieux vaut tôt que tard. Le troisième mandat de Nkurunziza sera tragique. Il est surtout tragique pour le Président Nkurunziza. Comme tout dictateur africain, il créera lui-même les conditions de sa tragédie. Souvent les dictateurs oublient que la force utilisée pour asservir un peuple est la même force qui agit pour le renverser ou le tuer.

Cher ami, chacun doit prendre ses responsabilités. Que le pouvoir reste aux mains du CNDD-FDD après des élections libres et transparentes avec un autre candidat que Nkurunziza, ça ne me gêne pas car je ne peux que m'incliner devant le choix du peuple tout en espérant qu'il ne fera pas les mêmes erreurs que le Président Nkurunziza. Par ailleurs, il faudra que ce nouveau pouvoir traduise en justice le Président actuel Nkurunziza.

Cher frère, je sais qu'il ne te manque pas des ambitions politiques. De ma part, je ne soutiens pas les hommes mais les idées. C'est pour cela que tous les dirigeants sont déçus. Si les hommes que j'ai soutenus changent leurs idées ou mettent en place une politique contraire au peuple, ils seront servis par mes critiques. Cher ami, je ne te soutiendrai jamais mais je soutiendrai ta politique de bonne gouvernance, de tolérance, de sécurité pour tous, de lutte contre la pauvreté etc....

Cher ami, je ne pourrai pas tout écrire. Nous aurons d'autres occasions pour en parler. En attendant, je te demande de faire de ton ministère, un ministère de bons services aux citoyens.

Je ne terminerai cette lettre sans souhaiter bon courage à tous les patriotes burundais et je  suis convaincu que tu en fais partie.